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Canne: les petits planteurs craignent d’être laissés en plan

15 juillet 2016, 22:25

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Canne: les petits planteurs craignent d’être laissés en plan

Le gouvernement, surtout le Premier ministre, n’a eu de cesse de répéter, ces dernières semaines, qu’il a à cœur l’intérêt des petits planteurs. Mais est-ce vraiment le cas ? Les petits planteurs ont des doutes. Quelles sont les intentions réelles des autorités envers eux ?

Dans un mémoire au gouvernement, en marge du Budget 2016-17, l’Alliance of Sugarcane Planters’ Associations (ASPA) a demandé qu’un mécanisme soit enfin trouvé afin de permettre aux planteurs de participer au capital, donc aux bénéfices, du sugar cane cluster à hauteur de 35 %. Ils demandent aussi à pouvoir convertir les terres marginales sous canne sans avoir à payer la land conversion tax. À l’instar de ceux autorisés à «bétonner» taxfree des milliers d’hectares de prime agricultural land.

Nous avons interrogé Salil Roy, président de la Planters’ Reform Association (PRA) et membre actif de l’ASPA sur les craintes et les attentes des petits planteurs.

Augmentation du prix du sucre

 En raison de l’amélioration du cours du sucre sur le marché mondial et sur le circuit européen, le Syndicat des sucres prévoit une augmentation d’environ Rs 2 000 la tonne aux planteurs pour la pré sente campagne sucrière. Mais Salil Roy confie que ce n’est que l’année prochaine que ces derniers en bénéficieront. Il regrette d’ailleurs que l’assistance financière de Rs 2 000 accordée par le gouvernement ait été annoncée «beaucoup trop tard», malgré la garantie donnée par le ministre Mahen Seeruttun sur le fait que le décaissement se ferait dans des délais acceptables.

Selon lui, les planteurs avaient besoin de cette aide financière pour désherber et fertiliser leurs champs entre décembre 2015 et janvier 2016 au plus tard. Le financement faisant défaut, la majorité des planteurs n’ont pu mener à bien ces opérations. Raison pour laquelle il prévoit une baisse du rendement de canne pour la récolte en cours.

Taux d’extraction

Les prévisions sont bonnes et, par rapport à l’année dernière, une amélioration est attendue. Le prolongement de la coupe et toute inefficience au niveau de l’usinage peuvent toutefois réduire le taux d’extraction. Notre interlocuteur préconise, de fait, un monitoring rigoureux et continu de la part des autorités afin d’éviter toute baisse conséquente pouvant avoir un impact négatif sur les revenus des planteurs.

Stabilisation des frais

Pour cette année, les coûts de la main-d’œuvre et du transport (soit environ Rs 500 par tonne de canne) sont comparables à ceux de l’année dernière. La baisse des cours du pétrole aide à stabiliser le coût du transport. Toutefois, la main-d’œuvre locale est vieillissante, poussant Salil Roy à se demander s’il n’est pas temps d’avoir recours à la main-d’œuvre étrangère.

Fermeture de deux ponts à bascule

 Le président de la PRA n’en démord pas. C’est, martèle-t-il, un «très mauvais signal» qu’envoie le gouvernement, d’autant plus que le Blueprint on Mill Centralisation garantissait l’opération de ces balances. Soulignant que la communauté des petits planteurs n’est pas contre le développement (NdlR : fermeture qui s’opère dans le cadre d’un projet de smart city, selon le Conseil des ministres), il déplore toutefois que cela soit aux dépens des planteurs. Surtout que toute fermeture, peu importe la compensation financière accordée par les usiniers, augmentera considérablement les frais de transport de la canne, qui devra être acheminée beaucoup plus loin. Au lieu de fermer ces balances, ne pouvait-on pas tout simplement les déplacer un peu plus loin, se demande Salil Roy.

Rs 25 à Rs 250 pour la bagasse

 Salil Roy salue la décision du ministre de l’Agro-industrie, qui a décidé d’augmenter de Rs 25 à Rs 250 la tonne de bagasse. Cependant, citant l’exemple des planteurs de La Réunion qui obtiennent Rs 1 500 par tonne de bagasse, il est d’avis que c’est loin d’être suffisant. L’utilisation de la bagasse pour la production d’électricité permet au pays d’éviter l’importation du charbon pour une valeur de plus de Rs 1 milliard annuellement, tout en réduisant l’impact environnemental négatif de la production énergétique.

Les Independent Power Producers (IPP) obtiennent la bagasse à zéro coût et, à la faveur de contrats en béton, se font des milliards de roupies de bénéfices sur le dos des planteurs et des consommateurs à travers le CEB, déplore Salil Roy.

Il souhaite également que l’État revoie au plus vite le mécanisme de distribution du Bagasse Transfer Price Fund qui, selon lui, privilégie, encore une fois, outrancièrement les IPP. Ces derniers engloutissant 50 % des fonds.

Commercialisation de la mélasse

Salil Roy déplore l’opacité entourant la commercialisation de la mélasse et le secret qui entoure le mode de calcul du prix. Et ce, depuis que le Control & Arbitration Department (CAD) de la MCIA en a pris le contrôle. La nouvelle campagne sucrière a démarré sans que le CAD n’ait officialisé une estimation de prix pour la mélasse pour la récolte passée. Alors que les gouvernements successifs prônent une hausse de la valeur ajoutée des sous-produits de la canne, force est de constater que c’est exactement le contraire qui se passe en réalité, souligne Salil Roy, surtout concernant la mélasse.

Omnicane, aux termes d’un accord avec le CAD, fortement décrié par les planteurs, ne débourse qu’environ Rs 75 millions pour 45 000 tonnes de mé lasse servant à produire quelque 25 millions de litres d’éthanol, d’une valeur marchande frisant Rs 1 milliard. Ainsi, alors que les planteurs avaient reçu Rs 3 016 par tonne de mé- lasse pour la récolte 2009, cette année-ci, il est fort probable qu’ils ne reçoivent même pas Rs 2 000, dénonce Salil Roy.

Importation du sucre par Omnicane

Ce membre actif de l’ASPA estime que l’importation de sucre par Omnicane s’est faite dans des conditions «troublantes», d’autant plus que seul le Syndicat des sucres était jusqu’ici habilité à importer, au nom de tous ses membres, du sucre aux fins de raffinage. Selon Salil Roy, il y a des zones d’ombre autour de l’octroi de la licence à Omnicane pour l’exportation éventuelle de ce sucre via le port franc. Il remet ainsi en question la légalité de cette démarche étant donné que seul le Syndicat des sucres peut exporter à partir de Maurice.

La MCIA est également mise à l’index pour avoir permis le stockage de cette cargaison au Bulk Sugar Terminal (BST), à un tarif au moins dix fois inférieur à celui que paie normalement le Syndicat. Ce, au nom de tous ceux qui contribuent au cess (taxe), finançant les Services Providing Institutions, dont le BST et la MCIA. La communauté des petits planteurs s’élève énergiquement contre cette initiative et demande qu’elle ne se répète pas.

Brexit

Là-dessus, Salil Roy préfère attendre encore pour faire des commentaires. La Planters’ Reform Association a toutefois dé jà engagé une réflexion avec ses membres sur le sujet.