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Trafic humain : le match SAJ vs USA à la loupe

22 juillet 2016, 22:15

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Trafic humain : le match SAJ vs USA à la loupe

 

LES BONS MOTS

SI vous n’avez pas lu le rapport, présenté au Congrès américain par John Kerry, le secrétaire d’État américain, le 30 juin dernier, et que vous vous fiez à la virulente réaction du Premier ministre, vous pourrez croire qu’il détruit complètement l’approche mauricienne sur le trafic humain. Mais au contraire, il est rempli de compliments. Maurice ferait d’ailleurs partie des pays qui progressent. Voici ce que dit le rapport «de bien» sur l’île.

Maurice progresse

Le rapport classe les pays en quatre divisions, en l’occurrence tiers 1, tiers 2, tiers 2 watchlist et tiers 3. Cette année, Maurice est passé d’un pays tiers 2 watchlist à tiers 2. En somme, les Américains estiment que notre île ne répond pas complètement aux normes que dresse la loi américaine Trafficking Victims Protection Act, mais qu’elle fait des efforts considérables pour y arriver.

Un comité interministériel sur le trafic humain institué

Le département d’État américain note que le gouvernement durant l’année 2015 a fait des efforts considérables pour enquêter sur les cas potentiels de trafic humain concernant les adultes comme les enfants. Parmi ces efforts, il y a la toute première enquête sur le labour trafficking initiée à Maurice et l’institution d’un comité interministériel sur le trafic humain sous la tutelle de l’Attorney General.

La police formée

Le rapport constate que la police a relancé son Steering Committee sur le trafic humain. En janvier 2016, avec la collaboration du bureau du Directeur des poursuites publiques, 41 sub-divisional commanders et chefs de poste de police ont participé à une formation sur le trafic humain et l’exploitation sexuelle des enfants. Durant le même mois, il y a eu un autre séminaire sur deux jours, comprenant cette fois 27 représentants du gouvernement, des procureurs, des juges et des policiers. Ils ont été formés sur l’enquête et la poursuite de ceux accusés de trafic humain.

La Brigade des mineurs saluée

Le département d’État américain trouve que le gouvernement a identifié dix enfants victimes de trafic sexuel en 2015, contre deux en 2014. Il se réjouit que la Brigade des mineurs réfère systématiquement tous les cas d’enfants victimes à la Child Development Unit (CDU), instance de la protection de l’enfance au ministère de l’Égalité du genre, du développement de l’enfant et du bien-être familial. Les dix victimes ont toutes reçu une assistance médicale et psychologique adéquate, et leurs dépositions ont été recueillies avec l’aide de spécialistes de l’enfance.

La prévention progresse

«The government increased prevention efforts.» La première phrase du chapitre consacré au thème de la prévention est sans équivoque. La suite est une longue liste de mesures positives : un trafficking in persons desk a été créé ; la Family Protection Unit et la Brigade des mineurs ont multiplié les campagnes dans les écoles et les centres communautaires ; et enfin, le ministère du Tourisme a distribué une série de brochures pour avertir les opérateurs des dangers et des conséquences de la facilitation du trafic sexuel des enfants. Pourquoi donc SAJ est-il si frileux ? Le Premier ministre s’est braqué parce que le rapport vient tout simplement du département d’État américain, explique un de ses proches. «Mettez les Chagos et la menace américaine de rompre les relations bilatérales avec nous en toile de fond de votre analyse. Comment voulez-vous que SAJ réagisse autrement ?», nous dit-il.

La partie sombre du tableau

<p>Le <em>Trafficking in Persons Report 2016</em> du département d&rsquo;État américain brosse un tableau sombre de la situation qui prévaut sur le terrain. L&rsquo;île Maurice est présentée comme un endroit où l&rsquo;exploitation des enfants, des hommes et des femmes serait monnaie courante pour le commerce du sexe et le travail forcé.</p>

<p>Les filles dans toutes les parties&nbsp; de l&rsquo;île sont incitées à la prostitution, parfois par leurs pairs, les membres de leur famille et des businessmen en vue d&rsquo;obtenir un emploi, indique le rapport. Interrogée par l&rsquo;express hier à propos de cette affirmation, l&rsquo;avocate Indranee Boolell-Bhoyrul, présidente de la commission de lutte contre le trafic humain à Maurice, de l&rsquo;ONG DIS-MOI, a soutenu qu&rsquo;aucun pays ne peut échapper au trafic des humains.</p>

<p>En tant qu&rsquo;avocate, Indranee Boolell-Bhoyrul affirme avoir déjà rencontré une femme dont le mari voulait qu&rsquo;elle s&rsquo;adonne à la prostitution pour acheter de la drogue. Elle se souvient encore de deux Mauriciennes recrutées par un agent à Maurice pour aller travailler en Angleterre. Une fois arrivées là-bas, elles sont forcées de faire de la prostitution. Ce, après qu&rsquo;on a saisi leur passport.</p>

<p>Le rapport fait en effet état de petits groupes de Mauriciens qui ont été victimes de prostitution en Angleterre, au Canada et en Belgique. Les femmes malgaches qui viennent à Maurice pour travailler sont souvent incitées à s&rsquo;adonner au commerce du sexe, ajoute-t-on.</p>

<p>Indranee Boolell-Bhoyrul dit être au courant du cas d&rsquo;une Malgache dont le patron a confisqué son passeport. Celle-ci a été forcée à faire toutes sortes de choses. Enceinte, elle a dû faire de nombreuses démarches auprès de l&rsquo;ambassade malgache pour pouvoir retourner dans son pays natal. De plus, note le rapport, il est allégué que certains chauffeurs de taxi font la liaison entre les trafiquants et des enfants pour le commerce du sexe. De souligner que des filles et des garçons dont les mères sont des prostituées sont plus vulnérables au commerce du sexe.</p>

<p>Le rapport souligne que le combat contre le trafic des humains est régi par <em>The Combating of Trafficking in Persons Act of 2009</em>, qui prévoit des peines d&rsquo;emprisonnement allant jusqu&rsquo;à 15 ans. Et pourtant, le gouvernement n&rsquo;a jamais utilisé cette provision pour poursuivre en justice une personne pour le commerce du sexe.</p>

<p>Une enquête initiée en 2014 sur une ouvrière bangladaise, victime d&rsquo;exploitation domestique (<em>domestic servitude</em>), n&rsquo;a pas eu de suite. Le gouvernement n&rsquo;a initié aucune action légale à l&rsquo;encontre de l&rsquo;agent recruteur. L&rsquo;affaire a été réglée à l&rsquo;amiable et ce dernier a payé le billet d&rsquo;avion de la femme pour qu&rsquo;elle puisse retourner au Bangladesh. Un proche du dossier a indiqué que c&rsquo;est l&rsquo;agent recruteur de son pays d&rsquo;origine qui doit initier des actions légales à l&rsquo;encontre de l&rsquo;agent recruteur.</p>

<p>Selon le syndicaliste Fayzal AllyBeegun, il est temps que le gouvernement aille de l&rsquo;avant avec des mesures sévères à l&rsquo;encontre des agents recruteurs qui font de fausses promesses aux travailleurs étrangers. Une fois arrivés à Maurice, ces derniers découvrent que ce n&rsquo;est pas le cas. Alors, pour arrondir leur fin du mois, des ouvrières étrangères s&rsquo;adonnent à la prostitution après les heures normales du travail.</p>

LES RAPPORTS DU DÉPARTEMENT D’ÉTAT AMÉRICAIN  SOUVENT CRITIQUÉS DANS LE MONDE

<p>Sir Anerood Jugnauth est loin d&rsquo;être le seul homme sur terre à contester le contenu des rapports du département d&rsquo;État américain. Tout comme lui, le ministère de l&rsquo;Intérieur marocain avait critiqué le rapport sur les droits de l&rsquo;Homme, publié en avril dernier. Dans un communiqué, ce dernier a qualifié le rapport d&rsquo;instrument &laquo;<em>politique entre des mains dépourvues de toute rigueur et objectivité</em>&raquo; ; et marqué d&rsquo;approximations et d&rsquo;inventions pures et simples avec des sources peu fiables. Le tout dernier rapport sur le trafic humain a, lui, provoqué une vive réaction du ministère soudanais des Affaires étrangères. Khartoum a émis un communiqué officiel pour dénoncer ce qu&rsquo;il appelle un &laquo;<em>manque d&rsquo;informations correctes à l&rsquo;égard de la situation au Soudan</em>&raquo;. L&rsquo;édition 2014 de ce même rapport avait provoqué la même réaction à Hong Kong, qui a accusé Washington de ne pas prendre en compte les efforts de l&rsquo;île dans la répression du trafic humain. La Chine et la Russie, bêtes noires des droits de l&rsquo;Homme pour les Américains, répliquent elles aussi systématiquement à chaque fois que les États-Unis publient leurs rapports sur les droits de l&rsquo;Homme et le trafic humain.</p>