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Annaëlle Coret: «J’ai manqué de lucidité»

10 septembre 2016, 18:30

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Annaëlle Coret: «J’ai manqué de lucidité»

A 17 ans, Annaëlle Coret a offert au kick-boxing mauricien sa première médaille aux Championnats du Monde féminin. C’était il y a une semaine au «City West Hotel and Conference Centre» à Dublin en Irlande. La Curepipienne a décroché l’argent dans la compétition junior chez les -56 kg.

Mesurez-vous la portée de votre exploit ?

Non, pas vraiment. Je sais qu’au niveau du kick-boxing mauricien, je suis la première fille à être allée aussi loin sur la scène mondiale. Mais pour l’instant, je me sens incomplète. Je suis vice-championne du Monde et non championne du Monde.

On lit une grande déception sur votre visage. Arrivez-vous à surmonter cette défaite ?

J’ai du mal à l’oublier. Elle est trop récente. D’ailleurs, je n’arrive pas à visionner ma finale. J’ai l’impression que ce n’était pas moi sur le ring. Mais je surmonterai cette défaite. Pour m’encourager, je revis ma demi-finale à travers les vidéos. C’est le meilleur combat que j’ai fait jusqu’ici.

Justement, qu’est-ce qui vous a aidé à vous transcender face à la Russe Anastasiia Zharova lors de cette demi-finale ?

Je suis montée sur le ring pour me faire plaisir. Au premier round, quand j’ai pu l’atteindre avec un crochet, j’ai pris confiance. Je boxais pour la mettre KO.

En demi-finale, on applaudit une bagarreuse mais en finale vous n’arrivez pas à vous libérer. Que s’est-il passé ?

Je suis restée bloquée. Je n’arrivais pas à réagir comme je l’aurais souhaité. Mon adversaire en finale (NdlR : la Croate Anamarija Cvrk) n’arrêtait pas de me coller. Je n’arrivais pas à boxer et à placer mes coups. Je trouve dommage que l’arbitre ne l’ait pas pénalisée pour ça. Mais de mon côté, j’ai manqué de lucidité.

Pourtant la veille, vous étiez en totale confiance…

Oui. J’étais fière de ma victoire en demi-finale contre la Russe Anastasiia Zharova. Après que j’ai battu la favorite, beaucoup me voyais déjà championne du Monde.

Et pas vous ?

Si. C’est pour cela que j’ai autant de regrets. J’ai le niveau pour être championne du Monde. Physiquement et techniquement, j’avais le potentiel pour remporter ce combat. Mais j’ai flanché au niveau mental.

Vous êtes rentrée à Maurice, jeudi. Comment avez-vous vécu ce moment ?

En toute sobriété. En sortant de l’aéroport, j’étais soulagée de ne pas voir un gros comité d’accueil. Il y avait mes parents et l’entraîneur national, Judex Jeannot. Cela me suffisait.

L’entraîneur national, Judex Jeannot, a été très critique après votre finale. Avez-vous été bouleversée par son analyse ?

Je sais qu’il n’est pas satisfait de ma performance en finale. Mais on n’a pas encore parlé de la compétition. Le débriefe est pour samedi (NdlR : aujourd’hui).

 Craignez-vous ce face-àface ?

Non. La pression est retombée. Il faut maintenant analyser ce qui n’a pas marché pour aller de l’avant.

Vous ne baissez pas les bras, alors ?

Non. J’aime le kick-boxing et je veux continuer. Malheureusement, l’année prochaine, je vais un peu m’éloigner du ring pour consacrer plus de temps à mes études. Mais ce sera temporaire. Pour l’instant, je veux profiter à fond des trois mois qui restent pour la saison 2016. Je vais maintenant me concentrer sur les Championnats d’Afrique.

Si vous êtes sélectionnée pour cette compétition qui se tiendra en novembre, vous boxerez chez les seniors. Redoutez-vous ce changement de catégorie d’âge ?

Pas vraiment. Je compte déjà plusieurs combats chez les seniors. Au niveau local, j’ai boxé à quatre reprises contre Jessica Jocelyn. Elle est beaucoup plus expérimentée que moi mais je l’ai battue à trois reprises en quatre confrontations.

Après la Hongrie et l’Irlande, vous savez ce qu’est le haut niveau. Quelles sont les qualités nécessaires pour s’y faire un nom ?

En Hongrie et en Irlande, la compétition était d’un excellent niveau. En juin, il y a aussi eu un bon tournoi en Afrique du Sud. Pour pouvoir percer dans ce milieu, il faut du travail et beaucoup de persévérance. Les qualités techniques et tactiques ne suffisent pas. Il faut aussi être forte psychologiquement.

«On apprend de ses erreurs»

D’après ce qu’on a constaté, c’est cette force mentale qui vous a manqué à Dublin. Comment pensez-vous vous forger un mental d’acier ?

Cette force s’acquiert au fil des combats et des compétitions. Même si j’ai perdu en finale à Dublin, je sais que cette défaite me servira par la suite. On apprend de ses erreurs.

 Qui sont vos principales sources d’inspiration ?

Je suis fan de Ranini Cundasawmy. (NdlR : médaillée de bronze aux Championnats du Monde de boxe-française assaut en 2014). Mais en kick-boxing, les champions du Monde 2013, Fabrice Bauluck et James Agathe, sont les références. Ils ont tous deux des carrières remplies et sont très respectés.

«Le kick-boxing est un sport fort honorable»

 

Si on vous dit que le kickboxing est un sport d’hommes. Que répondez-vous à cela ?

Je répondrais que je suis le parfait exemple que ce n’est pas le cas. A 17 ans, je suis une fille simple mais coquette. Je ne suis pas une mordue de la mode mais de temps en temps, j’aime me faire belle. N’empêche que je sais me faire respecter sur le ring.

N’avez-vous pas peur des bleus et des cicatrices ?

Je n’ai pas peur de me faire mal. Mais j’ai déjà eu un oeil au beurre noir. En me regardant dans le miroir, j’ai tiqué. Je me suis dit que les gens vont croire que je suis une fille battue. Mais après, ça s’est bien passé. Je ne me suis pas prise la tête plus que ça.

A-t-il été compliqué pour vous d’intégrer l’équipe nationale ?

Je m’entraîne avec l’équipe nationale depuis février. Les derniers mois se sont bien passés et l’intégration s’est faite sans aucun problème.

Vous avez été initiée à la discipline par votre père, Rosario. Dans quelques années si vous avez une fille, feriez-vous de même ?

Je n’hésiterai pas à le faire. Le kick-boxing est un sport fort honorable. Je vis des moments intenses grâce à ce sport. Dernièrement à Dublin, j’ai fort apprécié de voir deux Mauriciens vivant en Irlande dans les tribunes quand je boxais. Le sport réveille la fibre patriotique. Grâce à ce voyage, j’ai été très surprise par les qualités humaines que peuvent développer certaines personnes. Et là, je pense à Leevae Gabriel. Cet expatrié mauricien nous a beaucoup aidé durant notre séjour en Irlande. Même s’il ne nous connaissait pas auparavant, il nous a accueillis comme si on était de sa famille.

Penses-tu que tu pourrais échanger le kick contre un autre sport ?

Je ne vois pas pourquoi je  devrais changer de discipline. J’aime ce que je fais et je suis bien encadrée. Mes parents sont toujours derrière moi. Mon père apprécie fortement les progrès que je fais. Quant à mère (NdlR : Natacha), elle vient toujours me voir quand je boxe à Maurice. Quand on revoit les vidéos, on l’entend m’encourager.

La fédération veut avoir plus de filles parmi ses licenciés. Pensez-vous que ce sera un défi difficile à relever ?

J’ai peur que oui, mais ce n’est pas impossible. Il faudra juste trouver les bons arguments pour les convaincre.

Quels seront vos arguments pour les séduire ?

Je ne suis pas une bonne oratrice. Mais j’espère que les résultats que j’ai obtenus dans mes dernières compétitions les aideront à s’intéresser à ce sport. Je veux être à mon tour un role model comme Fabrice Bauluck. Après ma qualification pour la finale mondiale, des filles m’ont contactée sur Facebook pour me demander où elles peuvent s’inscrire pour se mettre à la discipline. Je les ai dirigées vers les clubs de leurs régions respectives.

Vous faites partie de la commission féminine de la fédération. Quels sont les projets de ce groupe ?

La commission est présidée par Ombretta Nanine. Nous nous sommes donné jusqu’à la fin de la saison 2017 pour accroître le nombre de pratiquantes. Nous avons fait des affiches et nous souhaitons faire des démonstrations. Le kick-boxing féminin ne se résume pas à la compétition, il y a le keep-fit et l’auto-défense.

Que vous inspire l’élection de la Mauricienne Isabelle Jeannot en tant que membre de la commission féminine de la World Association of Kickboxing Organisation ?

C’est une excellente chose. Cela démontre qu’en persévérant on peut atteindre les plus hauts sommets.

 A Maurice, le kick ne nourrit pas ses champions. Quel avenir professionnel envisagez- vous ?

Je n’ai pas encore pris de décision concernant le métier que je veux faire. Mais l’année prochaine, j’espère décrocher mon SC (NdlR : School Certificate). J’aviserai par la suite.

 

La tireuse est fière de pouvoir compter sur le soutien de son père Rosario et de sa mère Natacha (à g.).
La tireuse est fière de pouvoir compter sur le soutien de son père Rosario et de sa mère Natacha (à g.).