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Les sénateurs brésiliens se préparent à écarter Dilma Rousseff du pouvoir

10 mai 2016, 21:04

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Les sénateurs brésiliens se préparent à écarter Dilma Rousseff du pouvoir

 

Le Sénat brésilien a repris en main mardi la procédure de destitution de la présidente Dilma Rousseff qui pourrait être écartée provisoirement du pouvoir dès mercredi, au lendemain d’une journée de chaos institutionnel à rebondissements.

Des manifestations de soutien à la présidente Rousseff ont été organisées dans 15 Etats et dans le District fédéral (capitale Brasilia). Dans la matinée, des militants du mouvement des Sans Terre ont bloqué des routes avec des pneus enflammés.

Les 81 sénateurs brésiliens se réuniront mercredi à partir de 09H00 (12H00 GMT) en séance plénière pour décider par un vote à la majorité simple l’ouverture formelle d’un procès en destitution de l’impopulaire dirigeante de gauche pour maquillage des comptes publics.

L’issue du vote ne fait pratiquement plus aucun doute: une cinquantaine de sénateurs sur 81 ont anticipé un vote défavorable à Mme Rousseff, 68 ans, première femme élue à la tête du plus grand pays d’Amérique latine.

Cette ancienne guerillera torturée sous la dictature serait alors automatiquement écartée du pouvoir pour au maximum six mois, dans l’attente du jugement final des sénateurs.

Selon toute vraisemblance, elle sera donc substituée d’ici la fin de la semaine par son ancien allié devenu rival, le vice-président Michel Temer, 75 ans, dirigeant du grand parti centriste PMDB qui a claqué fin mars la porte de la coalition au pouvoir.

M. Temer peaufine en coulisses la formation d’un gouvernement de redressement économique attendu avec impatience par les marchés, avec à la clé un programme de mesures impopulaires: coupes budgétaires, réformes du régime des retraites, du droit du travail.

Lors de la session de mercredi, chaque sénateur disposera d’un temps de parole de 15 minutes s’il le souhaite. La séance pourrait donc durer une vingtaine d’heures et le vote intervenir dans la nuit.

Mais le président du Sénat Renan Calheiros, a indiqué qu’il souhaitait boucler la séance dès mercredi.

«Surprise grotesque»

Lundi, M. Calheiros est passé outre la décision «intempestive» du président intérimaire du Congrès des députés, Waldir Maranhao, qui avait annulé à la surprise générale le vote des députés ayant approuvé le 17 avril le renvoi au Sénat de la procédure de destitution Mme Rousseff.

Accédant à un recours de l’avocat de Mme Rousseff, M. Maranhao alléguait que le vote de l’assemblée plénière des députés constituait un «pré-jugement» de la présidente et «portait atteinte à sa pleine défense».

Sa décision avait plongé Brasilia dans le plus totale confusion. En fin de soirée, M. Maranhao, pressé de toutes parts, avait annulé sa propre annulation de la procédure d’impeachment sans plus d’explications...

L’initiative du député Maranhao a déchaîné les éditorialistes: «Surprise grotesque» (Folha de S.Paulo) ; «Acte irresponsable à la hauteur du bas clergé» du parlement (O Globo); «Il ne manquait plus que celle là» (Estado de S.Paulo).

A Brasilia, les autorités ont érigé devant le Sénat un mur de panneaux métalliques pour séparer mercredi les manifestants pro et anti-impeachment et éviter d’éventuels affrontements, comme lors du vote des députés qui s’était déroulé sans incidents.

L’opposition accuse Mme Rousseff d’avoir dissimulé l’ampleur des déficits publics en 2014, année de sa réélection, et en 2015, en faisant supporter provisoirement aux banques publiques des dépenses incombant au gouvernement.

Elle lui reproche également d’avoir signé en 2015 des décrets engageant des dépenses non-inscrites au budget sans demander l’aval préalable du parlement.

Mme Rousseff nie avoir commis un quelconque «crime de responsabilité», alléguant que ces tours de passe-passe budgétaires ont été utilisés par tous ces prédécesseurs.

«Coup d’Etat parlementaire»

Elle se dit victime d’un «coup d’Etat parlementaire» sans base légale et répéte qu’elle n’a aucune intention de démissionner.

Environ 60% des Brésiliens souhaitent le départ de Mme Rousseff, selon les derniers sondages. Ils sont à peu près aussi nombreux à vouloir celui de l’impopulaire Michel Temer, crédité d’à peine 1 à 2% d’intentions de votes en cas de présidentielle, et à souhaiter des élections anticipées.

Le géant emergent d’Amérique latine est englué depuis 2015 dans la pire récession économique depuis des décennies, sur fond d’envolée de la dette, des déficits publics et du chômage.

Le gouvernement du Parti des travailleurs (PT, gauche), au pouvoir depuis 2003, est en outre éclaboussé de plein fouet par le gigantesque scandale de corruption autour du groupe public pétrolier Petrobras.

Pratiquement toute l’élite politique brésilienne est rattrapée par l’enquête, de l’ex-président Lula, mentor politique de Mme Rousseff, au chef de l’opposition Aecio Neves (centre-droit) en passant par le PMDB du vice-président Temer.