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Le Morne: femmes pêcheurs, contre vents et marées

20 août 2016, 20:10

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Le Morne: femmes pêcheurs, contre vents et marées

Le Morne est le village où l’on compte le plus grand nombre de femmes pêcheurs. La plupart de celles que nous rencontrons sur la plage par un après-midi gris et venteux exercent ce métier par choix. Pour d’autres, les circonstances de la vie les y ont contraintes. Malgré les difficultés, aller en quête de poissons constitue leur unique gagne-pain.

Les conditions climatiques étant peu favorables ce jour-là, certaines ont pris la mer pour une partie de pêche qui s’est avérée «mince». Les autres, à l’instar de Dorine Labonne, 49 ans, la «benjamine» du groupe, ont préféré s’abstenir. «Sa maré-la, préfer pa alé, mem si météo dir korek!» lance-t-elle. Pour Dorine Labonne, il y a des jours où il vaut mieux se fier à son instinct. Non loin de là, Savitree Juggoo, 35 ans de métier à son actif, approuve ses dires. «La mer fait peur désormais, elle est imprévisible. Les temps changent. Le vent peut se lever et la houle vous emporter à n’importe quel moment», explique-t-elle.

Même les saisons ne seraient plus ce qu’elles étaient et faire ce métier devient de plus en plus ardu, continue Binarai Choolun. Âgée de 63 ans, cette dernière a suivi les traces de son père qui était, dit-elle, «enn gran péser isi». Et la tradition se perpétue car les fils de la sexagénaire lui ont, à leur tour, emboîté le pas. C’est avec eux qu’elle va pêcher presque quotidiennement. «Il ne faut jamais aller en mer seule! Nous avons toujours nos maris ou nos fils avec nous. Autrement, nous y allons entre femmes», renchérit Rambha Choolun. Outre le fait qu’il faut toujours une personne pour mener la pirogue pendant que l’autre pêche, le risque qu’un accident survienne est grand en mer. «Vous savez qu’il y a au moins quelqu’un pour vous venir en aide», ajoute l’une de nos interlocutrices.

«Ni retraite ni pension»

À la question de savoir pourquoi les femmes qui nous entourent continuent à pêcher même si la plupart d’entre elles sont âgées de plus de 60 ans, Savitree Juggoo rétorque: «Vous en connaissez des métiers où, lorsque vous atteignez vos 60 ans, vous n’avez droit ni à une retraite ni à une pension? C’est pourtant notre cas.» Selon ces femmes, il y a des pêcheurs de 75 ans qui vont encore en mer; pour eux, c’est une question de survie.

«Avec notre carte, nous avons au moins des allocations. Si nous la rendons, avec quoi mangerons-nous?» s’interrogent-elles. Et de poursuivre, quelque peu résignées: «Tan ki kapav, nou pou bizin alé.»

Ces mères sont unanimes sur un point: elles ne veulent pas que leurs filles fassent le même métier qu’elles. «Nous les avons envoyées étudier malgré les difficultés, pour qu’elles gagnent leur vie autrement que nous», nous confient, une lueur d’espoir dans les yeux, Dorine Labonne et Savitree Juggoo.