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Inquiet pour la paix, un Nord-Irlandais s’oppose au Brexit

5 octobre 2016, 22:20

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Inquiet pour la paix, un Nord-Irlandais s’oppose au Brexit

Le militant des droits de l’Homme Raymond McCord n’en démord pas: le Brexit est un danger pour la fragile paix en Irlande du Nord. D’où son recours devant la justice pour exiger que le parlement nord-irlandais ait son mot à dire.

«Beaucoup de choses positives viennent des financements de l’Union européenne, et nous n’avons aucune garantie que cela va durer», confie Raymond McCord, 62 ans, à l’AFP pendant une pause de l’audience devant le tribunal de Belfast, où son recours est examiné.

En particulier, «l’UE s’est engagée à financer des projets de rapprochement entre les communautés protestantes et catholiques jusqu’à au moins 2020», souligne cet homme qui a perdu un fils pendant les «Troubles», terme employé pour qualifier le conflit entre partisans de l’union avec le Royaume-Uni et nationalises aspirant à l’union avec l’Irlande. Un conflit qui a fait 3.500 morts sur trois décennies.

Rien qu’à travers le programme européen pour la paix et la réconciliation, l’Irlande du Nord doit recevoir 229 millions d’euros sur la période 2014-2020.

«Le gouvernement britannique ne s’est lui engagé à rien», constate-t-il.

Son recours a pour objectif d’obtenir que la Première ministre britannique Theresa May ne puisse pas enclencher la procédure de divorce d’avec l’UE sans l’accord préalable du parlement régional nord-irlandais et des députés de Westminster, à Londres.

Ce à quoi elle se refuse, affirmant que cette étape relève de la «prérogative royale», un pouvoir de l’exécutif qui ne requiert pas l’approbation du Parlement.

Devant le tribunal de Belfast, ses avocats ont plaidé que le Brexit violait l'«Accord du Vendredi saint» de 1998.

«En vertu de la loi de 1998 sur l’Irlande du Nord et de l’Accord du Vendredi saint, les Nord-Irlandais sont souverains en cas de révision constitutionnel», a fait valoir Ciaran O’Hare.

Or, les Nord-Irlandais ont voté à 56% pour rester dans le giron européen lors du référendum du 23 juin, quand 52% de l’ensemble des Britanniques se sont prononcés pour sortir.

 Combat personnel 

«Ici, une large majorité des gens a voté pour rester dans l’UE et on les ignore», déplore Raymond McCord.

Les Nord-Irlandais ne sont les seuls à vouloir rester dans l’UE: comme eux, les Ecossais, les Londoniens et les habitants de l’enclave britannique de Gibraltar ont voté pour rester.

Mais ce sont ceux qui ont peut-être le plus à perdre du fait de leurs liens commerciaux extrêmement forts avec leurs voisins de la République d’Irlande. Ils s’inquiètent particulièrement du rétablissement des contrôles à la frontière entre les deux parties de l’île et de la réintroduction de barrières douanières.

Ronan Lavery, un autre avocat, a également souligné qu’avec un Brexit, toute tentative de réunification future de l’île sera confrontée à l’avis des membres de l’UE, puisque l’Irlande du Nord ne ferait plus partie du club.

«Il s’agit d’un obstacle pratique et illégal aux aspirations nationalistes d’une Irlande unie», a-t-il déclaré

Le tribunal de Belfast, qui ne doit pas rendre sa décision avant plusieurs semaines, étudie aussi un autre recours d’un groupe de citoyens et de politiciens qui estiment également que le Brexit fait courir un danger à la paix.

Pour Raymond McCord cependant, le combat est aussi d’ordre très personnel.

Le sexagénaire est engagé depuis des années dans une croisade judiciaire au sujet de la mort de son fils, tué par un groupe paramilitaire loyaliste en 1997. Or il s’inquiète qu’un départ du Royaume-Uni de l’UE ne mène à la sa sortie de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), son «dernier recours».

En 2007, le médiateur de la police nord-irlandaise avait retenu sa plainte, dans laquelle il affirme que la collusion entre la police nord-irlandaise et les groupes paramilitaires loyalistes a créé des «failles dans l’enquête».

Mais malgré cette décision, le gouvernement britannique a jusqu’ici refusé de diligenter une enquête et de transmettre des documents relatifs au dossier, invoquant la sécurité nationale, affirme M. McCord.