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Sooruj Beeltah: la crème des marchands de lait

8 octobre 2016, 12:55

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Sooruj Beeltah: la crème des marchands de lait

Vendredi. Il est 6h30 et certains se battent encore avec le réveil. Sooruj Beeltah, lui, est debout tous les jours avant le coq. Armé de son imperméable, de ses bottes et de ses bidons, il s’en va chercher son lait de vache auprès des éleveurs. Pour le revendre à des particuliers. Rencontre au son du pouêt pouêt.

Cela fait 15 ans qu’il pratique ce métier en voie de disparition. Il est tombé dans le bidon de lait lorsqu’il était tout petit, tout comme son papa avant lui. «Mo gran dada tou ti pé fer sa travay-la. Zordi res zis enn trwa-kat marsan kouma mwa dan Moris mo krwar.»

La raison ? Le job est loin d’être une vache à lait. Et puisqu’il a un emprunt à repayer, pour subsister lors des périodes de vaches maigres, Sooruj est également plombier et électricien à ses heures perdues. «Sinon pa kapav débat.»

Salve de questions indiscrètes. Combien coûte un litre? Combien en vend-il chaque jour? Combien cela rapporte-t-il? «Rs 50. Mo vann anviron 80 lit aster, lontan ti pé vann 250. Mo gagn enn 6 a 7 mil roupi par mwa», lâche le quadragénaire, pas du tout soupe au lait.

Pour faire bouillir la marmite, il se réveille donc aux aurores, même quand ça caille dehors. Et commence sa tournée à Bambous, Petite-Rivière, Canot, voire Nouvelle-Découverte, quand le lait se fait rare. «Népli éna boukou ti elver kouma avan.» Le précieux liquide, il va le livrer à Beau-Bassin, Rose-Hill et Quatre-Bornes principalement. À des particuliers ou plutôt des «abonnés» de longue date. Surtout des personnes âgées, qui ont 90 et même 100 ans pour certains. L’occasion idéale de lancer le slogan, loin d’être bidon, assure-t-il: «Kan bwar dilé vas viv lontan mem sa.» Lui-même en consomme, d’ailleurs. «Mo lékor inn fini abitié, pa kapav bwar  dilé lapoud.»

«C’est un métier qui se meurt»

Et pour ceux qui ne veulent pas avaler les belles paroles, comment fait-on pour savoir si le lait n’a pas tourné, s’il n’a pas été «coupé» avec de l’eau? La franchise, c’est sa tasse de thé. «Ou fini koné par loder si linn gaté. Apré kan ou bat li, konsistans pa parey, li mwin épé si ou razout dilo ladan.»

Pour que son lait conserve sa fraîcheur, Sooruj a fait fabriquer un contenant spécial, en inox. «Avan, mo ti éna enn tank an tol. Li ti pé pouri, défonsé fasil. Avek sanla, si mo tombé dépi lor motosiklet, koltar ki plié.»

En parlant de coaltar, que fait-il quand il ne travaille pas? Ou va-t-il «tchaker»? «Nulle part. Je passe mon temps à bosser.» De toute façon, il a eu des ennuis avec de soi-disant amis, confie-t-il. Depuis, seuls sa femme et ses fils, âgés de 14 et  15 ans, ont droit à son affection, sans vouloir en faire tout un fromage. Justement, les adolescents envisagent-ils de prendre la relève? «Ils sont encore jeunes, je ne crois pas que ça les intéresse. Comme je vous l’ai dit, c’est un métier qui se meurt.»

Oui, mais la tradition survivra tant que lui sera toujours en vie, précise-t-il, sur un ton aigri. Même si, ce qui tue aussi le métier de marchand de lait, «c’est la concurrence déloyale d’une grosse compagnie étrangère, ki finn koumans vann dilé li ousi». Ah ! Un nom ? «Monn bliyé kouma li apélé…»

Les plans pour l’avenir alors? Continuer à «tras trasé» et à vendre son lait. Afin de pouvoir mettre du beurre dans les épinards.