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Chagos: les récits d'un combat...

5 juillet 2016, 21:17

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Chagos: les récits d'un combat...

La reconnaissance de la souveraineté de Maurice sur les Chagos, la lutte pour les droits des Chagossiens, le rôle des Britanniques... A travers son dossier, l'express retrace les moments forts qui ont marqué l’Archipel.

Une seule action légale de l’Etat en 51 ans

L’île Salomon, aux Chagos. Maurice a réussi à empêcher que les Britanniques  ne créent un parc marin protégé de plus d’un demi-million de km2.

Cela fait 51 ans cette année depuis l’excision des Chagos du territoire mauricien. Depuis que l’archipel est devenu, en 1965, le British Indian Ocean Territory avec l’exil forcé des Chagossiens. 51 ans et une seule action juridique entreprise par l’État mauricien contre le Royaume-Uni.

Un fait que confirme à l’express l’ancien ambassadeur de Maurice aux Nations unies, Milan Meetarbhan. Initiée le 20 décembre 2010 devant le Tribunal international du droit de la mer, cette première et seule action légale a été favorable à Maurice.

Cette instance des Nations unies a été saisie à la suite de la décision des Britanniques, le 1er avril 2010, de créer un parc marin protégé d’une superficie de plus d’un demi-million de kilomètres carrés autour de l’archipel des Chagos. Près de cinq ans plus tard, soit le 18 mars 2015, les juges du Tribunal arbitral sous la Convention du droit de la mer, à savoir le professeur Ivan Shearer, le président du jury sir Christopher Greenwood QC, Albert Hoffmann, James Kateka et Rüdiger Wolfrum, ont statué que le Royaume-Uni était tenu d’assurer que les droits de pêche aux Chagos restent pour Maurice autant que possible. Et qu’il s’agit là d’un engagement irrévocable à ce qui touche à la mer territoriale.

Toutefois, dans un entretien accordé à l’express le 23 mai 2016, Jean Claude de l’Estrac, auteur de L’an prochain à Diego Garcia, fait valoir que ce tribunal a reconnu que la déclaration unilatérale du parc marin protégé par le Royaume-Uni n’était pas compatible avec ses engagements pris dans le cadre de la Convention sur les droits de la mer.

«Le tribunal a expressément déclaré, sur la question de la souveraineté sur l’archipel des Chagos, que ‘this was not a matter concerning the interpretation or application of the Convention and that the Tribunal did not therefore have juridiction to decide the matter’. Je dis tout cela non pas pour m’en réjouir mais pour éclairer le débat», a-t-il soutenu.

C’est le 20 décembre 2010 que les procédures d’arbitrage ont été enclenchées dans cette affaire. Ce n’est que quatre ans plus tard que les auditions ont finalement lieu. Soit du 22 avril au 9 mai 2014 au Pera Palace Hôtel, à Istanbul, en Turquie.

Maurice est représenté par les légistes étrangers – le professeur James Crawford, le professeur Philippe Sands QC, Alison MacDonald de Matrix Chambers, Paul S. Reichler, Andrew Loewenstein de Foley Hoag LLP, les conseillers Elizabeth Wilmshurst, le  Dr Douglas Guilfoyles. Entre autres hommes de loi tels que Yuri Parkhomenko, Remi Reichhold, Fernando L. Bordin, Rodrigo Tranamil et Nancy Lopez. La partie mauricienne comprenait également le Solicitor General Dhiren Dabee, la Parliamentary Counsel Aruna Devi Narain, l’ancien secrétaire au cabinet Suresh Seeballuck, l’ex-ambassadeur de Maurice aux Nations unies Milan Meetarbhan et la diplomate Shiu Ching Young Kim Fat.

Pour sa part, le Royaume-Uni est représenté par l’Attorney General Dominic Grieve QC, le professeur Alan Boyle de l’université d’Edinburgh et d’Essex Court Chambers, de Penelope Nevill, Amy Sander, Sir Michael Wood, Samuel Wordsworth QC, tous d’Essex Court Chambers. Mais aussi d’Alice Lacourt et de Nicola Smith du Foreign and Commonwealth Office, d’Eran Sthoeger, de Jo Bowyer, de Mina Patel, Neelam Rattan, Rebecca Raynsford et Douglas Wilson.

Des années de batailles juridiques stériles pour les Chagossiens

Le combat juridique des Chagossiens dure depuis leur expulsion. Il y a eu des victoires, des défaites, des jugements et des appels mais, au final, les Chagossiens ne sont toujours pas retournés sur leur terre. Les batailles les plus importantes des années 1970 à 2016 sont énumérées ci-après.

 

  • Vers le milieu des années 1970, les frères Élie et Sylvio Michel, accompagnés d’un groupe de Chagossiens, entament des actions légales contre l’Ilois Trust Fund Board (ITFB) pour l’obtention d’allocations pour les Chagossiens. Les compensations ont été payées vers 1978.

 

  • Permal vs ITFB 1982 : Hengride Permal poursuit l’Ilois Trust Fund Board et réclame Rs 100 000 comme dédommagement car il estime avoir été lésé lors du paiement des compensations de 1978. Toutefois, il n’a pas obtenu un verdict favorable et en 1984, «this appeal is accordingly dismissed with costs».

 

 

  • 1993 – 1994 : Après un tassement, les Chagossiens entament des démarches pour obtenir des documents de l’ITFB. Vers 1995, l’avocat Hervé Lassémillante et le Comité social chagossien saisissent la justice mauricienne pour obtenir ces documents dans le but de les envoyer à des avocats britanniques, Bidman and Partners. Ils obtiennent finalement ces documents durant la même année mais la condition était que l’IFTB envoie directement les papiers aux avocats.

 

  • Vient ensuite, en 1997, le conseil de l’actuel juge Ashraf Caunhye qui déconseille aux Chagossiens de se rendre en Angleterre avec un passeport britannique.

 

  • En 1998, l’avocat Robin Mardemootoo se joint au Groupe réfugiés Chagos fraîchement créé avec à sa tête Olivier Bancoult.

 

  • En 2000, le Groupe réfugiés Chagos conteste la British Indian Ocean Territory Immigration Ordinance de 1971. Le 3 novembre 2000, la Divisional Court de Londres statue que l’article 4 de l’Immigration Ordinance est «ultra vires» (NdlR, au-delà du pouvoir) de la constitution du BIOT. Toutefois, le tribunal affirme que la Divisional Court ne possède pas de pouvoir de restitution. Or, cette instance juge aussi que l’expulsion des Chagossiens était illégale. À la suite de ce jugement, ceux qui sont nés dans l’archipel et leurs enfants ont le droit de s’y réinstaller.

 

  • Toutefois, cette décision est en contradiction avec l’accord passé entre la Grande-Bretagne et les États-Unis sur l’installation des facilités militaires à Diego Garcia.

 

  • Juin 2002 : une étude de faisabilité est entreprise par le Foreign and Commonwealth Office. Lorsqu’elle s’achève la même année, elle conclut que la réinsertion serait difficile, précaire et coûteuse.

 

  • Octobre 2003: les Chagossiens font une demande d’allocation et la Cour suprême de Londres refuse cette demande.

 

  • 2004 : Sa Majesté s’en charge. Un ordre sous la forme de «Royal Prerogative» va interdire à tout Chagossien de mettre les pieds aux Chagos. Cette prérogative royale n’est pas sujette à un débat ou une quelconque contestation. Durant la même année, la Cour suprême rejette une demande de faire appel contre le refus d’accorder une allocation aux Chagossiens datant d’octobre 2003.

 

  • 2006 : en mai, la Haute Cour juge que les ordres de 2004 sont illégaux après que les Chagossiens aient fait appel. Ils ont à nouveau le droit de retourner dans l’archipel comme le souligne le jugement de 2000. Le gouvernement britannique a fait appel de ce jugement en 2007 et a perdu devant la cour d’appel.   

 

  • Octobre 2008 : par une étroite majorité, les Law Lords font comprendre que l’ordre d’expulsion des Chagossiens en 2004 est légal.

 

 

  • En 2012 les Chagossiens saisissent la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Celle-ci demande d’abord aux deux parties de venir avec un accord à l’amiable. Devant le refus des Britanniques, un jugement s’avère alors nécessaire. Dans son verdict, la CEDH condamne le comportement «insensible et honteux» de la Grande-Bretagne.

 

  • En 2015, les Chagossiens sont de nouveau devant la Cour suprême pour contester le jugement des Law Lords de 2008. L’appel est rejeté en juin 2016.