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Philippines: un maire met à prix la tête des criminels

20 mai 2016, 16:03

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Philippines: un maire met à prix la tête des criminels

 

Le nouveau maire d’une grande ville des Philippines a annoncé vendredi qu’il proposerait une prime aux policiers qui tueraient les criminels, ce qui fait craindre aux défenseurs des droits de l’Homme des assassinats extrajudiciaires sous le règne du président élu Rodrigo Duterte.

Tomas Osmena, qui prendra ses fonctions le 30 juin comme premier magistrat de Cebu, grande ville du centre de l’archipel, a déclaré qu’il offrirait 50.000 pesos (950 euros) à tout policier pour tout meurtre de criminel et 5.000 pesos pour chaque criminel blessé.

«Si vous abattez un criminel dans l’exercice de vos fonctions (vous serez récompensés), aucune question ne sera posée. Je suis là pour aider la police, pas pour la poursuivre», a déclaré M. Osmena à l’AFP par téléphone.

«C’est mon but: faire peur aux criminels. S’ils veulent commettre des crimes, ils seront en guerre avec moi. Je ferai en sorte qu’il y ait des victimes».

Comme on lui demandait si le fait d’offrir des primes n’était pas de nature à encourager les lynchages, il a répondu: «je ne vais pas réprimer les justiciers».

Ces déclarations semblent aller dans le droit fil de la campagne controversée et sécuritaire de Rodrigo Duterte, qui lui a permis de remporter le 9 mai une victoire écrasante à la présidentielle.

Il a promis d’éradiquer la criminalité en six mois en donnant carte blanche aux forces de sécurité pour tirer pour tuer.

Il a affirmé que 100.000 personnes seraient tuées durant cette campagne de répression et que tant de cadavres seraient jetés dans la baie de Manille que les poissons allaient engraisser.

M. Duterte a annoncé le rétablissement de la peine de mort et promis de faire table rase des droits de l’Homme.

M. Osmena a expliqué, quand on lui demandait s’il suivait l’exemple du président élu, qu’il n’était «pas encouragé» par ce dernier. «Mais je crois qu’il mène la bonne politique».

Le futur maire a déjà octroyé 20.000 pesos de récompense cette semaine à un policier de Cebu qui a blessé deux voleurs lors d’échanges de tirs, selon un porte-parole de la police de la ville.

Un porte-parole de M. Duterte, Salvador Panelo, a démenti que le nouveau président ait encouragé les primes ou les assassinats extrajudiciaires.

«Peut-être que le maire Osmena plaisante simplement, avec un nouveau gadget pour se rendre populaire. Chacun fait ce qu’il veut».

Rodrigo Duterte est accusé d’avoir mis en place à Davao, la grande ville du sud où il est maire de longue date, des escadrons de la mort soupçonnés d’avoir tué plus de 1.000 personnes.

Pour les défenseurs des droits de l’Homme, il semble que leurs craintes soient en train devenir réalité: les autorités locales sont encouragées à faire fi de l’Etat de droit.

«Le maire et désormais président élu Duterte encourage d’autres responsables locaux à étudier des mesures extraordinaires», a dit à l’AFP Chito Gascon, chef de la commission gouvernementale des droits de l’Homme.

Il en veut pour preuve un autre cas, celui du maire d’une ville proche de Manille qui a forcé cette semaine sept suspects, dont trois enfants, à marcher dans les rues avec des pancartes proclamant: «je suis un dealer, ne me suivez pas».

Le directeur adjoint de Human Rights Watch pour l’Asie, Phelim Kline, s’est également dit préoccupé par la campagne outrancière de Duterte.

«Cette rhétorique accrédite de manière dangereuse une perception répandue aux Philippines, que seuls des approches de +durs+ peuvent remédier au problème de la criminalité.