Publicité

Charles Ng: «Air Mauritius ne doit pas avoir peur de la compétition»

17 juillet 2016, 11:40

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Charles Ng: «Air Mauritius ne doit pas avoir peur de la compétition»

Le secteur du voyage n’a pas de secret pour Charles Ng. Après 55 années passées dans le domaine, le directeur d’Atom Travel nous raconte ses débuts, mais aussi ce qu’il pense de l’avenir des agences de voyages à Maurice.

Cela fait 55 ans qu’Atom Travel existe. Quel est le secret de votre réussite?
Trois choses importantes m’ont motivé. La patience, le dur labeur et la vision.

D’où vous est venue l’idée de vous lancer dans le secteur du voyage?
En 1959, faute de trouver du travail à Maurice, j’ai quitté le pays, accompagné d’un ami, pour l’île de la Réunion. Nous avons eu énormément de difficultés pour obtenir des documents pour le voyage. À mon retour, je me suis dit «pourquoi ne pas prendre en charge des clients qui vont voyager. C’est un créneau qui va se développer». J’ai commencé dans un garage à la rue Jummah-Mosque avec quatre chaises et une table, cadeaux d’un ami.

Quels sont les obstacles que vous avez rencontrés?
Atom Travel était une simple agence à ses débuts. Il fallait passer par les General Sales Agents (GSA). L'International Air Transport Association (IATA) avait envoyé une lettre aux GSA stipulant que les Non-IATA Travel Agents n’avaient pas le droit d’avoir accès à des documents de l’IATA. Mais des GSA avaient mal interprété le contenu de cette lettre. Du coup, ils nous ont empêchés d’avoir accès au service de réservation comme si on n’avait pas le droit de faire une réservation ou d’aller récupérer des billets d’avion.

C’était un peu la mort des agences de voyages. Il y avait aussi des frais d’agent de Rs 25 qu’il fallait honorer. Je récupérais et déposais les billets d’avion des clients à vélo. De plus, il n’y avait pas beaucoup de clients. Les gens voyageaient peu. À titre d’exemple, un billet d’avion pour La Réunion se vendait à environ Rs 100. C’était un luxe et plutôt grandiose à l’époque.

55 ans après, quel regard jetez-vous sur le secteur? Comment a-t-il évolué?
Tout est informatisé aujourd’hui. Il y a eu une évolution. Les Mauriciens voyagent beaucoup. Toutes les couches sociales voyagent. Les plus grands voyageurs sont les retraités. Les familles, elles, préfèrent les croisières. Celles-ci évoluent énormément, grâce aux forfaits et aux prix raisonnables. Par exemple, une croisière dans l’océan Indien sur Costa en pension complète coûte Rs 2 200 par jour. Récemment, onze membres d’une même famille ont entrepris une croisière sur la Méditerranée.

En 55 ans, comment Atom Travel s’est-elle réinventée?
Nous avons un marché inbound – le Happy Planet – qui existe depuis plus de dix ans. Sa spécialité est les marchés chinois et asiatique. J’ai eu la vision que le marché chinois allait se développer un jour alors que d’autres se concentraient sur le marché européen. Pour développer le inbound, il fallait se lancer dans un autre créneau. À l’époque, les Chinois n’avaient aucune idée où se situait Maurice.

L’arrivée des autres compagnies aériennes a grandement contribué à la croissance touristique. Quel est votre constat?
L’ouverture du ciel est bénéfique à l’île Maurice. Les autres compagnies aériennes apportent un choix aux Mauriciens. Air Mauritius doit également se lancer dans la compétition. Je suis sûr que la compagnie locale va changer ses stratégies. Elle ne doit pas avoir peur de la compétition. Elle doit suivre la tendance. L’arrivée d’Air Asia va apporter plus de touristes de l’Asie. Je ne suis pas le porte-parole d’Air Asia, mais elle ne vise pas seulement Maurice mais la région ainsi que l’Afrique.

Aujourd’hui, les données ont changé. Neuf mois sans CEO, Air Mauritius a fait un énorme profit. Avec un nouveau CEO, le hedging qui prend fin l’année prochaine et une nouvelle équipe, je souhaite qu’Air Mauritius triple ses profits, ce qui fera plaisir aux actionnaires.

Comment faites-vous face à une prolifération d’agences de voyage?
Le gâteau est pour tout le monde. Je pense qu’il faut un certain contrôle. Il n’y a pas assez de restrictions. Le gouvernement doit être beaucoup plus strict dans l’octroi des permis pour les agences de voyages et les tour-opérateurs dans l’intérêt du public et du touriste. Il y a plus de 200 non-IATA à Maurice et ils ne sont pas tous formés pour être agence de voyages.

La concurrence ne vous effraie-t-elle pas?
Non. J’aime la concurrence. Elle est présente dans tous les secteurs. Je pense que les agences de voyages existeront toujours. Elles ne vont pas disparaître. D’ailleurs, plus de 70% du chiffre d’affaires d’Air Mauritius viennent des agences de voyages locales. Notre plus gros client est Air Mauritius. Je suis fier qu’Atom Travel est l'agent nº1 d’Air Mauritius, et ce depuis plus d’un quart de siècle. Tous les ans, on rafle le premier prix comme agent accrédité d'Air Mauritius.

Les voyageurs peuvent faire leur réservation en ligne. Cela ne va-t-il pas changer la manière d’opérer des agences de voyages? Les forcer à se réinventer?
L’Internet est présent mais il ne va pas prendre la place des agences de voyages. La relation agence de voyages-client ne va pas disparaître. Les services d’assurance, d’hôtel… l’Internet ne pourra pas offrir ces services aux clients. Nous devons suivre ces derniers, savoir ce dont ils ont besoin en planifiant leur voyage. Il faut les conseiller. Le bon service et l’intérêt du client sont importants. Le client est roi.