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L' «âge de pierre» dans les mines de l'est rebelle de l'Ukraine

3 octobre 2016, 13:26

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L' «âge de pierre» dans les mines de l'est rebelle de l'Ukraine

«Voler, combattre ou bien creuser», c'est ainsi que Sasha, 28 ans, résume les choix qui s'offrent aux habitants des villages miniers de l'est de l'Ukraine, sous contrôle des séparatistes prorusses.

Ne souhaitant tomber ni dans la criminalité, ni prendre part à la guerre, le jeune homme a choisi la mine: une voie pourtant également très dangereuse, et très mal payée.

Etant donné le manque d'offres d'emploi dans les mines publiques, il a dû se résoudre, comme des centaines d'autres jeunes, à travailler dans une mine «semi-légale», surnommée dans la région «kopanka».

Ces mines étaient considérées comme tout à fait illégales avant que les séparatistes prorusses ne s'emparent du pouvoir dans la zone. En 2014, le «président» de la République populaire autoproclamée de Donetsk (DNR), Alexandre Zakhartchenko, les a cependant légalisées.

«C'est l'âge de pierre ici. C'est comme il y a 100 ans», décrit Sasha. Pour extraire le charbon, le jeune homme doit en effet descendre dans la mine de 150 mètres de fond, assis dans une baignoire, accrochée à un câble. C'est un collègue qui actionne le treuil permettant à l'installation de fortune de s'enfoncer dans la galerie.

«On a une baignoire mais dans d'autres mines, ils utilisent des barques en fer. Et ils mettent des moteurs de vieilles voitures pour le treuil», raconte Sasha. Pour une tonne de charbon extrait, un mineur reçoit 200 roubles (environ 2,8 euros).

«En un mois, on peut gagner 12.000 roubles (167 euros). Or, quand tu es combattant on te paye 15.000 roubles (209 euros)», affirme le mineur. «Mais ici, les chances d'être tué sont plus faibles. Et je ne veux pas porter d'arme», explique-t-il.

Accidents réguliers

Le risque d'être tué ou blessé reste pourtant aussi très élevé dans ces mines. Dans la république rebelle voisine de celle de Donetsk, la République populaire autoproclamée de Lougansk, quatre personnes ont été blessées en un an, indique le «procureur» de la LNR David Kats. 

«Ces personnes n'ont pas reçu de compensation après leur accident», dit-il à l'AFP.

A Krasny Loutch, à une cinquantaine de kilomètres de Lougansk, après qu'un mineur a été blessé, «les propriétaires de la mine l'ont ramené chez lui, lui ont donné 5.000 roubles (69 euros) et ont abandonné le jeune homme, qui est maintenant handicapé», raconte M. Kats.

Les forces de l'ordre de la DNR et de la LNR ne rendent pas public les cas de blessures ou de décès dans les «kopanki». Mais selon les syndicats ukrainiens, des incidents ont régulièrement lieux.

«C'est du charbon bon marché et des forces ouvrières bon marché, utiles aux rebelles. Personne ne pense à la sécurité des mineurs», estime Mykola Volynko, président du Syndicat des mineurs du Donbass, bassin minier de l'est de l'Ukraine qui comprend les deux régions rebelles de Donetsk et de Lougansk.

«Mais je sais par mes sources que des personnes sont tuées et blessées de façon permanente et ensuite on met ça sur le compte des pertes militaires», dit-il.

Lourds impôts

Dans les territoires rebelles de Lougansk, il existe aujourd'hui plus de 30 «kopanki» et plus de 50 dans la région séparatiste de Donetsk. Une partie d'entre eux sont cependant fermés ou à l'arrêt car les autorités rebelles exigent l'enregistrement «officiel» de ces sociétés afin de percevoir des impôts.

Plusieurs mines publiques ayant fermé ou étant à l'arrêt en raison des combats, près de 50.000 mineurs sont sans emploi.

Vassili, le propriétaire d'une «kopanka» vers la ville de Chakhtarsk, dans la région de Donetsk, affirme payer 150.000 roubles (2.088 euros) par mois d'impôts à la DNR. Mais il regrette de ne pas pouvoir disposer de son charbon comme il l'entend.

«Je dois vendre mon charbon bon marché ici, en DNR. Car la direction de notre république populaire nous a fermé les portes de l'Ukraine. (...) Et la Russie, pays frère, n'a pas besoin de notre charbon», lance-t-il.

Cet homme de 36 ans, refusant de révéler son nom de famille, affirme pourtant que les autorités rebelles «vendent elles-mêmes» du charbon aux territoires sous contrôle des forces ukrainiennes. Interrogé par l'AFP, le «procureur» de la LNR n'a pas souhaité commenter cette accusation.