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Tony Yoka : «La différence c’est ce qui fait la force de la France»

12 octobre 2016, 10:19

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Tony Yoka : «La différence c’est ce qui fait la force de la France»

Tony Yoka et Estelle Mossely forment un couple en or. Leurs titres olympiques décrochés à Rio en août dernier les ont propulsés au rang de star du sport français. À 24 ans, le couple Yoka-Mossely s’est donné les moyens ses rêves. Avec des parents d’origine étrangère, ils ont su se faire une place au sein de la République française. À force de détermination et de sacrifices, les deux boxeurs ont même conquis le coeur des Français. Nous les avons rencontrés, hier, dans le cadre enchanteur du Dinarobin Beachcomber Golf Resort & Spa.

Les fiancés de Rio sont-ils désormais mari et femme ?

Estelle Mossely : Non pas encore. Ce sont juste des vacances. Au cours des quatre années de préparation pour Rio, nous n’avions fait le break qu’à deux reprises. Et c’étaient de petites vacances.

Et comment se passent ces grandes vacances ?

Tony Yoka : On est là surtout pour se reposer. Durant les cinq derniers jours, on a beaucoup profité des activités de l’hôtel. Aujourd’hui (NdlR : hier) on commence à découvrir l’île.

Estelle Mossely : Oui, on sort. On va jouer aux touristes. Comme c’est la première fois, on a hâte de découvrir les plus beaux endroits de l’île.

En devenant champions olympiques, votre popularité a grimpé en flèche. Étiez-vous préparés à cette effervescence autour de vous ?

Estelle Mossely : Cela fait partie des choses qui arrivent quand on devient champion olympique. Après nos titres de champions du monde, on avait eu un avant-goût mais l’ampleur a été plus grande avec les médailles olympiques. On a pris les choses naturellement. Mais j’avoue que c’est fatigant… mais on s’y fait.

«Contrairement à Tony, j’ai commencé la boxe par hasard»

Comment avez-vous fait pour gérer cette fascination soudaine pour votre vie de couple ?

TonyYoka : Bien évidemment on s’est fixé des limites. Mais de vivre cette aventure à deux est toujours mieux que de la vivre seul.

Votre bonheur aurait-il été complet si l’un d’entre vous n’avait pas décroché l’or à Rio ?

TonyYoka : Non. On avait des objectifs personnels mais c’était un projet commun. Si l’un n’était pas allé au bout, ce ne serait pas pareil.

Vous-vous êtes trouvés grâce à la boxe. Racontez-nous votre cheminement ?

Estelle Mossely : Forcément on s’est connu grâce à la boxe. On était tous deux membres de l’équipe de France. Mais j’ai fait plusieurs sports avant de commencer la boxe à douze ans. C’est un sport qui m’a plu de par son engagement physique et technique. C’est un sport très varié. Mais contrairement à Tony, c’est par hasard que j’ai commencé la boxe. Pour Tony, la boxe est une histoire de famille.

Tony Yoka : Je fais de la boxe depuis que je suis tout petit, pour ne pas dire depuis que je suis né. Mon père était boxeur. Il est entraîneur. Je viens d’une famille où tout le monde s’essaye à la boxe. Donc, pour moi c’était un chemin naturel. On se prête au jeu et on s’habitue au goût de la victoire.

«On est là pour soutenir l’autre quoiqu’il arrive»

Il n’est jamais facile de voir l’être aimé encaisser des coups. Comment vivez-vous les combats de l’autre ?

Estelle Mossely : C’est toujours difficile de voir l’autre sur un ring. Mais on connaît les qualités de chacun et on essaye de positiver. On est là pour soutenir l’autre quoiqu’il arrive. Mais il y a la crainte du mauvais coup. Quand on est dans les gradins, on ne peut que regarder. Sur le ring, Tony est le seul maître de son combat. C’est assez difficile car chez les super-lourds, on peut facilement prendre un mauvais coup. 

Tony Yoka : C’est toujours compliqué car on n’a pas la mainmise sur le combat. On ne peut rien faire.

Est-ce que vous-vous entraînez ensemble ?

Estelle Mossely : On partage des séances ensemble mais on ne met pas les gants ensemble. Nous évoluons dans deux catégories différentes et nous avons deux calendriers différents. Ce qui fait qu’on a des planifications différentes.

Vous avez, tous deux, marqué l’histoire du sport français... Estelle Mossely, en tant que première boxeuse française championne olympique vous êtes aujourd’hui un exemple à suivre. Comment vivez-vous cela ?

On a marqué notre sport et on a une image très positive. D’être considérée comme un exemple est assez valorisant. On sait que davantage de gens vont nous suivre. J’espère que nous arriverons à les faire aimer encore plus la boxe et que notre parcours puisse les inspirer. Chacun a le devoir de se donner la force de réaliser ses objectifs.

Et vous Tony Yoka, vous êtes le premier boxeur français titré dans la catégorie reine des +91 kg ….

On a été les premiers un peu partout. Et ça fait plaisir d’écrire l’Histoire. On s’en souviendra que ce soit dans 10, 20 ou 30 ans.

«J’écris ma propre histoire»

Qui sont vos plus grandes sources d’inspiration ?

Estelle Mossely : Je n’ai pas vraiment d’idole. J’essaie de m’inspirer des personnes que j’ai croisées au cours de ma vie. Ce ne sont pas forcément des stars. J’essaie de prendre le meilleur de ceux qui m’ont touchée. Et j’essaie d’écrire ma propre histoire. C’est important que chacun se donne la force d’écrire sa propre histoire.

Tony Yoka : Moi, je m’inspire beaucoup de Mohammed Ali car mon père en était un grand fan. Ce dernier m’a transmis sa passion pour le sport et pour cette grande personne. Ali et mon père sont des personnes qui m’ont marqué et qui m’ont inspiré.

«Les personnes d’origines différentes peuvent cohabiter»

Vos parents respectifs ne sont pas nés en France et vous êtes aujourd’hui des héros tricolores. C’est très symbolique, n’est-ce pas ?

Tony Yoka : Les personnes d’origines différentes peuvent parfaitement cohabiter. La différence n’est pas incompatible. Nous deux et la Team Solide (NdlR : équipe de France de boxe), nous l’avons bien démontré à Rio. L’équipe était composée de boxeurs d’origines africaine et maghrébine. Et il y avait des Français de souche. Parmi les qualifiés, il y avait aussi des boxeurs de toutes les religions et de tous les milieux sociaux. Néanmoins, on avait réussi à rester unis. On était sous le même drapeau.

 

Votre discours est très fédérateur…

Tony Yoka : Oui. La différence c’est ce qui fait la force de la France. Il faudrait qu’on arrête d’avoir des préjugés et de faire des amalgames.

Vous référez-vous aux problèmes d’intégration en France ?

Estelle Mossely : Il y a des problèmes d’intégration en France. Nous, on souhaite faire évoluer certaines pensées. On vient de milieux différents et pas forcément des meilleurs et on s’est très bien intégrés. Si on peut servir d’exemple à certains, on le fera avec plaisir.

Auriez-vous des conseils pour les jeunes qui veulent aller au bout de leurs rêves ?

Tony Yoka : Il n’y a pas de secret. Il faut tout simplement travailler. Il faut aussi bien s’entourer.

Tony Yoka, vous passerez prochainement chez les pros…

Effectivement. Cela me paraît logique. Je suis jeune, J’ai tout gagné en boxe amateur. La boucle est bouclée. Il faut aller chercher d’autres objectifs car il y a beaucoup de choses à faire chez les professionnels. Il serait temps d’aller sur les traces des grands comme Mohammed Ali.

Et arrive-t-on à vivre de la boxe en France ?

Tony Yoka : Pas tout le monde. Il y a un petit pourcentage qui y arrive. Nous, on s’en sort bien.

Estelle Mossely, vous avez décroché votre diplôme d’ingénieur en informatique en 2015. A-t-il été difficile d’allier sports et études ?

C’est toujours difficile de mener deux combats. Mais je faisais deux choses que j’aimais. Et j’avais des objectifs dans chaque domaine, donc j’ai travaillé. Ça a payé. Je suis diplômée et je n’ai pas eu à sacrifier mes objectifs sportifs. Allier les études et le sport n’est pas impossible.

«J’ai été surpris par le niveau de kennedy st-pierre»

Il y avait deux boxeurs mauriciens à Rio. Les avez-vous croisés ?

Tony Yoka : Je les ai croisés dans un camp d’entraînement à Cuba au mois de juin. J’ai été surpris par le niveau du boxeur des -91 kg (NdlR : Kennedy St-Pierre). On sait aussi qu’à Pékin, Maurice avait remporté une médaille. (NdlR : la médaille de bronze de Bruno Julie). Il a ouvert la voie aux autres. À Rio, il y avait deux qualifiés et je pense qu’il y en aura à Tokyo. Il faut continuer sur cette lancée.

Les juges et arbitres de boxe des Jeux de Rio ont été suspendus. Quels sont vos avis sur le sujet ?

Estelle Mossely : Ils ont pris leurs décisions. Mais elles auraient eu plus d’impact sur les Jeux précédents. À Rio, j’ai peut-être assisté à deux gros scandales.

Tony Yoka : Il y a eu certaines décisions litigieuses à Rio. Mais si on compare aux précédentes olympiades, il n’y en avait pas beaucoup. Je compte un ou deux cas flagrants.

Les boxeurs et entraîneurs mauriciens se plaignent souvent de l’arbitrage lors des grandes compétitions. Serait-ce un problème qui touche le plus souvent les petites délégations ?

Tony Yoka : La France est un des grands pays participant aux JO. Mais à Rio, c’est la première fois qu’on a vécu des Jeux tranquilles. Quand on pense aux scandales comme celui d’Alexis Vastine, ça ne donnait pas envie de faire de la boxe. (NdlR : le boxeur, décédé dans un accident d’hélicoptère en 2015, avait été éliminé en quarts de finale du tournoi des moins de 69 kg à Londres sur une décision d’arbitrage controversée). Car cela a un impact sur la motivation des compétiteurs. Ça ne donnait pas envie de se lancer dans un sport qui n’est pas juste.

Des décisions doiventelles être prises pour éviter d’autres controverses ?

Tony Yoka : Il y a forcément des actions à prendre. Mais la fédération a fait de gros efforts. C’est pour cela que je dis qu’à part une ou deux décisions litigieuses, les juges-arbitres ont été corrects dans l’ensemble. Les combats où ça se discute étaient serrés.

 

Estelle mossely en bref

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	<figure class="image" style="display:inline-block"><img alt="" height="330" src="/sites/lexpress/files/images/estelle-mossely-lexpress.jpg" width="620" />
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	</figure>
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<p>Estelle Mossely est née d&rsquo;un père d&rsquo;origine congolaise, Pascal et d&rsquo;une mère d&rsquo;origine ukrainienne, Hélène. En 2015, elle a terminé ses études à l&rsquo;école supérieure d&rsquo;ingénieurs Léonard-de-Vinci. Elle travaille chez Allianz en tant qu&rsquo;ingénieure en conception et développement.<br />
	Pays : France<br />
	Âge : 24 ans<br />
	Taille : 1m68<br />
	Poids : 60 kg<br />
	Catégorie : -60 kg</p>

<h3>Palmarès en amateurs</h3>

<p>Médaillée de bronze aux championnats du monde de Jeju en 2014 (-60 kg)<br />
	Médaillée d&rsquo;argent aux championnats d&rsquo;Europe de Bucarest en 2014 (-60 kg)<br />
	Médaillée d&rsquo;argent aux Jeux européens de Bakou en 2015 (-60 kg)<br />
	Médaillée d&rsquo;or aux Jeux olympiques d&rsquo;été de 2016 (Légers (-60 kg)</p>

 


 

Tony yoka en bref

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	<figure class="image" style="display:inline-block"><img alt="" height="330" src="/sites/lexpress/files/images/tony-yoka-lexpress.jpg" width="620" />
		<figcaption></figcaption>
	</figure>
</div>

<p>Le père de Tony Yoka se prénomme Victor. Ce dernier est originaire du Congo et a été boxeur professionnel. Il a mis fin à sa carrière pour des raisons médicales. C&rsquo;est lui qui a initié Tony Yoka à la boxe à l&rsquo;âge de 6 ans. La mère de Tony Yoka s&rsquo;appelle Gertrude et est Française. Les frères et soeurs de Tony Yoka sont Samantha, Victor, Axel et Shannon.<br />
	Pays : France<br />
	Âge : 24 ans<br />
	Taille : 1m98<br />
	Poids : 105 kg<br />
	Catégorie : +91 kg</p>

<h3>Palmarès chez les amateurs</h3>

<p>Combats 62<br />
	Victoires 60<br />
	Défaites 12<br />
	Titres amateurs<br />
	Champion olympique 2016 (+91 kg)<br />
	Champion du monde 2015 (+91 kg)<br />
	Champion de France 2012 et 2014<br />
	Vainqueur des Jeux olympiques de la Jeunesse 2010<br />
	Vice-champion du monde junior 2010</p>