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Tout risquer pour une vie meilleure aux Etats-Unis, le pari fou des migrants

24 octobre 2016, 18:22

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Tout risquer pour une vie meilleure aux Etats-Unis, le pari fou des migrants

Rodrigo et Jose avaient marché sous une chaleur de plomb pendant quatre jours dans le désert de Sonora, presque à court d’eau, quand la police des frontières les a repérés en Arizona, dans le sud-ouest des Etats-Unis.

Quelques heures après avoir été renvoyés vers le Mexique, les deux adolescents de 19 et 17 ans se retrouvent dans un abri pour migrants, El Comedor, installé à Nogales, à quelques centaines de mètres de la frontière et de la promesse d’un avenir meilleur.

Autour d’eux, une soixantaine d’autres migrants originaires du Mexique ou d’Amérique centrale, tout juste expulsés des Etats-Unis eux aussi, patientent avant un dîner servi par des bénévoles.

«Demain, nous allons rentrer à Oaxaca (dans le sud du Mexique) et dire à notre mère que nous avons échoué», se désole Jose, qui a demandé que son nom de famille ne soit pas utilisé.

«Mais nous n’allons pas abandonner, nous essaierons de passer à nouveau», promet-il.

L’abri de Nogales, ville située sur la frontière, avec une partie mexicaine et une autre américaine, est géré par l’association Kino Border Initiative (KBI), qui offre aux migrants à manger mais aussi des conseils juridiques, des vêtements et un peu de chaleur humaine.

Les récits des hommes et femmes serrés sur les bancs de la salle unique d’El Comedor (la salle à manger, en espagnol), aux visages marqués par les épreuves, mettent en lumière la dure réalité à laquelle sont confrontés ces migrants au centre d’une campagne présidentielle américaine particulièrement acrimonieuse.

«Les gens que nous aidons viennent aux Etats-Unis pour chercher une vie plus digne», assure le père Sean Carroll, directeur de KBI, une organisation religieuse.

«Ces hommes et ces femmes ne peuvent littéralement pas gagner assez d’argent pour nourrir leurs familles», ajoute-t-il.

Plusieurs des migrants expulsés n’en étaient pas à leur première tentative pour passer la frontière. Ils placent à chaque fois leur sort entre les mains de passeurs peu scrupuleux ou de cartels de la drogue, payant jusqu’à 7.000 dollars.

«Pas le choix»

Dans ce désert où les températures approchent des 50 degrés en été, les migrants finissent généralement seuls leur périple. Des femmes sont régulièrement violées, beaucoup disparaissent, ou se perdent.

Certains, comme Rodrigo et son frère, finissent par espérer être trouvés par la police qui patrouille dans la zone en voiture, à cheval, à vélo ou à pied.

 

Des mesures de sécurité plus strictes ces dernières années et davantage d’équipements technologiques ont contribué à repousser les migrants vers des zones reculées et aux mains de gangs, expliquent M. Carroll et d’autres travailleurs sociaux.

Pourquoi n’entrent-ils pas légalement aux Etats-Unis ? A cette question récurrente de la campagne électorale, M. Carroll répond que «beaucoup n’ont aucun moyen de le faire à moins d’attendre 15, 18, 20 ans».

Près de 64.000 migrants, dont quelque 8.000 mineurs, ont été arrêtés près de la frontière avec l’Arizona en 2015, et 63 au moins sont morts en tentant de la traverser, d’après la police.

Sur l’ensemble des Etats frontaliers, 337.117 personnes ont été arrêtés l’an dernier pour avoir tenté d’entrer illégalement aux Etats-Unis, la plupart au Texas, dans la vallée du fleuve Rio Grande.

Si les travailleurs sociaux et les migrants eux-mêmes reconnaissent qu’il y a parmi eux quelques mauvais éléments, ils soulignent que la plupart essaient simplement de fuir les violences dans leur pays d’origine et de subsister.

«Ils disent que nous venons voler et vivre aux crochets du système, mais je suis prête à payer tout ce que je dois», plaide Margarita Gregorio, 38 ans.

Cette mère de deux enfants a été arrêtée en Arizona après avoir pénétré aux Etats-Unis à l’issue de deux jours de marche dans le désert, début octobre.

Elle avait travaillé comme femme de ménage dans le Wyoming (ouest des Etats-Unis) pendant quatre ans avant de rentrer dans sa ville de Puebla, au Mexique, voir ses deux garçonnets.

«Je gagnerais moins de 5 dollars par jour en récoltant du café à Puebla», et ce «ne serait qu’un travail saisonnier», fait-elle valoir.

Rudolpho Ramos, 47 ans, qui a travaillé dans une société de nettoyage du Minnesota (nord) pendant 17 ans avant de rentrer au Mexique voir sa famille, a également été arrêté en essayant de repasser en Arizona.

«Nous n’avons pas le choix si nous voulons survivre», conclut-il.