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La Colombie, un pays qui reste divisé face à la paix

3 octobre 2016, 07:50

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La Colombie, un pays qui reste divisé face à la paix

 

Carlos Gonzalez veut la paix en Colombie, mais pas au prix de l'accord négocié par le gouvernement avec la guérilla des Farc, rejeté dimanche par une majorité d'électeurs de ce pays profondément divisé après plus d'un demi-siècle de conflit armé.

«J'ai voté «Oui» à la paix en votant «Non» à l'accord conclu à La Havane (...) La suite, maintenant, c'est de mener un dialogue qui donne un avenir au pays», confie à l'AFP cet étudiant de 19 ans, tout en fêtant l'issue inattendue du scrutin, au siège de campagne du «Non».

Le résultat a été extrêmement serré, avec 50,21% de voix contre l'accord de paix et 49,78% pour. Il a pris par surprise les sièges des deux camps, une maison du nord de Bogota pour le «Non» et l'emblématique hôtel Tequendama, dans le centre, pour le «Oui».

«Moi, je suis d'accord pour donner une deuxième opportunité, mais pas pour l'impunité», s'exclame Monica Gonzalez, reprenant l'un des principaux arguments de l'opposition à l'accord signé par le président Juan Manuel Santos et le chef des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), Timoleon Jiménez.

Cette femme de 36 ans n'a pas oublié que la guérilla marxiste a assassiné sa grand-mère en 2011, dans le département de César (nord-est). A la même époque, les Farc avaient également enlevé ses oncles.

C'est pourquoi elle a rejeté cet accord historique, notamment parce qu'il prévoyait des peines alternatives à la prison pour les guérilleros avouant leurs crimes.

«La démocratie a été sauvée, l'avenir de mes enfants, de ma famille a été sauvé et j'ai dit «Non» au communisme», criait pour sa part Jesus Vivas, retraité de 58 ans, critique envers les réformes prévues dans le texte.

Autour de lui, des sympathisants, euphoriques, clamaient «Nous avons gagné, nous avons gagné!», «Plus de Farc, plus de Farc!» ou encore «Les accords se négocient en Colombie et pas à La Havane!», allusion au choix de Cuba pour les pourparlers tenus depuis 2012 avec la guérilla.

«7.000 bandits»

L'annonce des résultats a été une telle surprise, au siège de campagne du «Non», que beaucoup se sont jetés dans les bras les uns des autres, pleurant d'émotion ou chantant leur joie.

«La réconciliation continue mais en suivant les principes d'une société saine, pas en offrant le pays à 7.000 bandits et à la vanité de Santos», a déclaré à l'AFP la députée du Centre démocratique, Maria Fernanda Cabal, connue pour ses positions radicales envers les Farc, qui comptent en fait aujourd'hui 5.765 combattants.

Dans sa propriété de Rionegro, près de Medellin, l'ancien président Alvaro Uribe, qui a mené campagne contre l'accord, a envoyé acheter des empanadas et des saucisses pour ses partisans, rassemblés devant chez lui.

Dans le camp du «Oui», les sondages optimistes des dernières semaines avaient incité les militants à se préparer à fêter la victoire, notamment dans l'élégant Salon rouge de l'hôtel Tequendama. Mais dimanche soir, à mesure que le décompte des votes avançait, l'ambiance est devenue plus morose.

«Comment est-ce possible? Comment est-ce possible?», criaient certains des 500 sympathisants vêtus de t-shirts blancs avec le slogan «Vote «Oui» et arrête cette guerre maintenant».

Consternés par une telle défaite, la majorité d'entre eux disaient redouter désormais un avenir incertain.

«Je suis très déçu que le pays soit en train de dire «Non». Je ne sais pas ce qui va se passer, mais j'espère qu'ils ne reprendront pas la guerre», plaidait Juan Cruz, 43 ans, qui tenait le drapeau jaune, bleu, rouge de la Colombie.

Non loin, Jorge Cifuentes, ingénieur, reconnaissait la mine défaite que «personne n'était prêt pour ça, il n'y avait pas de plan B».

«Maintenant on ne sait pas ce qui peut se passer, mais il est évident que les conditions qui ont été données aux Farc dans le cadre de l'accord ont pesé pour beaucoup, et le manque de mobilisation de l'électorat colombien aussi.»