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Shardanand Moheeputh: devient ‘Duc’ à 84 ans

11 novembre 2016, 14:44

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Shardanand Moheeputh: devient ‘Duc’ à 84 ans

Une facette plus glorieuse du sport hippique a été dévoilée samedi. Il s’agit de la formidable histoire humaine d’un ‘tonton’ de 84 ans : Shardanand Moheeputh. Il a réalisé, en effet, un rêve d’enfance en ce samedi 5 novembre au Champ de Mars : celui de ramener un gagnant au paddock. De là, une relation improbable, mais privilégiée, est née entre l’entraîneur Ricky Maingard et «Ton» Shardanand Moheeputh, un retraité, habitant Montagne-Blanche.

Tout commence en 2015 par une annonce dans les journaux dans laquelle l’entraîneur Maingard cherche proprios. «C’était un déclic», explique M. Moheeputh. Il s’est fait conduire illico presto au Champ de Mars par l’un de ses trois fils afin de faire une offre.

A l’écurie, Ricky Maingard s’entretient longuement avec lui, histoire de connaître ses motivations. «Il a compris que je n’étais pas un affairiste. Je n’étais pas là pour me faire de l’argent. Je voulais juste réaliser un rêve d’enfance : ramener fièrement un cheval gagnant au Champ de Mars.»

Shardanand Moheeputh a attendu longtemps pour s’en donner les moyens, car il avait d’autres priorités, d’autres projets à l’époque. «J’ai travaillé d’arrache-pied pour offrir la meilleure éducation à mes enfants. Lorsqu’ils ont pu voler de leurs propres ailes, j’ai commencé à économiser sou par sou pour pouvoir acheter une part dans un cheval.» L’espoir naît enfin jusqu’au jour où, un samedi 5 novembre, Duke The Duke, dont il est l’un des copropriétaires, permet au rêve de se réaliser.

Pour Shardanand Moheeputh, sa sortie victorieuse en piste après la victoire de Duke The Duke est «une renaissance après tant de sacrifices. Mo reve zenfan inn realize». Il n’en dit pas plus sur Duke The Duke, car l’émotion prend le dessus. Il fond en larmes. C’est le silence.

Puis, il nous regarde droit dans les yeux et se met à parler de l’homme derrière la réalisation de ce rêve : Ricky Maingard. Lui non plus n’avait pu vaincre l’émotion après la rentrée victorieuse de Shardanand Moheeputh aux côtés de Duke The Duke. «Vous savez, Monsieur Maingard a rencontré beaucoup de gens malhonnêtes dans sa vie. Des gens qui ne voulaient que se servir de lui. Voilà pourquoi la victoire de Duke The Duke est spéciale. Moi, je ne suis venu chez lui que pour réaliser un rêve, pas pour l’argent. Un grand homme comme Monsieur Maingard ne pleure pas pour rien. Je le remercie du fond du coeur de m’avoir permis un pareil honneur.»

Origine modeste

Shardanand Moheeputh ne vient pas d’une famille aisée. «Je ne suis pas né avec une cuillère en or à la bouche.» Enfant, il donne à boire aux travailleurs de la région et fait le va-et-vient entre la fontaine et eux. Après quoi, il passera 42 ans au sein de la fonction publique.

Etre fonctionnaire, cela ne l’empêche pas de s’adonner à la plantation et à être chanteur «dans mariaz indien» harmonium en main. C’est, du reste, à une de ses soirées comme chanteur qu’il rencontre Talia, celle qui deviendra plus tard son épouse. Sa passion pour les chansons indiennes lui fera découvrir d’autres horizons, notamment un passage en Inde, où il séjournera pendant 10 ans. Il se liera d’amitié avec Mukesh Chand Mathur, l’une des plus belles voix qu’a connues le cinéma indien. Dans ses temps libres, il est aussi footballeur. «Il était un des meilleurs joueurs à Montagne-Blanche», dit sa femme Talia.

Shardanand Moheeputh est un homme apprécié dans cette région de l’île. Du reste, lorsque L’Express-Turf débarque à Montagne-Blanche le lundi 7 novembre, trouver sa résidence à la rue Petit-Paquet n’est qu’une formalité. «Oui, li reste laba», nous répond le premier passant. Avant de nous demander : «Ou pe rod dilé ?»

«Dilé ?» Shardanand Moheeputh explique l’origine de ce sobriquet. Petit, c’est lui qui est chargé d’apporter du lait frais au directeur de l’usine sucrière de Bel-Etang. «Missié Ferret ti pé appel mwa dilé et sa nom la inn reste.»

Aujourd’hui, Shardanand Moheeputh dit vivre le bonheur parfait. Surtout avec le rêve réalisé la semaine dernière. «Même ce rêve est devenu réalité. Que puis-je demander de plus ?» Pour lui, c’est Dieu qui a voulu qu’il soit là où il est. Il affirme avoir vécu une vie exemplaire, exempte de jalousie, de ressentiment, de colère et d’amertume. «J’ai tout le temps été bon envers les autres. Si ou viv traver ou pu gagn ceki traver dan ou la vie.» C’est ce qui lui a permis de tenir le coup pendant «les moments difficiles». Aux jeunes, il leur demande de «fer ceki bon. Rezette ceki mové.»

Qu’est-ce qui a changé chez les Moheeputh depuis que Duke The Duke est associé à la famille ? Adolescente, raconte Karuna, la belle-fille de l’octogénaire, elle s’est laissé embarquer dans le giron par les Moheeputh. «C’était toujours la fête chez eux les samedis de courses. Les snacks et les boissons agrémentaient la journée.» Pour elle, l’acquisition de Duke The Duke est une suite logique. «Dorénavant, la famille vit cette passion différemment en se rendant au Champ de Mars lorsque Duke The Duke court.»

Sur ce, on se met debout pour saluer «Ton» Shardanand qui ne nous quitte pas des yeux alors que nous prenons congé de lui…

Le message qu’il transmet à ceux qui ne voient que du noir au Champ de Mars : les courses de chevaux ne se résument pas qu’à une question de fric !

Ricky Maingard : «Un jour, il est venu me voir…»

	<p>Pour l&rsquo;entraîneur Ricky Maingard, la 32e journée était spéciale. Non seulement Parachute Man a gagné, mais son écurie a aussi per-mis à <em>&laquo;Tonton&raquo;</em> Moheeputh de vivre un moment inoubliable sur la piste après la victoire de Duke The Duke.</p>

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	<p><em>&laquo;Vous savez et je vous le dis en toute modestie, j&rsquo;ai gagné quelque 2 500 victoires dans ma vie, dont environ 120 courses de Groupe. Mais ce succès (NdlR : celui de Duke The Duke samedi) m&rsquo;a vraiment marqué. M. Moheeputh est quelqu&rsquo;un qui n&rsquo;a pas beaucoup de moyens et qui est souffrant. De l&rsquo;aider à réaliser son rêve d&rsquo;enfance m&rsquo;a fait énormément plaisir. J&rsquo;étais très ému après la course. Cela vient démontrer que les courses ne sont pas uniquement une question de paris et de jeu. C&rsquo;est une passion. Un jour, il est venu me voir en compagnie de son fils et il m&rsquo;a dit qu&rsquo;il avait économisé pendant beaucoup d&rsquo;années pour pouvoir vivre un rêve d&rsquo;enfance qui était d&rsquo;avoir un cheval de course spécialement avec moi et de pouvoir descendre sur la piste. Je lui ai demandé de réfléchir et le lendemain, son fils m&rsquo;a rappelé pour me dire que son père avait pris sa décision d&rsquo;acheter une part. Je lui ai dit de prendre une part dans Duke The Duke, ce qu&rsquo;il a fait. Samedi, il a fait un effort pour venir aux courses même s&rsquo;il n&rsquo;était pas en très bonne santé et le faire descendre sur la piste était extraordinaire.&raquo;</em></p>
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