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Le Brésil face au défi de moderniser son système des retraites

9 novembre 2016, 13:09

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Le Brésil face au défi de moderniser son système des retraites

 

Le président conservateur du Brésil Michel Temer est décidé à présenter cette année un projet de réforme des retraites pour sortir le pays de son grave déficit budgétaire, malgré les résistances même au sein de ses alliés.

Il n’y a pas encore de projet officiel, mais on sait déjà que le projet durcira les conditions actuelles, notamment en ce qui concerne l’âge minimum de la retraite.

Ses partisans allèguent que le régime brésilien est «une bombe à retardement», avec un «trou» pour cette année qui atteindra 147 milliards de réais (46 milliards de dollars).

Les dépenses du régime des retraites qui représentaient 2,5% du PIB en 1988, pèsent actuellement pour plus de 7% dans un pays qui est de surcroît plongé dans la récession pour la deuxième année consécutive.

«Le Brésil dépense en sécurité sociale la même proportion du PIB que le Japon, avec à peine un tiers de son pourcentage de personnes âgées. Je pense qu’il n’y a rien de plus parlant pour comprendre l’aberration de la situation au Brésil. Ici, si quelqu’un commence à contribuer à 15 ans et que c’est une femme, elle peut prendre sa retraite à 45 ans», explique à l’AFP l’économiste Fabio Giambiagi, expert en finances publiques.

Une population plus âgée 

Au Brésil, le système des retraites repose sur les cotisations des travailleurs actifs. Il est donc confronté à la population vieillissante avec l’augmentation de l’espérance de vie.

La population de plus de 60 ans a doublé entre 2010 et 2014 et représente 13% du total, avec 27,8 millions de personnes. En 2030, elle atteindra 41 millions, soit 18% du total, selon les estimations officielles.

«Mais cette discussion ne peut pas être simplement financière», estime Marcel Guedes, économiste à l’Université catholique de Sao Paulo.

«Il est vrai que le Brésil dispose d’un régime de retraite avantageux, mais nous avons aussi marché du travail irrégulier, avec de nombreux travailleurs informels, sans droits. Les salaires sont aussi très bas», explique-t-il à l’AFP.

Dans le pays, il existe trois régimes des retraites: le général, pour les travailleurs du privé et les fonctionnaires fédéraux ainsi que pour les militaires, administré par l’Institut national de sécurité sociale (INSS). Il englobe les travailleurs ruraux, qui prennent leur retraite plus jeunes et n’ont pas besoin d’avoir contribué.

Le deuxième régime, semblable, à l’INSS, est organisé par les Etats régionaux et municipalités et est réservé à leurs fonctionnaires. El le troisième est un système complémentaire (privé), pour ceux qui souhaitent augmenter leurs pensions.

Pour prendre sa retraite avec des bénéfices complets dans l’ensemble du système, il y a le choix entre l’âge - 65 ans pour les hommes et 60 pour les femmes - et le temps de cotisation. Dans ce second cas, on applique depuis 2015 la formule 85/95 : 85 points pour les femmes et 95 pour les hommes, avec un minimum de 30 et 35 ans de cotisations, respectivement.

La réforme imposerait un âge minimum pour la retraite: 65 ans pour tous.

La réforme 'possible' 

Les syndicats arguent que le gouvernement devrait augmenter ses revenus et non pas couper dans les droits des travailleurs. Et les universitaires et groupes de gauche soutiennent que le déficit pourrait être comblé en laissant tomber la priorité donnée au paiement des intérêts de la dette.

La discussion existait déjà sous les gouvernements du Parti des travailleurs (PT, gauche) de Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) et la présidente destituée Dilma Rousseff (2011-2016), qui avaient organisé des débats entre syndicats et patrons.

M. Temer juge urgent de regagner la confiance des marchés et déjà envoyé au Parlement un projet pour geler les dépenses publiques pendant 20 ans.

La réforme des retraites est un élément clé de ce projet, même si son camp redoute de devoir payer la facture lors des élections générales de 2018.

Une crainte qui a conduit le chef de cabinet, Eliseu Padilha, à admettre récemment que ce sera «la réforme possible», sinon elle pourrait devenir «non viable».

«La résistance est normale», affirme l’expert Fabio Giambiagi. «Mais face à la tragédie que nous vivons, on verra que ne pas mettre en œuvre des réformes conduira à l’effondrement des services publics», prévient-il.