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Femmes israéliennes à l’épreuve du feu

20 novembre 2016, 16:16

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Femmes israéliennes à l’épreuve du feu

 

Le visage recouvert de boue, Smadar rampe sous les ronces, son fusil automatique autour du cou, sous les exhortations de sa supérieure qui est une femme, comme elle. Malgré l’intensité de l’entraînement, Smadar a le sourire.

«Je ne regrette pas d’avoir choisi cette unité. Je voulais faire mon service militaire dans l’unité la plus combattante possible», dit la jeune fille de 18 ans.

Smadar fait ses classes près de Yokneam, dans les collines verdoyantes de Galilée (nord d’Israël). Mais c’est dans les semi-déserts du sud qu’elle est appelée à prendre part à un discret mais profond changement tant social que militaire.

La soldate, dont le nom reste confidentiel conformément à la règle militaire, se prépare à intégrer le bataillon Bardelass, l’une des trois unités de l’armée israélienne à la fois mixtes et entièrement combattantes.

Depuis des décennies, avant même la création de l’Etat d’Israël, les femmes occupent une place importante dans les forces armées, y compris dans les organisations historiques du Palmach et de la Haganah qui livrèrent la guerre d’Indépendance de 1948 et donnèrent naissance à Tsahal, aujourd’hui la plus puissante armée de la région.

Israël est l’un des rares pays au monde où hommes et femmes, sauf exception, sont soumis à la conscription.

Historiquement, les femmes étaient confinées aux postes d’infirmières ou d’opératrices radio, mais leur place a évolué ces dernières années sous l’effet des changements de mentalité, de nouvelles lois, et des impératifs tactiques.

Une demande exponentielle

Les Israéliennes sont de plus en plus nombreuses à servir dans des positions combattantes: cela concernait 3% des femmes dans l’armée il y a quatre ans, 7% aujourd’hui, 9,5% escomptés en 2017, selon l’armée. Et l’offre est loin de satisfaire la demande, qui a augmenté de 250% en trois ans.

La première unité mixte, le bataillon Caracal, qui tient son nom d’un chat sauvage dont le mâle et la femelle se ressemblent, a vu le jour en 2000, année où la loi a été amendée pour stipuler que «le droit des femmes à servir dans quelque position que ce soit est égal au droit des hommes».

Un quatrième bataillon est prévu pour mars 2017.

Les Israéliens de 18 ans sont appelés sous les drapeaux pour deux ans et huit mois, les Israéliennes pour deux ans. Celles qui veulent porter l’uniforme combattant doivent s’engager à huit mois supplémentaires. Cela ne dissuade pas les volontaires.

Garçons et filles dorment sous les mêmes tentes et accomplissent les mêmes missions, explique Smadar, la recrue du bataillon Bardelass. «Ce qu’un homme peut faire, une femme peut le faire aussi».

K., 25 ans, officier du bataillon Caracal, se demande comment «il peut y avoir des unités non mixtes». Arrivée en 2004 d’Ukraine comme nombre de migrants de l’ex-URSS, K. dit avoir voulu «faire le maximum» pour son nouveau pays. «Celui qui peut combattre doit le faire, homme ou femme, il n’y a aucune différence».

Ailleurs aussi

L’armée israélienne n’est pas la seule à se féminiser. «Le nombre de femmes qui s’engagent augmente depuis 10 ans dans le monde occidental», auquel Israël est communément associé, explique Megan Bastick, une enseignante de l’université d’Edimbourg, spécialiste de l’intégration des femmes dans le domaine de la sécurité. Elle cite l’Australie et le Canada en exemple des pays tendant à offrir des opportunités égales aux hommes et aux femmes.

Au Proche-Orient et dans le monde arabe très majoritairement musulman, «malgré une évolution, les femmes restent les assistantes de leurs homologues masculins», relève Dalia Ghanem Yazbeck, experte au Carnegie Middle East Center, en invoquant les barrières dressées par leur société et par une institution «hypervirile où la guerre reste largement une affaire d’hommes».

Certes, le major Mariam al-Mansouri a mené une mission de combat pour les Emirats arabes unis et contre l’organisation Etat islamique en 2014, rappelle-t-elle. L’Algérie a plusieurs femmes générales. Des femmes servent en Jordanie, au Liban ou en Tunisie. En Syrie, plusieurs femmes ont le grade de général et des Syriennes servent dans des unités combattantes, notamment dans la banlieue de Damas. Mais c’est l’exception, note Dalia Ghanem Yazbeck.

En Israël, l’armée, passage incontournable pour une grande partie de la jeunesse, se pose volontiers en modèle d’intégration pour les femmes et les minorités ethniques ou même sexuelles, par contraste avec les conservatismes ou les intolérances répandues dans la région.

Mais le nombre total de femmes en position combattantes reste minimal, tempère Amos Harel, correspondant militaire de l’influent quotidien Haaretz.

Il s’interroge sur la détermination de l’état-major à aller jusqu’au bout de l’intégration et à prendre le risque de ce qui fut longtemps un frein à l’entière acceptation des femmes dans la troupe: l’enlèvement de l’une d’entre elles par l’ennemi. Celui du soldat Gilad Shalit en 2006 avait causé un traumatisme national.

'Pas une idéologie: un besoin'

Sur les plus de 120.000 soldats en service obligatoire (une estimation, car l’armée ne fournit pas de chiffre), 41,2% sont des femmes. 85% des postes de l’armée sont accessibles aux femmes et plus d’une fille sur deux fait l’armée, les religieuses étant exemptées.

Amos Harel note que l’intégration accrue des femmes ne relève pas «de l’idéologie mais d’un besoin», du fait de la réduction de quatre mois du service obligatoire pour les garçons.

Les unités mixtes opèrent le long de frontières relativement calmes, avec l’Egypte et la Jordanie, les deux seuls pays arabes à avoir conclu la paix avec Israël.

L’état-major préfère réserver et entraîner ses meilleures unités combattantes pour des dangers plus éminents, à la frontière avec le Liban ou dans la bande de Gaza.

Aucune des unités mixtes n’a pour l’heure participé à des combats hors des frontières. Mais sur les 44 soldates tuées durant leur service depuis 1948, deux sont mortes à l’étranger, selon l’armée.