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Geeanduth Suneechur: «Plus vous bougez les archives, plus elles restent en bon état»

1 juin 2016, 12:32

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Geeanduth Suneechur: «Plus vous bougez les archives, plus elles restent en bon état»

L’ancien directeur des Archives nationales est toujours très actif. La semaine dernière, Geeanduth Suneechur a donné une conférence, à l’intention des fonctionnaires, sur la préservation des archives. L’occasion de faire le point sur cette institution qui, en attendant la Culture House, fait ce qu’elle peut dans la zone industrielle de Coromandel.

Les Archives nationales, c’est la mémoire du pays. Pourquoi notre mémoire est-elle dans un état qui est décrié depuis longtemps?
Tous les gouvernements successifs ont fait de leur mieux pour conserver les archives. En leur état actuel, les Archives sont ok. Pourquoi? D’abord parce qu’elles ont changé plusieurs fois d’adresse. Kapav dir nou dan lizinn (NdlR, les Archives nationales sont dans la zone industrielle de Coromandel). Malgré tout, les archives ont été bien conservées.

Certains vont bondir. D’abord, vous dites que les déménagements sont une bonne chose, ensuite que les conditions actuelles sont les meilleures que l’on pouvait avoir?
La critique veut que le bâtiment ne soit pas approprié. Nous qui vivons cela de l’intérieur, nous avons dû prendre toutes les dispositions pour conserver les documents. Aux Archives, il faut s’assurer de l’aération, empêcher les rongeurs de s’y attaquer et lutter contre l’humidité. Li pé fer li. Nous avons un gros avantage, le bâtiment est bien aéré, avec les vents qui descendent de la montagne du Pouce. Et puis, c’est spacieux. Li pa enn lor lot.

Après une carrière aux Archives, je suis arrivé à la conclusion que plus vous bougez les documents, plus ils restent en bon état. Prenez une armoire chez vous, pa tous li enn bon lepok. Les cancrelats, la poussière vont l’envahir. Cela va créer une atmosphère propice à la détérioration. Mais si vous bougez l’armoire de temps en temps, vous retardez ce processus.

Les Archives doivent aussi voir plus loin. Rien n’est éternel. Tôt ou tard, les documents vont se détériorer. Que font-elles? La digitalisation est en cours.

Les documents d’archives sont fragiles, chaque manipulation les met en danger, non?
Bizin konn bouzé. Il faut prendre des précautions.

Les utilisateurs sont-ils censés porter des gants aux Archives?
Oui, ils sont supposés le faire. Mais cela les gênent pour manipuler les documents. Netoy lakaz kapav fer sa, arsiv pa parey. Mais le personnel des Archives est vigilant.

Il voit ceux qui, par exemple, soulignent des extraits dans les documents d’archives?
Pa gayn drwa sa. Il y a un code de conduite qui est affiché sur toutes les tables, dans la salle de consultation.

Un code qui est respecté ?
Les officiers font de leur mieux. Cela dépend aussi du respect des gens pour les documents. Tout le monde n’est pas sensible à l’importance des archives.

Vous dites avoir noté plusieurs améliorations en l’espace de cinq ans. Lesquelles?
Surtout au niveau de l’accueil.

Il y a eu beaucoup de critiques à ce sujet.
Maintenant le customer service s’est amélioré. Il y a des gens pour vous accueillir. Ou gayn kopi dokiman fasil.

Que trouve-t-on aux Archives nationales concernant la période hollandaise?
Il existe 11 volumes de correspondance traduits en anglais, c’est la collection Lybrandt. Il y a des documents qui se trouvent à Amsterdam, mais nous ne pouvons pas les lire, ils sont en hollandais.

Il se dit qu’une personne avait été envoyée aux Pays-Bas pour les trouver et qu’elle ne serait jamais revenue.
Ce n’était pas une démarche des Archives nationales.

D’autres documents concernant Maurice se trouvent à Aix-en-Provence et en Angleterre. Que faut-il faire pour avoir ces pans de notre histoire?
Aux Pays-Bas, si les documents nous parviennent, nous ne pourrons pas les utiliser à cause de la barrière de la langue. Pour ce qui est de l’Angleterre, vu que nous étions une ancienne colonie, il faudrait établir quels documents disponibles là-bas ne le sont pas chez nous. Et voir s’ils peuvent nous donner, pas les originaux, mais au moins une copie.

La démarche a-t-elle déjà été entreprise, pendant que vous étiez directeur, par exemple?
Bien sûr. Des démarches ont été faites pour avoir les recensements d’esclaves. Au moment de l’abolition, une compensation a été payée aux maîtres, en fonction du nombre d’esclaves. Nous avons eu ces listes et aujourd’hui, le Centre Nelson Mandela pour la culture africaine s’en sert pour aider les gens qui font des recherches généalogiques.

Vous avez confié avoir été choqué devant des registres montrant qu’un enfant né de parents esclaves devenait automatiquement esclave.
Quand j’ai été nommé aux Archives, l’une de mes tâches était d’écrire que tel enfant est esclave d’untel. Mo dir bé ki manyer sa? Je me suis posé la question, pourquoi ne naît-il pas libre? Mon supérieur à l’époque m’a dit: «Suneechur, c’est l’histoire.» Nous, archivistes, ne pouvons changer l’histoire.

C’est bien Maurice qui détient des originaux de documents concernant les Seychelles?
Je ne veux pas polémiquer. Ce que je sais, c’est qu’il y a eu un accord avec les Seychelles. Mon opinion personnelle c’est qu’à l’époque, Maurice était le centre administratif. Donc, les documents ayant été créés chez nous, li pou nou. Remarquez que nous avons été assez bons pour leur donner des copies. Ki pli bon ki sa?

Les archives de l’immigration indienne sont partagées entre le Mahatma Gandhi Institute (MGI) et les Archives nationales. Qui conserve la plus grosse partie des documents?
C’est seulement des registres qui se trouvent au MGI. La plus grosse partie se trouve aux Archives nationales. À l’époque, il y avait le Protecteur des immigrants. C’était une institution qui gérait les arrivées des travailleurs engagés Tous les documents administratifs, les lois de cette institution sont aux Archives.

Que pensez-vous d’un regroupement de ces deux parties de documents qui concernent l’engagisme?
(Il hésite. Réfléchit.) Ce serait souhaitable, surtout pour les personnes qui font des recherches, de tout trouver dans un seul endroit. Mais la loi ne permet pas aux Archives nationales de mettre la main sur ces documents. Mais si vous voulez mon avis, ces documents sont bien conservés au MGI, leur service est satisfaisant, ils peuvent y rester. Nou pa fer gourma nou rod gayn tou. Landernyer nou al tranglé. Mais le jour où les Archives nationales auront des locaux taillés sur mesure, je crois qu’un regroupement serait souhaitable.

Le document le plus ancien date de 1715, mais quel est le document le plus précieux conservé aux Archives nationales?
Tous les documents aux Archives nationales sont précieux, parce qu’ils concernent l’histoire du pays.

Citez-nous quelques-uns des trésors conservés à Coromandel.
Il y a des lettres écrites par le Père Laval, par Pierre Poivre. Une lettre de SSR demandant un poste de clerical dans la fonction publique. Mais pour un archiviste, tout est important pour le pays.

Il y a des lacunes concernant les documents sur les Mauriciens engagés dans les guerres mondiales?
Les War Records, comme on les appelle, ne sont pas à Maurice, mais en Angleterre. Cela doit être traité de gouvernement à gouvernement. Les Archives nationales ne sont que la gardienne des documents. Kan nou gagné nou pran. Il y a des sujets sensibles que nous ne pouvons pas traiter à notre niveau.

Y a-t-il des documents qui sont sous embargo aux Archives nationales?
Il n’y a aucun document sous embargo. Mais il y a des archives qu’il faut restaurer. C’est un processus continu. C’est dans ce cas-là qu’on va vous dire qu’un document n’est pas disponible.