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L'Euro-2016 rend fous les parieurs vietnamiens

23 juin 2016, 13:54

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L'Euro-2016 rend fous les parieurs vietnamiens

 

Quatre ans après avoir tout perdu lors de l'Euro-2012, le Vietnamien Nguyen The Hoang n'a pas pu résister. Malgré l'interdiction des jeux d'argent dans le pays communiste, comme des milliers d'autres fans, il parie à chaque match.

Le football est une obsession nationale au Vietnam. Et même illégaux, les paris battent leur plein à chaque grande compétition. Les colossales pertes de certains et les suicides d'autres remplissent les pages des journaux officiels et des blogs.

"Ma femme déteste le football parce qu'il a ruiné nos vies", confie Hoang, assis au milieu d'un petit restaurant de quartier que le couple tient à Hanoï.

Cet homme d'affaires de 58 ans, père de deux enfants, a enchaîné les mauvais paris lors de l'Euro-2012: "Une perte de près d'un demi-million de dollars", avoue-t-il.

Pour rembourser ses dettes, il a dû vendre deux maisons et un restaurant. Et se retrouve aujourd'hui à laver des assiettes dans la petite échoppe où sa femme cuisine des bols de pho, plat typique de la cuisine vietnamienne. Ils gagnent aujourd'hui 10 dollars par jour. De maigres revenus qui n'empêchent pas Hoang de continuer à parier.

La folie du jeu est forte dans un pays qui connaît des changements économiques rapides et où les superstitions sont fortes.

Les paris illégaux ont cours toute l'année mais connaissent évidemment un pic lors des grands événements - Coupe du Monde, Euro - pendant lesquels des millions sont en jeu, même s'il n'existe pas de chiffres officiels et si peu de recherches ont été menées sur le sujet.

Toutefois, début juin, la police a démantelé un réseau de paris dont les membres sont soupçonnés d'avoir misé plus de 300 millions d'euros. Au total, 23 personnes ont été arrêtées.

Maisons hypothéquées

Téléphones portables, motos, voitures et même titres de propriétés... Plus la compétition avance et plus les officines de prêts sur gages se remplissent. Les joueurs cherchent de l'argent liquide.

Toutes les catégories sociales sont représentées: fonctionnaires, étudiants ou même joueurs de foot professionnels.

De l'extérieur, la boutique de Phuc (le prénom a été modifié) est une bijouterie. Mais en réalité, l'homme de 55 ans est l'un des agents qui organise les paris à Hanoï.

Il prélève une commission de 1% sur chaque mise et dirige une petite armée de bookmakers qui recueillent l'argent des parieurs. Son rôle est de centraliser, avant de tout transférer aux "grands chefs" qui passeront les paris en ligne, décrit-il à l'AFP. Ces chefs sont eux-mêmes reliés à des réseaux illégaux à Hong Kong et à Taïwan.

En un mois de compétition, il devrait gagner des dizaines de milliers de dollars, estime-t-il, ajoutant que les marges des patrons sont "trop importantes pour même réussir à faire une estimation".

Pour les plus gros parieurs, même pas besoin d'argent liquide pour parier.

Tran Quoc Vinh travaille dans le restaurant familial mais sa principale source de revenus depuis 15 ans sont les jeux d'argent.

Il n'aime pas particulièrement le football et ne regarde pas les matches de l'Euro en France, qui se déroulent généralement en pleine nuit au Vietnam en raison du décalage horaire.

Il affirme avoir misé 500 euros au début de l'Euro et avoir gagné dix fois la somme après quelques matches. Parier ne lui prend que quelques secondes. Un simple SMS ou un court appel suffisent pour mettre en jeu des centaines de dollars. "Les paiements sont réglés dans les jours suivants. Parier est un jeu basé sur la confiance. Nous comptons les uns sur les autres pour réussir", affirme-t-il.

Cette confiance coûte parfois chère aux perdants et certains mauvais payeurs se retrouvent harcelés par les gangs chargés de récupérer l'argent.

Le débat sur la légalisation des jeux d'argent a souvent été remis sur la table ces dernières années. Certains font valoir l'immense recette que cela pourrait représenter pour les finances du pays.

Car pour Phuc, une chose est sûre: les coups de filets ne mettront jamais fin aux paris illégaux. "Personne ne peut éliminer le jeu ou les paris sur le football".