Publicité

Confusion en Thaïlande: après la mort du roi, son héritier demande un délai

13 octobre 2016, 21:08

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Confusion en Thaïlande: après la mort du roi, son héritier demande un délai

 

Le roi de Thaïlande Bhumibol Adulyadej est mort jeudi après 70 ans d'un règne ayant fait de lui le plus vieux monarque du monde en exercice et son fils a demandé «un délai» avant de lui succéder, plongeant la Thaïlande dans une ère de grande incertitude.

«Il est mort paisiblement à l'hôpital Siriraj», a annoncé dans un communiqué le palais royal. Rapidement, toutes les chaînes de télévision ont interrompu leurs programmes, laissant place à un écran gris. Et dans l'enceinte de l'hôpital où il était soigné, des centaines de personnes s'écroulaient en pleurs, a constaté une journaliste de l'AFP.

Agé de 88 ans, Bhumibol Adulyadej était considéré comme le seul ciment d'une nation très divisée politiquement et avait un statut de demi-dieu. Il était monté sur le trône en 1946, après la mort inexpliquée de son frère, et beaucoup de Thaïlandais n'ont jamais connu d'autre souverain.

Et contre toute attente, quelques heures plus tard, le prince héritier Maha Vajiralongkorn, 64 ans, a dit avoir besoin de «temps» avant de prendre sa suite, ajoutant à la confusion dans un pays déjà sous le choc.

«J'ai été reçu en audience royale par le prince héritier. Il a demandé du temps pour se préparer avant d'être proclamé roi», a déclaré le chef de la junte, le général Prayut Chan-O-Cha, devant la presse.

La mort de Bhumibol était redoutée par des millions de Thaïlandais et des centaines de ses admirateurs s'étaient rassemblés ces deux derniers jours.

Vêtus de rose et de jaune, les deux couleurs royales, la plupart se sont effondrés à genoux mains jointes en signe de prière, à mesure que la nouvelle de sa mort se répandait dans les jardins de l'hôpital Siriraj.

«Comment fera la Thaïlande sans toi, papa ?», se lamentait un jeune homme, se balançant d'avant en arrière en une longue plainte.

Bhumibol Adulyadej, hospitalisé quasiment en continu ces deux dernières années, notamment pour des infections pulmonaires et de l'hydrocéphalie, n'était pas apparu en public depuis près d'un an.

Le chef de la junte a annoncé une période de deuil d'un an et une réduction de toutes les activités de «divertissement» pendant une période de 30 jours. Quant aux télévisions dont les émissions sont diffusées en Thaïlande, elles ont maintenant l'obligation de ne diffuser que des programmes royaux, aussi pour une durée de trente jours. 

 Demi-dieu

Bien moins connu et vénéré par les Thaïlandais que son père, le prince héritier vivait jusqu'ici la plupart du temps en Allemagne.

Passé par une formation militaire, notamment à l'Académie de Duntroon, en Australie, il a un grade honorifique de général au sein de l'armée thaïlandaise. 

Ces dernières années, il a souvent remplacé son père au cours de cérémonies officielles mais ses prises de parole sont restées rarissimes.

Bhumibol Adulyadej avait un statut de demi-dieu en Thaïlande, héritage de décennies de culte de la personnalité. Chez les particuliers, dans les administrations, dans les écoles, ses portraits sont omniprésents et ce culte a encore été renforcé depuis le coup d'Etat militaire de 2014.

Le roi, la reine, l'héritier et le régent sont protégés par une loi réprimant les crimes de lèse-majesté parmi les plus sévères du monde. Depuis l'arrivée au pouvoir de la junte, les poursuites se sont multipliées et les sentences ont été alourdies. 

En août 2015, un homme a ainsi été condamné à 30 ans de prison et une femme à 28 ans après avoir diffusé sur Facebook plusieurs messages jugés insultants pour la famille royale.

Barack Obama a salué jeudi soir «un ami proche» des Etats-Unis et le président français François Hollande «un homme au destin exceptionnel» qui «a œuvré toute sa vie pour faire accéder son pays à la modernité et la prospérité».

Les dix dernières années du règne de Bhumibol Adulyadej ont été marquées par une très grande instabilité politique. Elites ultra-royalistes (les «jaunes», couleur de la royauté) et partisans de l'ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra (qui ont pour symbole le rouge) s'affrontent.

Le dernier en date d'une longue série de coups d'Etat a d'ailleurs été réalisé au nom de la sauvegarde de la monarchie par une armée soucieuse de verrouiller la scène politique à l'approche de la succession.