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Ziyad Assenally, éleveur: «Il ne me reste plus rien»

14 août 2016, 09:26

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Ziyad Assenally, éleveur: «Il ne me reste plus rien»

Il va falloir abattre toutes mes bêtes, répète-t-il inlassablement. Cet ancien marchand ambulant s’est reconverti, depuis cette année, en éleveur. Des efforts réduits à néant par la fièvre aphteuse.

Depuis quand faites-vous ce métier ?

Depuis 2013. J’ai actuellement 13 bœufs et 20 cabris et moutons. Ce n’est que cette année que je me suis mis à faire de l’élevage à plein-temps car avant, j’étais marchand ambulant à la rue Farquhar. Et puis, la mairie a décidé de nous «envoyer» ailleurs. J’ai mis toutes mes économies dans ce projet. Je me suis rendu à plusieurs reprises à Rodrigues pour choisir mes bêtes, avec l’aide de mon père. Maintenant il ne me reste plus rien… Il faudra tous les abattre.

À quel moment avez-vous su que vos animaux étaient malades ?

J’ai un bouc et trois moutons qui sont déjà morts et les autres sont mal en point. Tout a commencé il y a une semaine. J’ai remarqué que mes animaux étaient affaiblis, ils commençaient à baver et ils saignaient au niveau de la bouche. J’ai assisté à la progression de la maladie, c’est comme pour les humains, quand on a de la fièvre. Eh ben pour les animaux, c’est pareil. Je voyais bien qu’ils n’étaient plus dans leur assiette, ils ne s’alimentaient plus.

Dans un premier temps, j’ai essayé de les soigner moi-même, avec des médicaments, mais ça n’a pas marché. J’ai dû faire appel au ministère de l’Agro-industrie, qui a effectué des tests sanguins. Les vétérinaires ont conclu que mes bêtes étaient atteintes de fièvre aphteuse et qu’il fallait les abattre.

En attendant, c’est dur de les voir souffrir et mourir à petit feu, chaque jour. J’ai essayé de leur donner des vitamines, aussi, mais ça ne sert à rien.

«Mes animaux sont en liberté, ici, à Vallée-des-Prêtres. C’est comme à Rodrigues, ils ne sont pas enfermés dans une étable.»

Comment vivez-vous cette épreuve ?

Très mal. Tous les jours, nous sommes sur le qui-vive. Même la nuit, nous surveillons nos bêtes, nous allons les voir avec nos torches. Je ne veux pas les voir mortes le matin. Car mes animaux sont en liberté, ici, à Vallée-des-Prêtres. C’est comme à Rodrigues, ils ne sont pas enfermés dans une étable. Quand la maladie a frappé le premier animal, j’ai essayé de l’éloigner pour qu’il ne contamine pas les autres. Mais trop tard…

Revenons-en aux pertes financières. Combien avez-vous investi dans cet élevage ?

Un taureau coûte environ Rs 52 000. Au total, j’ai dû débourser environ Rs 700 000 pour me lancer, sans compter les frais encourus pour la nourriture, les médicaments, les vétérinaires etc. Je vends les animaux lorsqu’il y a des cérémonies religieuses et à des bouchers aussi.

Les mesures prises par les autorités vont-elles freiner la progression de la maladie selon vous ?

Je ne crois pas. Je pense qu’il faudra les abattre. Il est trop tard. J’ai déjà enterré les autres animaux et j’ai un voisin qui en a perdu deux. Sur les flancs de la montagne, il y a des cadavres en décomposition…

«Nous ne pouvons pas importer des animaux d’ailleurs (de Rodrigues), ça coûte trop cher.»

Pensez-vous que vous pourrez vous remettre en selle après ça ?

Ici, toute la zone est déjà contaminée, je ne pourrais y emmener d’autres bêtes. Compensation ou pas, je suis un chômeur à présent. Je comprends que Rodrigues est en quarantaine mais quand le ministère parle d’interdire l’importation de bétail pendant trois ans, je pense que c’est trop long. Nous sommes de petits éleveurs et nous ne pouvons pas importer des animaux d’ailleurs, ça coûte trop cher.

«C’est la faute à ce bateau, qui a quitté Rodrigues
sans permission.»

Comment la maladie est-elle arrivée chez nous, selon nous ?

C’est la faute à ce bateau, qui a quitté Rodrigues sans permission… Mes animaux étaient en bonne santé et là, ils vont tous mourir. L’élevage, c’est mon travail, et j’ai une famille à nourrir.

Que vont faire vos camarades éleveurs ?

Nous sommes en contact permanent depuis que cette maladie est apparue. Mais nous ne pouvons pas nous voir tous les jours car les vétérinaires se rendent chez chacun d’entre nous, tour à tour. Nous espérons seulement que ce fléau disparaîtra aussi rapidement qu’il est apparu et qu’on pourra se relever.