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Droit de retour refusé : la lutte des Chagossiens contre les Britanniques continue

17 novembre 2016, 22:12

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Droit de retour refusé : la lutte des Chagossiens contre les Britanniques continue

 

La décision de refuser le retour des Chagossiens n’a pas ébranlé leur détermination. Ils demandent une «Judicial Review». Une réunion se tient ce matin au PMO.

Le couperet est tombé mercredi 16 novembre. Dans une déclaration écrite, le gouvernement britannique a statué contre le retour des Chagossiens sur leurs îles natales. Toutefois, celui-ci a fait valoir qu’il compte allouer une compensation de £ 40 millions, soit Rs 1,8 milliard, sur une période de dix ans à tous les Chagossiens pour améliorer leur condition de vie dans leur pays d’adoption. La décision a été annoncée au Parlement de Westminster. Du côté de la communauté chagossienne, compensation ou pas, la lutte continue.

En effet, à en croire Robin Mardemootoo, représentant légal du Groupe refugiés Chagos (GRC), «les Chagossiens peuvent espérer retourner dans l’archipel grâce à l’étude de faisabilité». D’ailleurs, au bureau du Premier ministre, l’on avance avoir déjà informé sir Anerood Jugnauth, actuellement en voyage en Inde, de la décision du gouvernement britannique. Une réunion de haut niveau est prévue ce matin au bâtiment du Trésor avec des représentants du State Law Office.

En outre, un communiqué officiel devrait être émis à la mi-journée. Et en ce qui concerne la prochaine réunion du comité parlementaire sur les Chagos, prévue le 23 novembre, elle devrait analyser cette décision du gouvernement britannique et proposer des recommandations.

Par ailleurs, le conseil légal du GRC fait ressortir qu’ils engageront de nouvelles procédures dans les jours qui viennent. «Nous demanderons une Judicial Review de la décision du gouvernement britannique.» Après 18 ans de lutte juridique, la communauté chagossienne n’a pas le choix, déplore-t-il.

Même son de cloche du côté de Pierre Prosper, président du Comité des Chagossiens aux Seychelles. «Notre lutte reste le retour de la communauté chagossienne sur leurs îles natales», soutient-il. «Nous accueillons la décision du gouvernement britannique pour une aide financière, mais ce n’est pas suffisant», poursuit-il.

Cette compensation n’est pas appropriée comparé au mal infligé au peuple chagossien. «Ils disent que le retour des Chagossiens coûtera trop cher. Pourquoi ne pas faire payer un loyer aux Américains ? Cet argent ira dans un fonds pour financer notre retour», propose Pierre Prosper.

À noter que le Comité des Chagossiens aux Seychelles se rencontrera cette semaine. Il est prévu que les membres se rendent au haut-commissariat britannique aux Seychelles avant de décider de la marche à suivre.

Qu’en est-il des Chagossiens habitant au RoyaumeUni ? «On pensait qu’ils allaient corriger cette injustice, mais ils n’ont rien fait. Le débat était toujours renvoyé. David Cameron a demandé d’attendre que Theresa May se prononce et maintenant qu’elle est là, il n’y a toujours rien», dit Frankie Bontemps, qui habite la région de Crawley en Angleterre.

Ce qu’il regrette le plus ? C’est que les familles chagossiennes sont divisées, avec une partie en Angleterre, une autre à Maurice ou ailleurs. «Il nous faut continuer le combat et prendre des actions contre le gouvernement britannique.»

 À morcellement ilois une lueur d’espoir qui s’éteint

Tristesse et déception d’une part, colère et révolte de l’autre. L’annonce du refus du gouvernement britannique d’accorder aux Chagossiens un retour dans leur archipel n’a pas laissé de marbre la communauté chagossienne, à Morcellement Ilois, Baie-du-Tombeau. Une décision lourde de conséquences pour ceux qui entretenaient l’espoir de revoir un jour leur terre natale. À l’instar de Rosemond Saminaden, 80 ans, qui a entendu la nouvelle à la radio. «Quand vous êtes un tyran, vous le resterez tout le temps», dit ce natif des îles Salomon qui est arrivé à Maurice à l’âge de 35 ans. Déplorant le rôle joué par les Anglais, il fait ressortir que si le gouvernement britannique concède avoir déraciné ce peuple, il se doit de dédommager les siens «pour ce traitement inhumain». L’octogénaire admet que le coût d’un relogement au Chagos peut s’avérer onéreux. Et de faire ressortir que le gouvernement britannique bénéficie d’une location avec les États-Unis. Selon lui, une partie de cette somme devrait revenir au peuple chagossien. «Cet argent est un peu à nous également. Pourquoi l’Angleterre ne donne pas une partie pour aider au développement des Chagossiens?» Plus loin, Liseby Elisée, 64 ans, qui est née à Peros Banhos, n’en démord pas : le gouvernement anglais doit octroyer une compensation aux Chagossiens qui sont à Maurice «Les Britanniques doivent nous verser une pension à vie, comme c’est déjà le cas pour les Chagossiens qui ont choisi de s’établir en Angleterre», fait-elle valoir. Herville Nanon, 71 ans, également natif de Peros Banhos, est attristé bien qu’il s’attendait, lui, à une telle issue. «Même si l’espoir était mince, il était toujours là», confie-t-il. Il compte aussi parmi ceux qui avaient entrepris le voyage aux Chagos le 7 avril 2006. «Lors de cette visite, j’ai croisé plusieurs panneaux et cela m’a fait mal au cœur, parce que les Anglais avaient accaparé notre île.» Nostalgique, il évoque le passé à Diego Garcia. «Je confectionnais des voiles de bateau. On vivait une vie paisible. On ne manquait de rien.» Sentiment partagé par Rita Issoo, 92 ans, et mère d’Olivier Bancoult. «Là-bas, j’avais tout. Je prenais ma canne à pêche et en quelques minutes j’avais du poisson en abondance, avance-t-elle. En venant ici, j’ai dû faire les poubelles pour nourrir les enfants. On a volé mon paradis !»

Ce qu’a décidé le gouvernement britannique…

Dans sa déclaration écrite cet après-midi au Parlement britannique, la Baroness Anelay of St-John’s, Minister of State et Deputy Speaker du Royaume-Uni, affirme avoir pris en considération le désir des Chagossiens de retourner dans l’archipel. «The manner in which the Chagossian community was removed from the Territory in the 1960s and 1970s, and the way they were treated was wrong and we look back with deep regret.» Toutefois, la Baroness Anelay of St-John’s a fait ressortir que le retour des Chagossiens dans leurs îles natales n’est pas possible. Quelques arguments avancés pour justifier une telle décision : la sécurité, la défense, les dépenses qu’entraînera le repeuplement des Chagos ou encore une étude de faisabilité au détriment des contribuables britanniques. Dans sa déclaration, la Baroness Anelay of St-John’s a confirmé que le Royaume-Uni accueille la présence des Américains à Diego Garcia.

Réactions

<h3>Shakeel Mohamed, chef de file du ptr au parlement</h3>

<p><em>&laquo;L&rsquo;ère de la colonisation est terminée. La décision des Britanniques démontre une attitude impériale et du racisme. Cette compensation de &pound; 40 millions aux Chagossiens est une insulte. Les Britanniques ont commis une faute. Pour ce qui est de la souveraineté, ce n&rsquo;est pas négociable, Maurice est propriétaire des Chagos.&raquo;</em></p>

<h3>Le haut-commissariat britannique</h3>

<p><em>&laquo;Nous n&rsquo;ajouterons rien à la déclaration de la ministre, mais nous allons faire des consultations avec la communauté chagossienne à Maurice concernant cette compensation de &pound; 40 millions. Il faut voir comment monter de nouveaux projets et il y aura plus de collaboration entre le haut-commissariat britannique et la communauté chagossienne. Il y aura aussi des visites plus importantes des Chagossiens sur leurs îles.&raquo;</em></p>

<h3>Jean Claude de l&rsquo;Estrac, ancien ministre des affaires étrangères</h3>

<p><em>&laquo;Je ne suis malheureusement pas surpris. Je n&rsquo;ai pas cessé de dire que nos gesticulations incessantes dans cette affaire ne sont que des coups d&rsquo;épée dans l&rsquo;eau. J&rsquo;en veux à ceux qui, épisodiquement font croire aux Chagossiens qu&rsquo;un retour dans l&rsquo;archipel est possible. Ceux qui maîtrisent ce dossier connaissent les raisons pour lesquelles les Américains et les Britanniques ne veulent absolument pas prendre le risque d&rsquo;un retour des Chagossiens dans les îles. Cela n&rsquo;a rien à voir avec le coût de la réinstallation. Ce sont surtout pour des raisons politiques, ce qu&rsquo;ils appellent &lsquo;Defence and Security Interest&rsquo;. Soit les mêmes raisons qui les avaient incités à déporter les Chagossiens. Ils ne veulent prendre aucun risque de quelque protestation politique de la part des Chagossiens qui auraient retrouvé leurs îles natales et qui pourraient revendiquer un jour un droit à l&rsquo;auto-détermination. Ce qui donnerait à l&rsquo;ONU le droit d&rsquo;enquêter à Diego Garcia. C&rsquo;est aussi simple que cela. Ce n&rsquo;est pas la peine de chercher l&rsquo;explication ailleurs.&raquo;</em></p>

<h3>Lindsey collen, de lalit</h3>

<p><em>&laquo;Je ne suis pas étonnée. Pendant ces derniers 50 ans, la GrandeBretagne continue de mentir non seulement aux Chagossiens et aux Mauriciens mais au monde entier. Cette décision est en contradiction avec le jugement de la &lsquo;Convention of the Law of the Sea&rsquo;. C&rsquo;est un jugement qui rappelle que la Grande-Bretagne ne peut rien décider sur la mer sans consultation avec Maurice. Les Chagossiens doivent cimenter davantage cette alliance avec les Mauriciens et il est plus que jamais l&rsquo;heure d&rsquo;accentuer cette lutte pour récupérer les Chagos.&raquo;</em></p>

<h3>Xavier-Luc Duval, Premier ministre adjoint</h3>

<p><em>&laquo;J&rsquo;ai eu une rencontre avec le haut-commissaire britannique et nous allons contacter le Premier ministre. Suivant cela, nous émettrons un communiqué.&raquo;</em></p>

<h3>Ameenah Gurib-Fakim, présidente de la République</h3>

<p><em>&laquo;Je ne peux pas commenter, c&rsquo;est du ressort du Premier ministre et du ministre des Affaires étrangères.&raquo;</em></p>