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Shafick Osman:«Des programmes de la MBC concoctés pour certaines couches de la population»

4 juin 2016, 16:13

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Shafick Osman:«Des programmes de la MBC concoctés pour certaines couches de la population»

 

 

Vous dites sur Facebook que vous ne vous attendiez pas à autant de bruit pour une nomination de simple «board member» de la MBC. Est-ce la valeur que vous accordez à votre présence sur ce «board» ?

Très honnêtement, oui. Je pensais n’être qu’un simple membre comme les sept autres, sauf que parmi les sept autres, il y a un Chairman. J’ai été au sein de conseils d’administration, du MES entre autres, quand j’étais conseiller de Steve Obeegadoo entre 2000 et 2002. J’ai donné mon opinion sur les décisions, mais c’étaient des rôles effacés et discrets.

Je pensais certes pouvoir apporter de la valeur ajoutée à la MBC, mais c’est quand j’ai vu la déferlante de commentaires et d’espoir de tout bord politique que je me suis rendu compte des attentes. La MBC, je le réalise, représente un symbole très fort, dans l’inconscient même des Mauriciens, un peu comme Air Mauritius et Mauritius Telecom. Maintenant, il faut attendre les premières rencontres pour voir les orientations ; le Chairman je ne l’ai jamais rencontré, le directeur je l’ai rencontré une ou deux fois dans ma vie et notre dernière rencontre remonte à 25 ans.

Quelle est votre opinion de la MBC aujourd’hui ?

Beaucoup de personnes se concentrent sur le journal télévisé ou le traitement de l’information qui, le directeur l’a dit, doit être revu de fond en comble. Mais la MBC c’est un ensemble de toute la programmation. La MBC renvoie une certaine image qui est véhiculée par les personnes plutôt de région urbaine, la petite et moyenne bourgeoisie, et une autre par celles des régions rurales.

Une bonne partie de la population mauricienne a une bonne opinion de la MBC. Je vous vois surpris, je suis surpris aussi, mais ces personnes se retrouvent dans les programmes de la MBC. Il s’agit des habitants du Hindi-Belt, les circonscriptions nos 5 à 13 ; des planteurs, des fils et filles de planteurs et ceux qui sont au-dessus de 40 ans.

Grosso modo, ils n’ont aucune critique contre la MBC. Au contraire, la MBC est pour eux une institution. Ils allument religieusement leur télé le soir. Pour les autres, ceux qui ne sont pas «hindi speaking», ou ceux qui ont moins de 35 ans ou ceux de la région urbaine, non seulement ils critiquent la MBC, mais ils la délaissent carrément au profit des bouquets satellitaires.

Cette différence d’appréciation de la MBC entre certaines régions et certaines couches de la population n’a-t-elle pas été provoquée ? Par exemple le film Lagaan diffusé à la veille des élections de 2010 ?

La MBC a certainement été instrumentalisée tout le temps par les politiques du jour. La grille des programmes établie au cours des 40 dernières années a été évidemment faite pour certaines couches de la population.

Il y a eu des actions délibérées faites pour des objectifs précis. Maintenant, il faudra voir ce que demande l’ensemble de la population à travers une étude d’opinion pour que la MBC soit customer-oriented.

Ce gouvernement-là va-t-il lâcher du lest sur la liberté d’exercice des dirigeants de la MBC ?

Je ne parlerai pas du gouvernement, mais du conseil d’administration, où il y a deux représentants de l’État...

(On l’interrompt) N’êtes-vous pas naïf ? Les ministres appellent les journalistes, les rédacteurs en chef, le directeur de l’information. Cette relation incestueuse entre le pouvoir et la MBC se manifeste au-delà de ces deux représentants.

Peut-être que je suis un peu naïf. Mais ce dont vous me parlez relève de l’opérationnel. Il faut changer cela. Tout changement, cependant, doit être graduel et réfléchi. C’est bon qu’en quatre jours on puisse modifier des choses, mais en réalité ça peut prendre quatre semaines ou quatre mois. Il faut donner du temps au temps.

Vous êtes docteur en géopolitique. Quel regard jetez-vous sur les incidents de la rue St-Georges ?

(Un regard glacial) Les graffitis ne me choquent pas. Les coups de balles, si. Selon la chronologie des journaux, des individus qui taguaient le portail de l’ambassade de France ont été aperçus par le vigile de l’hôtel. Ils ont pris la fuite et après une demi-heure, ils sont revenus pour tirer des coups de feu.

Si quelqu’un voulait tirer des coups de feu, il l’aurait fait avant. Pourquoi être revenus après une demi-heure ? S’ils n’avaient pas été vus, y aurait-il eu des coups de feu ? Mais il ne faut surtout pas aller vite en besogne.

Je n’exclus aucune possibilité. Ça ne me choquerait pas qu’il y ait des sympathisants de Daech à Maurice, qu’ils aient tenté de faire de la provocation ou que ce soit l’œuvre d’amateurs.

Ça peut aussi être des personnes qui ont eu maille à partir avec un service de l’ambassade de France – un visa refusé par exemple – qui aient voulu se venger. Tout est possible. Il ne faut exclure aucune piste.

La piste d’un groupe local de Daech, organisé et entraîné ?

Aussi. Dans ce monde hyper connecté, il faut s’attendre à tout à tout moment. Mais ces incidents ne relèvent pas du terrorisme. Le terrorisme c’est frapper le plus grand nombre de personnes au moment le plus inattendu. Ici, ce n’était pas le cas. Un terroriste n’aurait aucune raison de frapper une ambassade vide à 3 heures du matin !

Il ne faut pas non plus exclure que ce soit l’œuvre de non-musulmans. Parce que ce message «finn tous nou profet Abu Bakr al-Bhagdadi» (NdlR : tagué aussi sur un mur près de l’ambassade), aucun musulman au monde ne peut dire cela. À partir du moment où il le dit, il sort de l’Islam. Mohammed est le dernier prophète, c’est le fondement même de l’Islam.

Quand vous dites qu’il faut s’attendre à tout et à tout moment, n’est-ce pas une invitation à la peur ?

Non, au contraire. Il faut se conditionner à cela. Que vous voyagiez à Mumbai, Tana, Johannesburg, Francfort, Paris, Londres, Bruxelles, tout peut arriver. Le danger peut venir de Daech, de la mafia ou encore d’une bande de voleurs organisés. Il faut s’attendre à tout à tout moment. Si on ne se conditionne pas, on ne vit plus, on reste chez soi en s’enfermant dans une psychose.

Et en tant que croyant, je crois que le lieu de votre naissance et celui de votre mort ont déjà été écrits par Dieu. Donc, tout en ne négligeant aucun aspect de la sécurité, ne tombons pas dans l’effroi.

Dieu a-t-il écrit que Pravind Jugnauth sera Premier ministre ?

(Rires) Quelle transition ! Il est né un 25 décembre ! Il est peut-être né sous une bonne étoile.

Quand il dit que la question de devenir Premier ministre sous le présent mandat ne se pose pas, faut-il le croire ?

C’est mon opinion, et j’ai lu que c’est aussi celle de Kobita Jugnauth: il n’est pas souhaitable qu’il devienne Premier ministre avant les élections de 2019. L’homme a souffert sur le plan personnel et familial. Maintenant il est nommé à un ministère capital. Cela, ajouté à son leadership politique du parti majoritaire à l’Assemblée nationale, fait qu’il a énormément de responsabilités. La responsabilité Premier ministérielle va l’éloigner de ces priorités.

S’il sait jouer sa carte, s’il donne des résultats aux Finances et globalement dans le pays, s’il réussit à fédérer l’équipe gouvernementale comme il le faut, il sera un candidat sérieux et crédible au poste de Premier ministre. Son père a lui-même déjà dit que si Pravind Jugnauth doit devenir Premier ministre, il faudra qu’il le soit à travers une élection.

SAJ, relevé de plusieurs responsabilités, est plus tranquille. Il jouit d’une légitimité populaire pour être au poste de Premier ministre. Il mènera son mandat à terme. Et il l’a lui-même dit : «Personn pa pou bouz mwa».