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Giralda Marianne: «Voir la vie au-delà de la pauvreté»

7 novembre 2016, 12:48

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Giralda Marianne: «Voir la vie au-delà de la pauvreté»

Dans ce centre de Ville-Noire, des adolescents intègrent un système éducatif inclusif, qui mise sur la valorisation de leur potentiel. Il utilise un programme spécialement pensé pour eux et la pédagogie appliquée par le réseau Adolescent Non Formal Education Network (ANFEN).

Il est neuf heures. Les élèves du Mahebourg Espoir Education Centre (MEEC) terminent tout juste leur petit- déjeuner préparé avec soin par Marie-Thérèse et Nathalie, deux employées du centre. Direction : le «village d’activités», un alignement de conteneurs aménagés sur le même site avec le soutien financier du Decentralised Cooperation Programme (DCP) de l’Union européenne. Tous (ou presque) ne manquent pas de saluer au passage Giralda Marianne, coordinatrice du centre qu’ils appellent «Miss Giralda».

Le MEEC fait partie du réseau ANFEN. Lancé en janvier 2011, il prend en charge, sous son programme d’éducation non-formelle à l’approche holistique, une quarantaine de jeunes. Ce centre a pour vocation de favoriser le développement, la socialisation et le renforcement des capacités de jeunes adolescents vulnérables, à travers des formations en lifeskills, un accompagnement éducatif et psychologique et la conduite d’activités à base communautaire.

Ce matin, comme tous les matins depuis une semaine, les classes académiques ont fait place aux ateliers créatifs, histoire de finaliser quelques derniers produits pour une journée portes-ouvertes qui a eu lieu vendredi. Ces articles ont été exposés et vendus dans une boutique qui a été ouverte au cours de cette journée spéciale.

Pour Sylvie Mayer, Manager du MEEC, «il s’agit non-seulement d’un moyen de montrer des produits issus des formations que nous donnons aux élèves, mais aussi d’obtenir une nouvelle source de revenus pour permettre au centre de poursuivre ses actions dans une conjoncture de plus en plus difficile.» Sylvie Mayer est inquiète par rapport au financement du MEEC l’année prochaine, de même que pour les années à venir. «Nous ne savons pas de quoi 2017 sera fait mais nous ne laisserons pas les enfants tomber», soutient-elle.

En temps normal, les ateliers artisanaux débutent aux alentours de 13 heures, après les classes et la récréation. Celles-ci sont importantes car elles valorisent les jeunes accueillis au centre et les aident à découvrir et développer leurs aptitudes. Parmi elles, une classe de jardinage qui permet d’approvisionner le MEEC en produits frais pour préparer les repas quotidiens offerts aux élèves, dont la plupart sont issus des régions vulnérables du Sud-Est.

Devant chaque conteneur transformé en salle de classe, un petit carré de terre a été ensemencé et les plantes qui germent sont surveillés à tour de rôle par les élèves. Se hâtant de terminer ses tâches avant que le soleil ne tape trop fort, Jeremy reste concentré. Il remplit de terre quelques boîtes de conserve et récipients en plastique pris de la cuisine et y transfert des boutures de plantes qui serviront à embellir le jardin. L’entretien des plantes relève de sa responsabilité cette semaine- là. Il le fait trois fois la semaine.

Pendant les vacances scolaires qui ne sauraient tarder, les élèves du MEEC se relaieront pour maintenir le jardin en état. Une manière de les responsabiliser par rapport à l’environnement au sein duquel ils sont amenés à grandir et d’accroître leur sentiment d’appartenance à cette école qui est la leur.



La chance d’avoir un avenir meilleur

Emmanuel, 14 ans, a un regard doux et un sourire franc. Il est aussi très poli. Il a intégré le Mahebourg Espoir Education Centre (MEEC) il y a trois ans. Blessé après un parcours scolaire difficile dans le système éducatif classique, au MEEC, il dit avoir trouvé l’alternative éducative qui lui convient et qui s’adapte à lui. «Si mo pann konpran, bann-la pran létan pou ré-explik mwa.»

Dans son ancienne école, soutient le garçon, ce sentiment de valorisation n’existait pas. «Les autres élèves se moquaient de moi parce que je ne savais pas lire et écrire. Je me sentais exclu.» C’est ainsi que sa mère finit par l’inscrire au MEEC. Il s’y plaît beaucoup. «Ici, j’ai une deuxième chance pour me construire un avenir. Il était important pour moi que l’on me donne cette chance.»

Pour Charlize, 15 ans, l’adaptation initiale a été difficile car elle était pleine d’appréhensions: peur de ne pas s’intégrer, de ne pas s’adapter à un nouveau système, de ne pas être acceptée parmi des inconnus… Aujourd’hui, la donne a changé. «Je ne me vois pas dans une autre école. Je suis consciente que j’ai accès à un système éducatif différent et cela me va.» Charlize est arrivée au MEEC il y a quatre ans.

«Ici, je suis exposée à plusieurs disciplines différentes – la couture, sports etc…Il y aura bientôt du volleyball aussi. Mais ce que je préfère, c’est la pâtisserie !»

Des animateurs responsables des classes

Les classes de menuiserie sont très prisées par les élèves car c’est un possible débouché professionnel.

Sept animateurs gèrent des groupes de dix élèves par classe pour la partie académique. Le terme «animateur» est préféré à celui d’«éducateur» afin que les élèves ne se sentent pas embarqués à nouveau dans un environnement «scolaire» qui ressemblerait à celui où ils ont vécu une forme d’exclusion. L’approche relève plus de l’encadrement que de la relation enseignant-élève.



Giralda Marianne: «Voir la vie au-delà de la pauvreté»

Giralda Marianne, Project Coordinator, Mahebourg Espoir Education Centre

Le Mahébourg Espoir Education Centre (MEEC) a ouvert ses portes en 2011. Pourquoi était-il important d’ouvrir ce centre ?
Nous avions appris que le centre Fatima de Mahébourg, logé au collège Lorette, allait fermer ses portes. Il n’était pas question de laisser ces jeunes filles retourner à la rue et de ne pas y inclure les garçons.

Décrivez-nous une journée typique…
Arrivée à 8 h15. Assemblée et petit déjeuner dans la grande salle avant de rentrer au village d’activités, dans un container transformé en salle de classe. Cours selon le syllabus d’ANFEN. Courte pause à 10 h 30. Déjeuner dans la grande salle à midi. Récréation. Participation aux activités les après-midi, sauf pour le judo et le jardinage.

Face à un système éducatif dans lequel ils se sentaient exclus, les jeunes que vous accueillez ont besoin de regagner confiance en eux. Comment vous y prenez-vous ?
Nous croyons dans les valeurs du MEEC que sont l’écoute, la valorisation, la passion, l’empathie et l’esprit d’équipe. Nous nous en servons au quotidien. A cela, il convient d’ajouter l’aide psycho-sociale. Il faut aussi savoir que nous ne travaillons qu’avec de petits groupes d’adolescents, ce qui facilite notre mission.

L’adolescent est au centre de tous les programmes établis au sein du MEEC. Comment faites-vous pour les intégrer ?
L’être important dans ce projet, c’est l’adolescent. Tout est bâti pour lui, autour de lui, et avec lui. Nos nouvelles activités sont choisies après concertations avec eux, tout comme l’a été le transfert du MEEC à Ville-Noire, en 2013.

Quelle est la part/le rôle que vous donnez aux parents dans votre approche ?
Les parents ont un grand rôle à jouer dans l’éducation de leur enfant et dans la vie du MEEC : participation à des réunions régulières, concertation, aide par le bénévolat, etc. Le parent a toujours son mot à dire pour que nous progressions et pour le bien des jeunes.

Des activités complémentent le pôle académique du MEEC. Elles sont destinées à aider les jeunes à découvrir et à développer leurs aptitudes. Quelles sont ces activités ?
L’Arts and Craft, la couture et le sport sont des cours obligatoires pour développer la créativité, se débrouiller à la maison et avoir un mode de vie sain. Parmi les activités facultatives, nous pouvons citer la broderie et le patchwork, la menuiserie, le jardinage, le judo, la musique, la cuisine, la pâtisserie, la danse, etc. Nous organisons également des excursions et des visites d’entreprises, et participons aux compétitions sportives d’ANFEN.

Quels sont les objectifs visés avec l’ouverture de la boutique du MEEC ?
Nous voulons permettre aux adolescents d’apprendre à gérer un commerce, incluant les stocks et la vente, de leur apprendre aussi la valeur de l’argent et d’avoir envie, peut-être, de devenir des travailleurs autonomes.

Parlez-nous des méthodes écologiques que vous prônez au centre ?
Nous prônons l’éveil à l’environnement et le jardinage avec la culture de légumes et de plantes aromatiques, en utilisant le compost fait au centre et en canalisant la collecte d’eau de pluie vers le jardin et les toilettes.

Le centre abrite en son sein une quarantaine de jeunes, dont la prise en charge nécessite un budget annuel global de Rs 3 millions. Comment ces dépenses sont-elles réparties ?
La rémunération du personnel compte pour 60 % du budget. Il y a aussi le matériel scolaire et les équipements qui comptent pour 10 %, alors que les activités représentent 5 % du budget. Les sorties et formations représentent 10 % et l’administration 15 % du budget.

Pour vous, quelle est la plus grande réussite du centre ?
Pour nous, c’est une réussite quand les jeunes retrouvent leur estime de soi et arrrivent à voir la vie au-delà de la pauvreté. Nous pouvons aussi citer la récompense de l’effort et la réussite chez chaque adolescent, que ce soit dans son éducation ou dans ses vies d’adulte, professionnelle et familiale, ainsi que le sens acquis de la responsabilité, qui leur permet de devenir des adultes indépendants, et la fierté de la famille lorsqu’ils réussissent dans une formation professionelle où ils se sont inscrits, comme par exemple le Programme Employabilité Jeunes, formation dispensée par la Fondation Espoir et Développement du groupe Beachcomber. En un mot, c’est le mieux-être qui se ressent.

Contact Mahébourg Espoir
Education Centre : 631-2383