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Une femme pour succéder au sultan: révolte royaliste en Indonésie

29 juin 2016, 11:18

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Une femme pour succéder au sultan: révolte royaliste en Indonésie

 

Des courtisans en costume traditionnel dansent sur une musique javanaiseLe sul devant le sultan de Yogyakarta, en Indonésie. Ce rituel se répète depuis des siècles dans la douceur, mais cette année planait une ambiance de révolte royaliste. En cause: la désignation d’une femme pour succéder au monarque.

Hamengku Buwono X, le dernier sultan d’Indonésie ayant aussi un pouvoir politique, a été confronté à une fronde lors de la récente cérémonie organisée pour fêter ses 70 ans et l’anniversaire de son couronnement il y a 27 ans: de nombreux membres de sa famille ont boycotté l’événement.

Une vive querelle a en effet éclaté depuis que le sultan a fait savoir, fin 2015, qu’il avait désigné l’aînée de ses cinq filles pour lui succéder, n’ayant pas de fils.

Le sultanat de Yogyakarta, fondé en 1756, est une province du centre de l’île de Java dotée d’un statut spécial depuis la fin de l’ère coloniale néerlandaise en 1945.

L’idée de voir pour la première fois une femme accéder au trône dans l’archipel d’Asie du Sud-Est à majorité musulmane a provoqué une levée de boucliers de la part de membres de la famille du sultan et d’associations musulmanes.

«Le royaume devait maintenir la tradition originelle, car c’est un royaume islamique», a ainsi déclaré à l’AFP Abdurrahman, un responsable du mouvement conservateur Front du jihad islamique.

L’Indonésie compte de nombreux petits royaumes, mais le sultan de Yogyakarta est le seul à être à la fois monarque et gouverneur de cette province de quelque quatre millions d’habitants. Les gouverneurs des autres régions sont élus au suffrage universel.

Le sultan conserve toujours la plupart des privilèges octroyés au sultanat, notamment sa résidence principale, un somptueux palais javanais traditionnel appelé le Kraton, où sont célébrés avec faste d’importants événements.

Coq ou poule ?

La volonté de Hamengku Buwono X de bouleverser une longue tradition en faisant de sa fille aînée la princesse héritière a provoqué un âpre conflit au sein de sa famille. Il est accusé de bafouer les règles édictées pour gouverner le sultanat, sur fond de rivalités présumées entre ses frères pour lui succéder.

«Une femme sultan, c’est impossible», s’emporte un cousin du monarque, Kanjeng Raden Tumenggung Jatiningrat.

«L’un des emblèmes de ce palais, c’est le coq (symbole de bravoure). Si on a une femme sultan, il va falloir le changer et mettre une poule?», interroge-t-il.

Des courtisans en costume traditionnel dansent sur une musique javanaise.

Une femme ne pourrait pas superviser les rituels à la mosquée ou d’autres cérémonies traditionnellement dirigées par des hommes, affirme-t-il à l’AFP.

N’en déplaise au cousin, le processus a déjà été lancé par le sultan.

Celui-ci ne l’a pas annoncé publiquement mais la succession féminine ne fait aucun doute. Dans la culture javanaise, tout est question de symboles. Or le sultan a attribué à sa fille aînée le titre de «Gusti Kanjeng Ratu Mangkubumi» - le Mangkubumi étant «celui qui tient l’univers» -, soit le même titre que celui qu’avait reçu le sultan lui-même lorsqu’il avait été désigné prince héritier.

Modernité

Et le monarque a légèrement modifié son titre officiel, en remplaçant notamment une lettre du mot masculin Buwomo pour le transformer en Bawomo, un genre neutre qui ouvre la voie à une succession féminine.

Le sultan a défendu son choix en affirmant que rien ne l’empêchait d’apporter des changements à la tradition et de s’adapter à la modernité, dans un monde où la place des femmes grandit.

«Le palais de Yogyakarta n’a pas de tradition héréditaire immuable. Tous les sultans au pouvoir peuvent introduire des changements», a argumenté le sultan devant des journalistes locaux.

Le Sultan Hamengku Buwono a fêté son 70e anniversaire et son 27e année de reigne.

Ce ne sera pas la première fois qu’une femme occupe un poste de monarque en Indonésie, pays de quelque 300 ethnies qui a eu par le passé des royaumes hindous et bouddhistes.

Les réactions parmi les quatre millions de sujets à Yogyakarta et dans les environs, qui considèrent cet homme comme un demi-Dieu, ont été plutôt réservées, la plupart des habitants préférant ne pas se mêler des affaires royales.

Mais la polémique ne semble pas retomber. Le mécontentement contre le sultan, qui peut rester en place aussi longtemps qu’il le souhaite, est très fort, dit l’un de ses beaux-frères, Gusti Bendoro Pangeran Haryo Prabukusumo. «Près de 90% de la famille ne le respectent plus», dit-il.