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Univers carcéral: le quotidien des enfants de la prison

10 octobre 2016, 19:35

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Univers carcéral: le quotidien des enfants de la prison

Ils ont entre trois semaines et cinq ans. Certains sont à la prison de Beau-Bassin depuis leur naissance. Eux, ce sont les enfants de détenues qui vivent avec leurs mères entre quatre murs. Ils sont huit actuellement. Cinq sont à la garderie gérée par l’ONG Terre de Paix, deux, Amanda* et Vincent*, vont à l’école pré-primaire et le dernier-né se trouve actuellement sous l’aile de sa mère, ce jusqu’à ses trois mois. Il sera ensuite placé lui aussi à la garderie durant la journée et retournera auprès de sa mère dans l’après-midi.

Après le départ de Gracia*, âgée de six ans, de la prison, pour permettre à sa mère de purger sa peine dans son pays, l’express a voulu en savoir plus sur le quotidien des enfants qui naissent et grandissent à la prison. Gracia est née à la prison et y est restée jusqu’à ses six ans, contrairement aux enfants de détenues mauriciennes qui doivent être remis à un proche à l’âge de cinq ans.

Après avoir passé la nuit avec leurs mères respectives, les enfants se réveillent à 6 h 15 et ont jusqu’à 8 h 30 avant qu’ils ne se rendent à l’école. Luciana*, détenue et mère d’une fillette de cinq ans, raconte sa matinée. «Le matin après sa douche, je lui donne son petit-déjeuner. Bien qu’on se trouve à la prison, elle ne manque de rien. Elle a ses céréales et l’alimentation varie par rapport à l’âge. Et elle a tout ce dont un enfant a besoin», confie cette mère de quatre enfants.

Valeurs et discipline

Sa fille, Amanda, est née à la prison. Ce sont deux Welfare Officers qui ont fait les démarches pour déclarer la petite auprès de l’état civil. Mère et fille ont ensuite quitté la prison alors qu’Amanda était âgée de quelques mois. «J’étais enceinte de sept mois lorsque je suis arrivée ici. J’ai été suivie pendant les deux mois qui me restaient et j’ai accouché à l’hôpital. À sa naissance, ma fille a reçu tous les soins appropriés. On n’a jamais été en cellule. Les détenues dorment désormais en dortoir et les mamans avec leurs enfants dans des chambres équipées», raconte-t-elle.

Il y a six mois, Luciana a de nouveau été arrêtée et condamnée. «J’ai choisi d’emmener ma fille avec moi car je sais qu’elle sera plus en sécurité à la prison qu’à l’extérieur.» Elle est consciente que le développement d’un enfant dans cet environnement n’est pas adéquat mais elle affirme quand même que sa fille y mène une vie disciplinée et y a acquis des valeurs. «Mo tifi ékouté. Li éna ler manzé, ler dormi, li toulétan prop. Li enn zanfan ki pé gagn enn bon lédikasion ek li bien kréatif. Isi li épanwir», soutient notre interlocutrice. Son seul souci, c’est de lui cacher la dure réalité à laquelle elles font face: celle d’être en prison.

Amanda et Vincent sont inscrits dans le pré-primaire de la localité. «Ce sont des officiers de la prison qui les déposent et les récupèrent à l’école chaque jour. On fait tout pour que les enfants ne soient pas stigmatisés», indique une Welfare Officer. Les cinq bébés sont, quant à eux, placés dans la garderie, avec les enfants des officiers et de la localité. «Ici, chaque enfant est traité de la même manière. On les suit individuellement et chaque mois on établit un rapport sur leur développement», explique la responsable de la garderie.

À leur sortie de l’école, Amanda et Vincent viennent directement à la garderie jusqu’à ce que leurs mères retournent de leurs besognes respectives. Ces dernières travaillent comme cleaner et terminent aux alentours de 16 heures. «A partir 16 h ziska 8 h 30 landémin, nou zanfan res avek nou. Nou manzé, nou get télévizion, nou fer tou séki bizin, parey kouma enn fami. Mo zanfan grandi parey kouma ninport ki zanfan, mem si mo enn prizonié», lâche Luciana.

 *prénoms modifiés