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Jeunes au chômage: et vogue la galère

22 mai 2016, 20:30

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Jeunes au chômage: et vogue la galère

 

Ils ont quitté l’université, avec leur diplôme en poche. Ils étaient remplis d’espoir, de bonne volonté et avaient des rêves plein la tête. Certains voulaient même changer le monde, grâce à leurs connaissances fraîchement acquises. Mais ces jeunes ont bien vite déchanté. Pour beaucoup, les portes du monde du travail sont restées obstinément fermées…

Parmi ceux qui se sont heurtés à cet obstacle : Pravin Singh, 25 ans. Diplômé en sciences politiques, cela fait trois ans qu’il est au chômage. Il a pourtant postulé pour de nombreux emplois. «J’ai répondu à plusieurs annonces. Administrateur, second secretary, officier au sein de la MRA, j’étais prêt à tout faire. Mes qualifications correspondaient aux critères requis mais la moitié de mes sollicitations est restée sans réponse», déplore cet habitant de Triolet.

Quand à l’autre moitié, elle a bien reçu des échos. Le jeune homme a ainsi été invité à passer d’innombrables examens d’entrée. «J’y retrouvais souvent de nombreux camarades de ma promo. Nous avions l’impression d’être de retour à l’université !» ironise Pravin. Hormis le problème de backing, où l’absence de backing, c’est selon, il est d’avis qu’il est également victime d’un délit de faciès. «Mon look hippie doit jouer contre moi.» Sa barbe et sa coupe de cheveux lui ont même valu quelques blagues de mauvais goût, faites par des fonctionnaires au sein de certains ministères, alors qu’il patientait pour passer un entretien. «Une employée m’a même demandé si j’étais un homme religieux…»

Mais ce n’est pas ça le moins drôle. Il y a certaines questions, posées par des curieux, qui l’irritent particulièrement. «Les premières choses que tout le  monde veut savoir, c’est si vous êtes marié et où vous travaillez. Aux yeux de la société, un jeune qui ne travaille pas est tout simplement  un paresseux.»

En désespoir de cause, Pravin envisage de se lancer dans l’agriculture.

«Plaign enn kout»

Les frustrations sont les mêmes du côté de Tania Soobraydoo. Elle n’en peut plus, dit-elle, d’être «harcelée» par des gens qui lui demandent où elle travaille, alors qu’elle a toutes les peines du monde à trouver un emploi ! Ce qui la chagrine aussi, c’est que malgré tous les efforts qu’elle a fournis, elle se retrouve dans une situation où elle doit encore, à 26 ans, dépendre de ses proches financièrement.

Cela fait pourtant quatre années déjà que la jeune femme, qui habite Terre- Rouge, a obtenu son diplôme en psychologie. «J’ai travaillé pour une ONG pendant un an, mais après, je n’ai pas renouvelé le contrat. Je cherche vraiment un travail où je mettrai en pratique ce que j’ai appris», explique-telle. Si elle a choisi cette filière, ce n’est pas pour rester assise derrière un bureau. «Est-ce mal de vouloir le meilleur pour soi-même? D’aspirer à un job décent et intéressant ?»

Les annonces concernant les offres d’emploi, elle en rêverait presque la nuit, pour en avoir répondu à des dizaines et des dizaines. Mais en vain. «Il y a même des personnes qui m’ont conseillée d’aller solliciter l’aide du député de ma circonscription, de plaign enn kout, et d’évoquer le décès de mon père pour qu’il ait pitié de moi !» Mais Tania refuse de s’abaisser à un tel niveau. Son plan B : se tourner vers le professorat, comme la plupart de ses camarades, qui l’on fait en désespoir de cause.

Tout comme Pravin et Tania, Sahilesh Dhuwol n’a pas non plus chômé durant les années où il était étudiant. Après avoir décroché son diplôme en administration des affaires, il a enchaîné avec un BA en ressources humaines; il était même le meilleur étudiant de sa promo. Plusieurs années d’études pour se retrouver sans emploi… Et Sahilesh en est persuadé : il y a un problème au niveau du système. «J’ai dépensé plusieurs milliers de roupies pour mes études, et aujourd’hui, je ne peux même pas les récupérer…»

«Le serpent qui se mord la queue»

Des CV et des lettres de motivation, il en a envoyé un paquet. «Je me suis même résigné à postuler pour des jobs où l’on ne demandait qu’un HSC. Mais même là, ma candidature a été rejetée ! La définition de la méritocratie est bizarre par ici», lâche-t-il, dépité.

Et puis, il y a la sempiternelle phrase qui tue. «On n’a jamais travaillé mais tous les employeurs cherchent des gens avec de l’expérience. C’est le serpent qui se mord la queue. Ils ne sont pas nombreux à vouloir donner leur chance à des débutants.»

Cela fait maintenant deux ans que Sahilesh prend son mal en patience. Son inquiétude grandit encore quand il entend parler d’entreprises qui mettent la clé sous le paillasson et de licenciements. De quoi alimenter ses cauchemars..

Des idées noires, Arshaad Phoolchand, 27 ans, en a aussi. Pour ce père d’un enfant en bas âge, la situation est intenable. Après avoir complété le HSC en 2006, Arshaad a enchaîné les formations, health & safety, fire fighting et bien d’autres encore. À tel point que les certificats, il les collectionne. Il en a une dizaine au total.

«Papa ne travaille pas»

Et rien qu’en janvier 2016, il a postulé pour pas moins de 24 jobs. Mais il n’a eu aucun retour. «Je suis réaliste. Je choisis méticuleusement les emplois pour lesquels les critères requis correspondent à mes qualifications. Mais je ne vois rien venir !»

Le plus dur dans tout ça, c’est que sa famille en souffre. La pression constante engendre des disputes avec sa femme. Mais le pire, c’est lorsqu’il entend son fils dire à ses petits camarades que son papa ne travaille pas et qu’il n’a pas les moyens de lui acheter des gâteaux….

Pour couronner le tout, il faut quand même dépenser de l’argent si l’on veut postuler pour un emploi, rappelle Arshaad. «Il faut acheter les journaux, affranchir les lettres recommandées. Et si on est appelé pour un entretien, il faut prévoir l’argent du transport, notamment.»

De quoi saper le moral des plus tenaces. Surtout quand le désespoir gagne aussi les parents des chômeurs. «Après tout ce qu’ils ont fait pendant des années, voir la tristesse dans leurs yeux, c’est atterrant. En plus, c’est vers eux qu’on se tourne pour une aide financière.»

Pour lui, ce genre de situation est propice à la dépression et autres maux. «Je ne sais pas pourquoi il y a autant de chômeurs. Moi par exemple, j’ai trois ans d’expérience dans les ressources humaines. Je me demande ce que recherchent vraiment les employeurs.»

Une question que la plupart des quelque 46 000 chômeurs – jeunes et moins jeunes – se posent…