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Salim Toorabally: «Je n’ai pas peur…»

10 juin 2016, 19:58

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Salim Toorabally: «Je n’ai pas peur…»

 

De retour d’une conférence sur la sécurité à Orlando, aux Etats-Unis, où il a été invité par la NFL (ligue de football américain), Salim Toorabally se prépare pour France-Roumanie, qui sonnera l’ouverture de l’Euro 2016, le vendredi 10 juin, au stade de France. Pour celui qui a été décoré de la médaille de la sécurité intérieure pour son intervention héroïque à Saint-Denis lors des attentats de Paris, le terrorisme ne gagnera pas cet Euro…

Décidément, les médias du monde entier ne vous lâchent pas. Est-ce pesant?

Pas du tout. C’est vrai que je suis toujours très demandé. Le monde entier a beaucoup apprécié mon action du 13 novembre 2015, lorsque j’ai stoppé un kamikaze aux portes du stade de France.

Vous venez de rentrer d’Orlando, aux Etats-Unis, où vous avez été appelé par la NFL, l’organisme qui gère le football américain, pour parler de la sécurité dans les stades en tant que «héros du stade de France». Racontez-nous.

Ça m’a fait bizarre d’être applaudi par 500 personnes, majoritairement des Américains et aussi quelques Anglais, lorsque j’ai parlé de mon action du 13 novembre 2015. Avant la conférence, l’un des responsables, Lenny Bandy, m’a demandé si je pouvais parler un peu de religion, car l’image de l’islam n’est pas de tuer des gens. J’ai dit que moi, je place l’humanité en premier. Je leur ai dit que je n’aurais jamais cru que moi, simple agent de sécurité venant de l’autre bout de l’océan Indien, de l’île Maurice, j’arrêterais un jour un type qui porte 5 kilos d’explosifs.

Le coup d’envoi de l’Euro sera donné le vendredi 10 juin. Dans quel état d’esprit êtes-vous?

J’essaie de faire passer un message de paix et de solidarité, pour que les gens n’aient pas peur d’aller à un match de foot, dans une salle de spectacle ou au restaurant. Les gens doivent continuer à vivre.

Le souvenir du 13 novembre 2015 vous hante-t-il toujours?

Le 13 novembre restera gravé dans mon cœur. J’ai vu des scènes choquantes, porté secours à des blessés…

Vous n’avez pas été tenté de changer de vie?

Après ces événements tragiques, j’avais décidé d’arrêter de travailler dans des stades. J’avais peur. Beaucoup d’images me traversaient l’esprit. Mais après avoir participé à un plateau TV sur France 5, en mars dernier, je me suis dit non. Je dois me positionner pour arrêter tous ces problèmes entre les religions. Il faut arrêter tous ces amalgames. Les citoyens doivent rester solidaires face au terrorisme.

Où serez-vous pendant l’Euro?

J’ai été affecté aux hôtels des arbitres, à René Ballia à Enghein, et je serai aussi sur l’équipe d’Irlande, à Versailles, ainsi qu’à tous les matches au Stade de France. Il y en aura 9 au total.

Au niveau de la sécurité, tout est en place?

La sécurité n’est plus la même depuis le 13 novembre 2015. J’ai travaillé sur PSG-Lille et c’est beaucoup mieux sécurisé. C’est vrai qu’il y a eu quelques loupés pour la finale de la Coupe de France PSG-OM. On a été critiqué dans toute l’Europe.

Il faut savoir qu’il y avait quatre points d’accès différents pour PSG-OM et ce sera pareil pendant l’Euro avec une augmentation des forces de l’ordre : 90 000 policiers et 30 000 agents de sécurité. Cela devrait aller mieux. J’ai confiance. Je n’ai pas peur de travailler au stade de France. Je serai même à l’aise.

Vous avez reçu une médaille de la sécurité intérieure, le mois dernier. Quelle a été votre réaction?

J’ai rencontré le président de la République, François Hollande, lors d’un match cette année au stade de France. Blaise Matuidi, de l’équipe de France, m’a dit «tu es mon héros». Tout cela est touchant, comme cette médaille. J’ai ressenti une fierté en tant que Mauricien. Le ministre de l’Intérieur a dit: «Monsieur Toorabally, qui a travaillé porte L et qui a empêché d’entrer un kamikaze, je vous félicite pour votre courage.»

Tout ce qui vous arrive vous aide-t-il professionnellement? Occupez-vous un meilleur poste aujourd’hui?

Actuellement, je suis chef d’équipe en sécurité incendie chez les pompiers de Paris. Je travaillais à temps partiel pour la compagnie Honnête Sécurité, m’occupant notamment de la sécurité lors des matches de foot. Depuis, plusieurs compagnies m’ont contacté pour venir travailler chez eux. Lundi, j’ai décidé de rejoindre Honnête Sécurité à plein temps, à partir du mois de juillet.

Pour finir, avez-vous un message pour cet Euro 2016?

Il faut qu’on tourne la page, qu’on arrête avec le racisme. On ne touche pas au sport, c’est le plus grand manque de respect. En 1998, on se baladait toute la nuit sur les Champs Elysées, à la Tour Eiffel, dans les Fan Clubs avec écrans géants. Aujourd’hui, ce n’est plus pareil.

Article paru dans Lékip du 10 juin 2016