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Jeux Paralympiques : Au cécifoot, «silence, s'il vous plait !»

12 septembre 2016, 21:31

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Jeux Paralympiques : Au cécifoot, «silence, s'il vous plait !»

Dans les tribunes de Rio, les Brésiliens ont toutes les peines du monde à garder le silence nécessaire aux joueurs, dont les oreilles sont les yeux.

Se mettre la main sur la bouche ou se ronger les ongles : le meilleur supporteur d’un match de football d’aveugles est en tout cas celui qui sait se taire. Difficile à Rio, où le Brésil vise un cinquième titre paralympique, devant des fans habitués à encourager bruyamment leurs joueurs.

«Brasil, Brasil !», les cris résonnent dans les tribunes peu avant le début du match. La couleur jaune du maillot brésilien a teint le stade, plein à craquer. Au premier rang, Wagner Goulart, 30 ans, et Luciana Vargas, 34 ans, revêtent la panoplie du parfait supporteur : tee-shirt jaune, chapeau et même des lunettes avec une monture en plastique formant le mot Brésil. Sans oublier les instruments de musique : trompette pour elle, maracas pour lui. «Nous ne nous en servirons que quand le match s’arrêtera ou s’il y a un but bien sûr», disent-ils.

Murmure impuissant

Après le coup d’envoi, suit un «chut» général. Puis un silence absolu retombe. Les seuls bruits qui s’entendent sont le tintement du ballon sonore, avec des clochettes à l’intérieur, et les cris des joueurs, atteints de différents degrés de cécité. Pour rivaliser à égalité, leurs yeux sont bandés.

En cécifoot, les oreilles remplacent les yeux et n’importe quel bruit gêne la partie. Seuls les gardiens de but ne sont pas malvoyants et servent de guide aux autres joueurs.

«Je vais exploser»

Le Brésil affrontait la Turquie dans ce football à cinq contre cinq dimanche en demi-finale. Face à un rival sur l’extrême défensive, les Brésiliens multiplient les attaques. Alors, comment se retenir quand Ricardinho, le numéro 10 «auriverde», dribble avant de tirer. L’émotion contenue se transforme en murmure impuissant, au lieu des cris habituels de célébration.

Car si les Brésiliens se sont fait remarquer au cours de ces semaines olympiques, c’est bien par le vacarme qu’ils font dans les tribunes, qui a parfois agacé les sportifs. Katia Brum, 38 ans, a souffert au moment du premier but de Ricardinho, désigné meilleur joueur du monde en 2014. Tendue, elle se mettait la main sur la bouche pour s’empêcher de crier.

«C’est la première fois que je vois un match avec des joueurs aveugles et c’est trop d’émotion. Je ne pourrais pas venir avec mon père, il aurait un infarctus. On est habitués à supporter en criant. J’ai l’impression que je vais exploser», raconte-t-elle.

«Ça gêne un peu»

Les joueurs brésiliens ont reconnu que le bruit avait été plus fort que souhaité. Mais cela ne les a pas trop gênés. «Cette énergie est très importante, elle nous motive, même si par moments ça gêne un peu», a confié l’attaquant Nonato. «Je veux et j’espère que ça continuera comme ça, avec le stade rempli. Et j’espère que les supporteurs fêteront avec nous un nouveau titre», a ajouté Ricardinho.

Le cécifoot a fait son entrée aux Jeux paralympiques en 2004 à Athènes et depuis, le Brésil est le seul à avoir remporté la compétition. Lors de la première édition, il s’était imposé en finale face à son ennemi numéro 1, l’Argentine, également médaillé de bronze en 2008. Les Argentins restent parmi les favoris à Rio, et comme pour le Mondial-2014, leurs supporteurs sont présents en nombre au Brésil, dans le parc Olympique cette fois.

Brésil - Argentine en finale ?

«C’est très beau de jouer devant de nombreux supporteurs, même si parfois ça gêne. Quand tu es sur le point de tirer et que tu commences à entendre 'aïe, aïe, aïe', ça peut te déconcentrer mais il y en a que ça peut au contraire motiver», explique le capitaine argentin Silvio Velo, connu comme le «Messi» du football à cinq, qui jouait aussi dimanche dans un autre match.

Si la finale Brésil-Argentine vient à se confirmer, il faudra des muselières. Certains proposent déjà un ballon plus sonore. Beaucoup de «chut» et de self-control seront en tout cas nécessaires pendant les cinquante minutes de jeu.