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Conflit d’intérêts: la cinglante réplique du bureau de Yerrigadoo à Trilochun

15 juillet 2016, 07:49

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Conflit d’intérêts: la cinglante réplique du bureau de Yerrigadoo à Trilochun

L’allégation de Kailash Trilochun se résume à ceci : la Law Officers’ Act a été amendée «en catimini» pour permettre aux avocats du State Law Office (SLO) de représenter à leur propre compte des institutions parapubliques. L’astuce alléguée : l’abus d’un procédé, notamment la compilation des lois par le bureau de l’Attorney General dans un document intitulé Revised Laws of Mauritius.

Dans le complot que relate Kailash Trilochun, l’impression a été confiée à une compagnie privée et les mots «in any special case» y ont été supprimés par le comité qui compile ces lois, comité composé justement d’avocats du State Law Office, usurpant ainsi le pouvoir de l’Assemblée nationale. L’exemple que fournit Me Kailash Trilochun ne concerne nul autre que Dhiren Dabee, le Solicitor General, le plus haut fonctionnaire au bureau de l’Attorney General. Celui-ci, dit-il, a donné son numéro de compte bancaire personnel pour avoir conseillé la Financial Intelligence Unit (FIU). Rarement la profession légale ne s’était retrouvée devant un tel «scandale». Du coup, tous les avocats du SLO se sont réunis, jeudi 14 juillet, et le bureau de l’Attorney General a répliqué avec des mots très sévères à l’encontre de Kailash Trilochun.

«Ces allégations gratuites, infectes et sans fondement, portent atteinte à l’intégrité professionnelle et personnelle des avocats du SLO», écrit le bureau de l’Attorney General. Tous les membres de ce bureau disent soutenir Dhiren Dabee. Le bureau de l’Attorney General rappelle à Kailash Trilochun que depuis le 30 janvier 1995, l’Attorney General et le Premier ministre d’alors avaient sollicité et obtenu l’aval du président de la République pour que le Solicitor General ou tout autre avocat puisse non seulement conseiller légalement un corps parapublic ou tout autre institution ou compagnie où l’État a un intérêt, mais aussi les représenter en cour et dans les tribunaux. Ensuite le 6 mars 2003, le Premier ministre avait encore obtenu la signature du président de la République pour que les avocats du SLO puissent représenter l’Independent Commission against Corruption (ICAC) et la FIU.

Ainsi, explique le bureau de l’Attorney General, les mots «in any special case» étaient devenus obsolètes. Le communiqué du bureau de Ravi Yerrigadoo prend, par la suite, une tournure ironique, pour montrer sa stupéfaction devant la gravité – voire la naïveté – des allégations de Kailash Trilochun : «Insinuer que le bureau de l’Attorney General a délibérément supprimé ces mots pour les intérêts personnels de ses membres depuis 2013 est absurde parce que d’abord le changement a été apporté en 2007 et pas en 2013 comme l’allègue M. Trilochun

«Mots obsolètes»

Le bureau de l’Attorney General explique que la compilation des lois pour aboutir aux Revised Laws of Mauritius est un exercice régi par la Revision of Laws Act. «C’est justement notre travail de corriger les lois pour, par exemple, enlever ce qui est obsolète. Nous supprimons des dizaines de mots dans toutes les lois lors de cet exercice. Il n’y avait pas que ces quatre mots-là, et cela ne change rien à ce qui était la pratique depuis 1982

Au sujet de la firme privée qui imprime désormais les nouvelles éditions des lois pour ainsi faciliter les changements en catimini selon les allégations de Kailash Trilochun, «encore une absurdité», s’insurge le bureau de l’Attorney General. «Alors que Kailash Trilochun insinue que c’est une pratique récente, cela se fait depuis 1981, et à quatre reprises nous avons changé d’imprimeur», écrit-il.

Le bureau de l’Attorney General conclut son communiqué en annonçant qu’il se réserve le droit de prendre les mesures appropriées pour rétablir la confiance en la profession légale, confiance qu’égratignent les allégations de Kailash Trilochun.

Selon l’Attorney General Ravi Yerrigadoo, c’est en 2007 que le changement dans la publication des Revised Laws a été apporté, et non en 2013, comme le prétend Kailash Trilochun.
Selon l’Attorney General Ravi Yerrigadoo, c’est en 2007 que le changement dans la publication
des Revised Laws a été apporté, et non en 2013, comme le prétend Kailash Trilochun.

 

La «law revision», c’est quoi ?

<p>Il existe dans la loi ce procédé peu connu du grand public. La&nbsp;&laquo;Revision of Laws Act&raquo; de 1974 donne le pouvoir &ndash; ou le devoir &ndash; au bureau de l&rsquo;Attorney General de littéralement &laquo;réviser les lois&raquo;. D&rsquo;où la création d&rsquo;un sous-bureau, nommé la &laquo;<em>Law Revision Unit</em>&raquo;. Son rôle: enlever les petites coquilles, rendre les textes plus compréhensibles, vérifier que les références aux autres lois soient exactes, ajouter des tables de matières, ajouter ou supprimer des titres, entre autres, mais aussi supprimer ce qui est obsolète. En bref, il s&rsquo;agit de faire le grand ménage dans ce grand fourre-tout et publier les &laquo;Revised Laws of Mauritius&raquo; dans un nombre de volumes qu&rsquo;elle estime nécessaire. La loi stipule qu&rsquo;&laquo;une fois publiées, ces revised laws constituent la loi&raquo;</p>

<p>&laquo;<em>Ce comité est composé de légistes d&rsquo;expérience qui connaissent leur travail</em>&raquo;, a argué le bureau de l&rsquo;Attorney General dans son communiqué, hier. Mais ce que le communiqué ne dit pas, c&rsquo;est que l&rsquo;article (6) de la loi lui impose une autre procédure pour qu&rsquo;elle puisse toucher à la &laquo;substance of the law&raquo;, c&rsquo;est-à- dire altérer l&rsquo;essence de la loi. Si c&rsquo;est le cas, la nouvelle version doit être déposée sur la table de l&rsquo;Assemblée nationale et c&rsquo;est l&rsquo;exécutif qui décidera de la date à laquelle la nouvelle version entrera en vigueur.</p>

<p>C&rsquo;est ainsi que l&rsquo;avocat Reza Uteem avait pu faire innocenter 15 personnes poursuivies sous la&laquo;Public Gathering Act&raquo; dans le sillage de la très médiatisée affaire &laquo;Azaan&raquo;. La loi avait été altérée dans son essence, sans que l&rsquo;Assemblée nationale n&rsquo;en ait été informée. La &laquo;Law Revision Unit&raquo; avait résumé les mots &laquo;public meeting or public procession&raquo;, utilisés dans le texte de loi voté en 1991, par &laquo;public gathering&raquo; lors de l&rsquo;exercice de révision. Un détail qu&rsquo;a voulu contester le DPP en Cour suprême, mais les juges Eddy Balancy et Nirmala Devat ont maintenu le verdict d&rsquo;acquittement en 2012 : ce changement a bien modifié l&rsquo;essence de la loi. Vu son communiqué hier, le bureau de l&rsquo;Attorney General ne semble pas penser que les changements qu&rsquo;il a apportés, en 2007, au &laquo;Law Officers Act&raquo;, modifient l&rsquo;essence de la loi.</p>

 

 

Yatin varma: «Trilochun n’agit pas seul»

«C’est clair qu’on est en train d’attaquer les institutions. J’espère qu’il n’y a pas de motivation politique…» Yatin Varma condamne sans réserve «les allégations très basses» faites contre le Solicitor General Dhiren Dabee et les autres officiers du parquet. Selon l’ancien Attorney General, Kailash Trilochun n’agirait pas seul. «Il est un nominé politique, une recrue du MSM avant les élections générales et un proche de Nando Bodha», fait-il ressortir. Yatin Varma se demande d’ailleurs «en quelle capacité il agit». La démarche de Kailash Trilochun est «intellectuellement malhonnête», insiste l’ex-Attorney General. Et de souligner que Dhiren Dabee, avec qui il a travaillé pendant trois ans, est une personne «sincère, intègre et compétente».