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Autisme: «Mon enfant n’est pas un fardeau»

15 août 2016, 13:45

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Autisme: «Mon enfant n’est pas un fardeau»

 

L’annonce de la ministre de la Sécurité sociale a été accueillie favorablement. Le lundi 1er août, au Parlement, Fazila Jeewa-Daureeawoo a déclaré que l’autisme sera officiellement considéré comme un handicap. Les enfants qui en souffrent pourront donc bénéficier de la Basic Invalidity Pension. Afin de mieux comprendre le quotidien des parents ayant un enfant autiste, nous sommes allés à la rencontre d’une famille.

C’est une boule d’énergie de 10 ans, toujours curieux et en mouvement. Loïc semble être, à première vue, comme tout enfant de son âge. Or, depuis qu’il est bébé, sa mère, Clothilde Bhogaloo, doit faire face à une réalité qui a, à jamais, bouleversé sa vie. Outre le fait d’avoir des crises d’épilepsie, son fils souffre d’autisme.

Les crises, l’agitation, le refus de dormir, le désordre, entre autres, font partie du quotidien de Clothilde, qui est également cofondatrice de l’organisation non gouvernementale Autisme Maurice. Elle y travaille comme éducatrice spécialisée. «Je côtoie l’autisme 24 heures sur 24.»

Nous avons rencontré cette mère courage, ainsi que Loïc et sa sœur jumelle, Mary-Kate, dans sa modeste demeure à Mont-Roches. Pendant que Loïc est visiblement fasciné par la caméra de l’express, Mary-Kate file lui chercher du fromage pour qu’il ne s’agite pas davantage.

«Il adore ça», nous confie leur mère. «Je suis fatiguée, oui, mais mon fils n’est pas un fardeau», poursuit-elle en le fixant, les yeux remplis d’amour. Difficile de passer à côté de la bonne humeur qui règne dans le salon pendant que Clothilde s’ouvre à nous.

«J’ai eu la chance de ne pas passer à côté des premiers signes dès ses 18 mois grâce à Mary-Kate, qui grandissait, elle, normalement. Loïc présentait des problèmes de motricité, par exemple», raconte Clothilde, refoulant à peine ses larmes. Le mot autisme lui était alors complètement étranger. «Comme tous les parents dans la même situation, mon mari et moi sommes allés voir un psychologue de l’APEIM

Mais ce n’est qu’il y a trois ans que Loïc obtient un diagnostic officiel reconnaissant son autisme du Centre d’évaluation et de diagnostic pour l’autisme à Maurice. Il s’agit du seul centre du genre à Maurice et il existe grâce à un projet lancé par Autisme Maurice en 2012. Que le gouvernement reconnaisse enfin l’autisme comme un handicap et qu’Autisme Maurice bénéficie de l’aide financière de l’État est un soulagement pour Clothilde. «Je suis contente que les enfants autistes puissent enfin bénéficier de la Basic Invalidity Pension. Il était grand temps car avec tous les traitements, la formation des professionnels et les employés, l’association a besoin d’aide. Chaque thérapie, requise au moins une fois par semaine, coûte, par exemple, Rs 500 par séance

Quid de l’inclusion dans les écoles mainstream ? Appréhende-t-elle cette initiative que compte apporter la ministre Fazila Jeewa-Daureeawoo? «Oui. Je suis pour, mais je doute qu’un enseignant voudra, par exemple, changer des couches ou nettoyer un vêtement sale d’un enfant après que ce dernier a vomi. Il faut que les écoles disposent de tous les outils nécessaires avant de se projeter dans une telle démarche

«La réalité sur le terrain reste plus complexe…»

Géraldine Aliphon, directrice d’Autisme Maurice, et aussi mère d’un garçon autiste, partage le même avis. Si elle accueille favorablement les nouvelles mesures budgétaires et l’annonce faite par Fazila Jeewa-Daureeawoo au Parlement, elle estime que le gouvernement ne devrait pas se fixer des objectifs farfelus, mais commencer par la base.

Le problème principal réside dans le fait que chaque autiste demande une attention particulière. «La réalité sur le terrain reste plus complexe. Le degré d’autisme peut varier de très léger à très sévère. Les Mauriciens, en général, ne sont forcément pas prêts à cela.» Géraldine Aliphon d’ajouter que «certains parents craignent que les enfants autistes ne freinent l’apprentissage de leurs enfants avec l’inclusion».

Il n’empêche, même si l’insertion des enfants autistes sera difficile à réaliser au cours des cinq à dix prochaines années, cela n’est pas impossible, fait ressortir la directrice d’Autisme Maurice. «D’autres pays y sont arrivés

Mais plusieurs questions restent encore sans réponse pour Géraldine Aliphon, bien qu’elle reconnaisse les bonnes intentions du gouvernement. L’administration des écoles sera-t-elle formée? À partir de quel âge ces enfants seront-ils intégrés à l’école? Comment distinguer un enfant éligible à la pension? Car il existe une clause qui mentionne que pour être éligible, un enfant handicapé doit souffrir d’une incapacité de plus de 60%. Or, pour Géraldine Aliphon, «soit on est autiste, soit on ne l’est pas».

Ces enfants, insiste-t-elle, requièrent une prise en charge dès leur plus jeune âge. Ils auront ainsi «plus de chance d’intégrer un milieu scolaire dit normal». Par contre, si l’enfant a huit ou dix ans, «cela risque de ne pas bien se passer. Il faut donc bien établir les règles et il faut surtout une vaste campagne de sensibilisation auprès des Mauriciens».