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Robin Appaya: «Je gagnais trois fois plus dans le privé»

24 mai 2016, 18:55

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Robin Appaya: «Je gagnais trois fois plus dans le privé»

 

Avez-vous digéré les attaques du député Reza Uteem, mardi le 17 mai au Parlement ?

Non. Je suis un avocat. Je fais mon travail d’après ce qu’exige ma profession et je laisse la politique à monsieur Reza Uteem.

Quelle sont vos relations avec le député mauve ?

Lui, il est avocat politicien et moi avocat. J’ai de très bonnes relations professionnelles avec lui.

Il met en cause votre recrutement et vos qualifications.

Le ministre (NdlR : Showkutally Soodhun, vice-Premier ministre et ministre du Logement et des terres) l’a dit : je suis un avocat qui pratique à Maurice. J’ai prêté serment en Angleterre et je détiens une maîtrise en gestion. Je ne crois pas qu’auparavant, on prenait des conseillers aussi qualifiés que ça. Cette année, cela fait cinq ans que je suis avocat.

Avez-vous été recruté parce que vous étiez le «Campaign Manager» de la circonscription n°1, Port-Louis Ouest–Grande-Rivière-Nord-Ouest, lors des dernières législatives ?

Non. C’est parce que je suis un avocat. On avait besoin de quelqu’un dans le giron légal. Contrairement à ce qui se faisait auparavant, les chômeurs devenant des «advisers». Moi je n’étais pas chômeur. Je gagnais deux à trois fois plus dans le privé.  

Mais vous saviez qu’il y aurait une récompense plus loin ?

Non. Pour moi, ce n’est pas une récompense. Je gagne trois fois plus dans le privé. Au contraire, pour moi, c’est un sacrifice. J’ai fait des sacrifices par rapport à ce que je gagnais dans le privé. D’ailleurs, je ne sais même pas combien de temps je vais rester.

Est-ce que le fait d’être marié à la nièce de la Speaker Maya Hanoomanjee ouvre les portes du succès ?

J’ai des cousins germains au sein du MMM et du PTr. Mon succès est basé sur mes compétences.

À entendre Showkutally Soodhun, vous êtes “the right man at the right place.”

Oui. Il (NdlR : Showkutally Soodhun) sait les efforts que je fournis pour qu’on puisse avoir un bon système de travail avec les officiers. Il sait que je ne suis pas assez rémunéré pour mes efforts. D’ailleurs, c’est lui qui m’encourage à rester. Je ne fais pas de la politique. Il me défend parce qu’il connaît la somme de mon travail, pour le peu d’argent que je gagne.

N’est-ce pas frustrant, dans ce cas ?

Non, c’est un challenge pour moi. C’est une expérience enrichissante mais je ne me vois pas le faire durant toute ma carrière. Pour les avocats comme moi, qui travaillent dans l’offshore, notre salaire est beaucoup plus que ce que je gagne ici. On ne pouvait pas employer un conseil juridique chômeur parce qu’on n’aurait pas eu de compétences. Là, c’est quelque chose de spécifique, de très spécialisé.

Le SLO (NdlR : State Law Office) reste le conseil juridique principal du gouvernement. Mais il y a des décisions à la minute qui demandent l’implication d’éléments de conseils légaux. Si on ne les traite pas bien, on tombe dans l’illégalité. Jusqu’à présent, tout s’est bien passé. Le pays sort gagnant dans la récupération des arriérés et dans le développement des terrains.

Selon Soodhun, depuis que vous assumez les fonctions de conseil légal, vous avez contribué à faire récupérer 400 hectares de terres de l’État. C’est un bilan satisfaisant selon vous ?

Il ne l’a pas dit, mais c’est dans un laps de temps très court qu’on a récupéré ces terrains. Même pas deux mois. On a travaillé jusqu’à fort tard pour voir les conditions des baux qui ne sont pas respectées. On a même pris l’avis du SLO. Sans compter la quantité d’argent qu’on a récupéré, soit plus de Rs 400 millions. Des agents politiques ont eu des terrains, les revendant pour des centaines de millions de roupies et l’argent disparaît dans la nature. Cette pratique a cessé. Bien sûr que si on travaille comme ça, on va déranger certaines personnes.

Donc, votre allocation mensuelle de Rs 95 000 et une indemnité de déplacement de Rs 10 200 ne sont pas suffisantes ?

Ce n’est pas assez. C’est dérisoire pour ce que je suis en train de faire. À tous ceux qui disent que je suis grassement payé, je réponds que je gagnais deux à trois fois plus dans le privé. Avec un salaire comme ça, on ne va pas attirer les compétences. Le ministre m’a encouragé à rester encore une année.

Un an après, combien d’hectares vous reste-t-il à récupérer ?

On a tout récupéré pour le moment. Mais si les gens ne respectent pas les conditions de leur bail, en temps et lieu on va reprendre leur terrain. Nous allons reprendre ces terrains sans aucune compensation s’il n’y a aucun développement.

La majorité des terres «arrachées» étaient à des proches de l’ancien gouvernement…

Ce sont des gens qui ont spéculé et revendu ces terrains à des investisseurs. S’ils sont proches de l’ancien régime, c’est peut-être une coïncidence. Je ne connais pas leur nom. Dans la plupart de cas, c’est au nom de compagnies. Je me concentre sur le bail et les documents, pas sur les liens politiques.

Quid des dossiers sur les proches de l’actuel gouvernement ?

Je traite beaucoup de dossiers. Il se peut qu’il y ait des proches du gouvernement.

Y a-t-il un proche de ce gouvernement dont les terres ont été reprises ?

Je ne sais pas. Aujourd’hui tout le monde se dit proche.

Elles sont où, ces terres que Soodhun veut offrir en cadeau aux Saoudiens ?

À ma connaissance, il n’y a pas de terres qui vont être offertes aux Saoudiens. Si les investisseurs saoudiens sont intéressés, ils doivent faire une demande comme tout le monde. Et leurs noms seront publiés sur le site du ministère.

Pour reprendre les mots de Reza Uteem, êtes-vous en train de “have a free ride at the expense of taxpayers’ money ?’’ 

Jamais. Pour la somme de travail que j’abats, je le répète, je n’ai pas le salaire qu’il faut. Comment je peux avoir un «free ride at the expense of taxpayers’ money» ? C’est de la mauvaise foi.

Au final, ce n’était pas mieux de continuer à exercer en tant qu’avocat ?

Oui. Si c’est pour le côté pécuniaire. Au moins on aurait dû me remercier pour le travail abattu.