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New Urbanism: une ville à notre mesure

30 septembre 2016, 18:25

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New Urbanism: une ville à notre mesure

Gérard Sanspeur nous livre la vision de la SLDC pour la ville de demain, basée sur une participation citoyenne active et centrée sur un urbanisme favorisant l’inclusion et la proximité.

Dans l’éditorial de l’express du mercredi 28 septembre, intitulé «Dix minutes pour Port-Louis», le directeur des publications du groupe La Sentinelle accueille très favorablement le questionnaire mis en ligne par la State Land Development Company Ltd (SLDC), pour recueillir les avis de citoyens au sujet de la capitale. «La participation citoyenne dans les projets urbains fait partie d’un mouvement communément appelé New Urbanism, pas encore répandu chez nous», note fort justement M. Sivaramen. Cela invite la SLDC, organisme que j’ai le privilège de présider, à ne plus tarder à faire connaître sa vision d’ensemble de l’aménagement de l’espace à Maurice, en l’occurrence pour une démarche fortement inspirée par le New Urbanism (NU).

Gestionnaire, entre autres, d’un millier d’hectares sous canne au centre de l’île, provenant de l’ancienne sucrerie d’Highlands, la SLDC a aussi pour mission d’analyser et d’évaluer les moyens lui permettant de transformer ses ressources, notamment foncières, en outils stratégiques au service d’une croissance durable. À proximité de pôles économiques traditionnels, enserrés par Vacoas-Phœnix, Quatre-Bornes, St-Pierre, Helvétia, proches du tronçon Ébène-Verdun, sur la route vers Terre-Rouge, la SLDC dispose de 920 hectares qu’elle entend mettre au service d’un projet réfléchi et innovant, économiquement viable et socialement soutenable d’aménagement urbain. Dans cette perspective, au cours des prochains mois, nous comptons proposer une réflexion inspirée par les grands principes du NU.

Alors que notre île, à dimensions restreintes, est déjà confrontée au manque d’espace, il n’est pas raisonnable de gas- piller nos ressources foncières en étalant l’habitat sur des surfaces étendues, du coup, de plus en plus coûteuses, pour des résidents, du coup, de plus en plus fortunés. Et utilisant de plus en plus la voiture. D’autant qu’une certaine segmentation de notre espace, fondée sur une sorte de ségrégation socioéconomique des aspirations en matière de confort et d’environnement a aussi éloigné le travail et le commerce de l’habitat. C’est tout cela qu’entend réparer le NU.

La SLDC compte, dans un proche avenir, commencer à mettre en œuvre dans ses projets les intuitions les plus convaincantes du NU. Ce dernier propose un agencement compact et à échelle humaine du bâti, s’inspirant de villes et d’urban-villages qui ont déjà fait leurs preuves en matière de convivialité, de qualité de vie et de durabilité. Le NU propose une «boîte à outils» pour recentrer l’urbanisme sur les besoins et les perspectives de l’être humain. Il s’agit, pour cette école d’urbanisme, d’aménager rues et places des villes à partir des sens : la vue, le toucher, l’ouïe, de favoriser des hauteurs raisonnables, des rues attrayantes, des façades plaisantes, des places, des lieux d’échanges, avec moins d’obstacles pour piétons et cyclistes. Tous ces éléments visent à inviter les habitants à vivre ensemble la ville. Réponse concrète aux défis que constituent l’étalement urbain, l’exclusion sociale et les dommages environnementaux, le NU préconise d’abord quelques règles et normes simples en matière d’aménagement du territoire.

Allez-y à pied 

La plupart des destinations fréquentes doivent se trouver au plus à dix minutes à pied de chez soi ou de son lieu de travail. Les routes doivent être conçues pour les piétons, leur sécurité et leur confort, avec des bâtiments proches de la rue, des porches, des fenêtres et des portes pour signifier la vie à l’intérieur des murs, la proximité entre résidents, occupants et passants. Outre d’assumer leur fonction pour la conversion du gaz carbonique en oxygène, les arbres en bordure de route rafraîchissent l’air en été et, par ailleurs, offrent aux rues de la ville une très apaisante touche de nature. Les parkings sont dissimulés, les entrées de garages de résidents sont à l’arrière plutôt qu’à l’avant des bâtiments, là aussi pour maximiser l’interface entre l’activité à l’intérieur des immeubles et les mouvements de la rue. Pour les quelques rares voitures qui circulent dans la ville, la vitesse est limitée. On visera, au contraire, le plus grand nombre de rues piétonnes, encadrées par des pistes cyclables.

Connectivité 

Un réseau de rues interconnectées distribue le trafic et facilite la marche. On note une hiérarchie de rues étroites, de boulevards et d’allées. Un réseau piétonnier et un domaine public, tous deux de qualité, rendent la marche très plaisante.

Usage mixte et diversité 

La mixité commerces, bureaux, appartements et maisons sur un même site produit des quartiers et des voisinages diversifiés, avec des utilités mixtes au sein de voisinages, de blocs, voire d’immeubles. Cela favorisera une diversité de gens, d’âges, de niveaux de revenus, de cultures, d’origines ethniques. On recherchera aussi un logement et des habitats mixtes avec, à proximité les uns des autres, divers types de logements, de surfaces habitables, de prix.

Architecture et stylisme urbain 

Le NU met l’accent sur la beauté, l’esthétique, le confort, en créant un sentiment d’espace. Il préconise, de surcroît, que les bâtiments des services publics pour l’éducation, la santé, etc. soient implantés à proximité de la communauté, faciles d’accès. Là encore, en résumé, il s’agit de favoriser une architecture à échelle humaine, dans un bel environnement, susceptible de nourrir positivement l’esprit.

Normes 

Le NU propose un certain nombre de normes permettant de structurer les quartiers et voisinages : a) un centre et une limite externe identifiables ; b) un espace public au centre ; c) un domaine public de qualité, comprenant un mobilier urbain esthétique, voire artistique ; d) une gamme presque complète des besoins et services à dix minutes à pied ; e) allant, du centre vers la périphérie, du plus dense au moins dense, il est nécessaire d’évaluer les besoins en fonction de la distance du centre.

Densité accrue 

En ayant plus de bâtiments, de résidences, de commerces et de services à proximité les uns des autres, cela facilite la marche, permettant un usage plus efficace des services et des ressources et cela agit sur la qualité de vie et le confort au sein de l’espace urbain.

Transport intelligent 

Outre de suggérer la mise en place d’un réseau versatile de transport en commun, encourageant les résidents à emprunter ce dernier plutôt qu’à prendre leurs voitures, le NU préconise aussi la conception de routes conviviales et sans danger. Ces routes favorisent le déplacement à pied, l’utilisation de bicyclettes, de rollers, de scooters électriques…

Durabilité

Dans le contexte du réchauffement climatique et de la sobriété énergétique qui est attendue de nos sociétés, le NU recherche, dans sa conception de l’espace commun et du projet urbain, un impact environnemental minimal. De même, par la suite, pour les opérations économiques qu’accueillera l’espace. Il s’agira aussi de favoriser les technologies vertes, le respect de l’écologie et des équilibres naturels. Cet urbanisme et ce mode de vie collectif recherchent l’efficience énergétique, l’usage le plus limité possible des hydrocarbures à effet de serre, davantage de production de proximité, davantage de marche et de vélo, moins de déplacements en voiture.

Le NU entend aussi encourager les urbanistes, architectes, promoteurs et décideurs politiques à concevoir des villes denses et diversifiées mais aussi polycentriques. Leur aménagement, comme noté plus haut, se fait avant tout à l’échelle d’un quartier. Ce dernier est conçu comme un ensemble équilibré de services, d’emplois, de lieux d’activités et d’habitations permettant l’épanouissement de la communauté de résidents. Le schéma directeur de ces villes est établi dans un esprit participatif, en évitant les décisions de haut en bas, recherchant aussi la convivialité et le lien social et non le seul retour sur capital. C’est ce qu’a commencé à entreprendre la SLDC à Port-Louis. Envisageable, demain, pour une autre ville, voire un village ou un quartier, l’outil informatique étant paramétrable à souhait.

Au plan social et culturel, voire économique, Maurice a sans doute pris un tournant décisif lorsqu’en 1867, les plus fortunés de Port-Louis, fuyant la malaria, vont s’installer dans les Plaines-Wilhems. Cela instaure pour un nombre important de compatriotes une distance que l’on ne peut plus parcourir à pied entre le logement et le lieu de travail. En logeant nombre de Mauriciens loin des centres urbains, cela installe les conditions de nos diverses mises à distance, socioéconomique, culturelle, ethnique. Alors que notre diversité était capable de promettre une stimulante créativité, l’organisation de notre espace et de notre habitat a prolongé des isolements et des tenues à distance qu’il importe peut-être enfin de surmonter.

On ne touche pas impunément à l’habitat d’une société. Ce ne peut être sans conséquence qu’on réorganise les rapports entre les heures passées en transport, la mobilité, le temps, le droit aux loisirs… On ne provoque pas la possibilité de rentrer chez soi pour manger à midi, ou passer quelques moments avec des collègues en fin d’après-midi, ou sur un terrain de sport, une demi-heure après avoir quitté le travail, on ne change pas ainsi l’emploi du temps de ses concitoyens sans incidence aussi bien sur le travail que sur la productivité. Cela agit aussi sur le rôle social de l’école au sein de la communauté, au cœur de la ville et de la vie, sur l’envie de faire des choses ensemble.

En retenant du NU ce qui semble le plus adapté à Maurice, en investissant dans ses projets de création ou de régénération urbaine le meilleur et le plus positif de nos acquis propres, la SLDC est prête à prendre un engagement. Celui, avant tout, avant les murs, les immeubles et marchés, de bâtir une communauté.