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Identité sexuelle différente: la société toujours cruelle envers les LGBT

29 mai 2016, 14:30

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Identité sexuelle différente: la société toujours cruelle envers les LGBT

 

«La tolérance sociale envers les LGBT, c’est au cas par cas. J’ai perdu une amie de 20 ans la semaine dernière. Elle s’est pendue parce que ses parents n’acceptaient pas son homosexualité. Et l’an dernier, j’ai aussi eu une amie qui s’est suicidée pour les mêmes raisons», raconte Jennifer avec tristesse. Si aujourd’hui ses relations avec sa mère adoptive ont repris et que cette dernière l’a acceptée telle qu’elle est, de même que sa compagne de 20 ans, pendant deux ans, elles ne se sont pas adressé la parole.

C’est à l’âge de 14 ans que Jennifer fait deux découvertes. D’abord qu’elle a été adoptée. C’est écrit noir sur blanc sur son extrait de naissance. Elle se souvient vaguement qu’à l’âge de huit ans, sa mère l’a emmenée voir une femme très affaiblie par la maladie qui n’a pas manqué de la complimenter sur sa beauté et sur le fait qu’elle avait grandi. Ensuite, elle découvre sa séropositivité, héritée de sa mère biologique, qui, apprendra-t-elle par la suite, a été prostituée.

Un péché

Malgré cela, elle grandit entourée de deux sœurs et de deux frères adoptifs, qui la traitent en égale. Sa mère adoptive est très pieuse. Si bien qu’elle a du mal à lui confier qu’elle a essayé d’avoir un petit ami mais qu’elle n’est attirée que par les filles. Un jour, Jennifer prend son courage à deux mains et lui demande ce qu’est le lesbianisme. L’adolescente s’entend répondre qu’il s’agit d’un péché, voire d’un phénomène de mode, qui peut se corriger par la volonté. Jennifer ravale ses confidences.

À 17 ans, elle se sent très attirée envers son enseignante de leçons particulières. Elle lui pose les mêmes questions qu’à sa mère et elles en discutent. Elle apprend que l’enseignante est bisexuelle et qu’elle est fiancée. Jennifer lui avoue son attirance grandissante lorsqu’elle apprend que les fiançailles sont rompues. Le sentiment étant partagé, l’adolescente entame alors une relation avec cette femme de neuf ans son aînée.

Ce qu’elle ne sait pas, c’est que sa mère, qui a des doutes sur son identité sexuelle et sur la nature de sa relation avec l’enseignante, épie ses faits et gestes. Elle lui fait consulter deux psychologues. Celles-ci font comprendre à l’adulte que le lesbianisme n’est pas une maladie. «Mama inn dir zot ki zot inn vinn dan mo koté.» Au final, Jennifer n’a plus le droit d’aller prendre des leçons et doit regagner la maison directement après l’école.

«Kan to ena to fami de to kote, to ena tou.»

L’adolescente se plie de bonne grâce à ces ordres pour bien montrer à sa mère qu’elle ne fait somme toute rien de mal. Leurs relations retournent au beau fixe. Mais deux jours avant sa majorité, Jennifer va voir l’enseignante qui s’apprête à émigrer. À son retour à la maison, elle apprend que sa mère a porté plainte contre celle-ci au poste de police et elle doit aller s’expliquer. Jennifer réalise alors que sa mère l’a fait suivre par un détective privé qui a pris des tas de photos d’elle et de l’enseignante, que l’adulte a fait pirater sa messagerie de réseau social pour lire ses échanges et a même téléphoné à l’enseignante pour lui dire son fait. «Jamais je n’aurais imaginé que ma mère irait jusqu’à de telles extrémités

Les policiers sont du même avis que les psychologues. Si bien que le lendemain, sa mère lui pose un ultimatum : si elle reste sous son toit, elle doit changer de comportement. C’est la mort dans l’âme que Jennifer quitte la maison le jour de ses 18 ans. Lorsqu’elle l’annonce à sa mère, celle-ci lui dit de la considérer comme morte. Jennifer accuse le coup, souffre dans sa chair mais ne recule pas. Avec ses quelques économies, elle loue un appartement.

Du jour au lendemain, Jennifer devient la pestiférée de la famille. Plus personne ne lui adresse la parole. Elle continue à aller rendre visite à sa mère à chaque fête de Noël mais celleci l’ignore royalement. Une de ses sœurs finit par s’amadouer, surtout lorsqu’elle apprend que Jennifer et la fille avec qui elle vit, n’ont nulle part où aller. La sœur accepte de les héberger. C’est aussi sa sœur qui finit par convaincre leur mère que Jennifer mène une vie rangée entre son travail et sa compagne et qu’elle est sérieuse.

Mère et fille recommencent à se parler et l’aînée accepte même de rencontrer la copine de sa fille. Aujourd’hui, l’acceptation de l’identité sexuelle de Jennifer est totale. Seul un frère de qui elle était très proche, lui tourne encore le dos.

Les lesbiennes, dit Jennifer, subissent toujours les quolibets. «Lorsqu’une de nous est habillée de façon plus masculine et que nous nous rendons quelque part, en chemin, il y aura toujours quelqu’un qui se croit malin pour dire : ‘éta, to lesbienne  twa ?’ Je me contente de oui, kriyé li pli for !»  Et d’ajouter : «Lorsque nous sommes un groupe de lesbiennes et que nous allons en boîte de nuit, nous sommes épiées comme des bêtes curieuses. On peut alors  entendre : ‘Get sa groupe lesbiennes là.’ Enn tifi inn deza dir moi ki li pa pou camarad ar moi parski mo lesbienne ! Mais ce sont les transsexuels qui sont les plus à plaindre car raillés et même agressés parfois. On ne leur laisse aucune chance

Jennifer participera pour la troisième fois à la Gay Parade, le  4 juin. «Participer à cette marche, c’est dire aux autres que nous sommes des gens aussi normaux qu’eux. Il faut marteler ce message. Aux parents qui ne comprennent pas cela, j’ai envie de leur dire que nous n’avons pas choisi notre identité. Autant c’est dur pour eux de l’accepter, autant c’est dur pour nous de l’admettre au départ car nous sommes socialement conditionnés. J’ai eu du mal à m’accepter différente. Kan to éna to fami dé to koté, to éna tou. Ed nou epanwi ek donn la kominoté LGBT enn lot visaz…»