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Six malgaches bloqués sur le Glory II: «Des prisonniers vivant sur l’eau»

25 novembre 2016, 22:24

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Six malgaches bloqués sur le Glory II: «Des prisonniers vivant sur l’eau»

Coincés entre mer et terre dans un pays qui n’est pas le leur et sans salaire. C’est le lot de ces six Malgaches qui vivent à bord du Glory II, ancré dans la rade de Port-Louis, depuis deux ans. Visages fermés et l’air fatigué, Guido Fredo, Jacques Nestor, Tsaramila, Letovona Razakasoa Junot, Razafindramora Serge Leonard et Zafisolo Rolland, qui sont en situation irrégulière sur le territoire mauricien depuis plus d’une année, se sont confiés à l’express. «On se sent comme des prisonniers vivant sur l’eau…»

Comment en sont-ils arrivés-là ? Hung Ming Shipping, la compagne de pêche mauricienne qui employait ces Malgaches, s’est retrouvée en pleine tempête financière. Or, selon le Shipping Act et le Port Act, les marins n’ont pas le droit d’abandonner le bateau. Conséquence : en plus d’être bloqués à Maurice, ils n’ont pas touché de salaire depuis mai 2015.

Ces six marins malgaches ne savent plus à quel saint se vouer. «Nos familles nous manquent. Mais nous ne pouvons pas retourner chez nous parce que nous n’avons pas l’argent nécessaire pour le billet d’avion. De plus, la patronne nous doit 18 mois de salaires», confie mélancoliquement Guido Fredo, un des matelots malgaches.

Obligés de passer la majeure partie de leur temps sur ce bateau battant pavillon mauricien, ils se partagent une somme de Rs 1 200 par mois, histoire de ne pas mourir de faim. Cette somme leur est versée par Hung Ming Shipping.

«Avant, tout allait bien», disent d’une seule voix les marins. «Mais en 2014, nous avons commencé à avoir quelques difficultés à toucher notre salaire. Le problème s’est accentué au fil des mois. Puis, en juin 2015, nous n’avons plus rien reçu comme salaire.»

Ils ont rencontré leur ancien employeur plusieurs fois. Elle leur aurait promis de leur payer leur dû. «Cependant on en a jamais vu la couleur», font comprendre les marins. Celle-ci leur aurait même promis un billet retour pour Madagascar. Mais sans y donner suite.

Ému, Zafisolo Rolland nous raconte qu’en juillet 2015, il devait à tout prix rentrer chez lui car il venait de perdre son père. «J’ai demandé au patron l’argent pour me rendre à Madagascar. En vain.» Du coup, plus d’un an après, il n’a pas encore fait son deuil.

Bien que la situation soit difficile, il n’est pas question pour eux de rentrer dans la Grande Île sans un salaire. Notamment à cause des emprunts qu’avaient contractés leurs familles pour tenir le coup. D’autant qu’aujourd’hui, ajoutent-ils, plus personne ne veut leur prêter de l’argent. «Nous devons récupérer notre argent», martèlent-ils.

Pris en charge

D’autres marins malgaches, qui faisaient également parti de l’équipage du Glory II, ont, eux, eu plus de chance. Certains ont été embauchés par des compagnies de pêche. D’autres encore ont jeté l’éponge et sont retournés à Madagascar avec l’aide de leurs proches. Comment gardent-ils contact avec leurs proches ? L’un d’entre eux confie qu’il demande de l’argent à un ami travaillant au port pour s’acheter des cartes téléphoniques.

Les marins ont été pris en charge par la Maritime Transport and Port Employees Union depuis 2014. Iyaroo Pillay, négociateur de ce syndicat, indique que les officiers du Shipping Office – qui est sous l’égide du ministère de la Pêche – ont rencontré les marins à plusieurs reprises. Mais aucune solution n’a été trouvée.

D’ailleurs, pour Iyaroo Pillay, cette situation arrange certaines personnes. «Comme des membres de l’équipage sont sur le bateau, pas la peine de payer un agent de sécurité pour le garder», soutient-il. De plus, le bateau peut être déplacé lorsqu’il est nécessaire. Iyaroo Pillay soutient que l’armateur ne respecte pas les marins tandis que le bateau est lui-même dans l’illégalité. «La MPA doit aussi prendre ses responsabilités», déplore-t-il

Ce cas n’est pas une première, fait ressortir le négociateur. Il donne l’exemple du Markella qui s’est retrouvé dans la même situation en 2012. Neuf marins philippins s’étaient retrouvés dans la même situation.

Le Seafarer’s Welfare Fund (SWF) avait payé le billet d’avion des neuf marins qui étaient restés à bord ainsi qu’une allocation de USD 500 (Rs 16 500 environ) par marin. «Le SWF peut faire la même chose pour les marins malgaches», affirme Iyaroo Pillay.

Par ailleurs, les marins auraient, il y a quelque temps, pris contact avec l’ambassade malgache à Maurice qui aurait envoyé un mail au Shipping Office. Mais celui-ci n’est pas revenu vers eux.