Publicité

Prêtres pédophiles: l’Eglise a-t-elle eu le pardon trop facile?

8 mai 2016, 12:05

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Prêtres pédophiles: l’Eglise a-t-elle eu le pardon trop facile?

 

Dans les affaires de pédophilie qui minent l’Eglise de France, des évêques ont-ils péché par excès de confiance en des prêtres qu’ils ont maintenus en fonction? Ce souci de réinsertion interroge, y compris dans les rangs catholiques.

Par le passé, des prêtres dans plusieurs diocèses (Lyon, Bayonne, Toulouse) se sont vu redonner de nouvelles missions ou ont été confirmés dans leur ministère, alors qu’ils avaient commis et reconnu des abus sexuels - parfois anciens - sur des enfants ou des jeunes.

Des responsabilités sans contact direct avec des mineurs, conformes aux décisions de justice quand elles existaient, et sous contrôle strict, ont assuré certains des évêques concernés. Mais, par exemple, une charge de curé, comme en Haute-Garonne, un poste d’adjoint au directeur diocésain de l’enseignement catholique, dans les Pyrénées-Atlantiques, sont-ils adaptés à des personnes qui ont été impliquées dans des affaires de ce type?

Des prêtres émettent des avis tranchés sur ces questions qui empoisonnent la vie de leur Eglise depuis les premières révélations visant à Lyon le cardinal Philippe Barbarin, mis en cause pour non dénonciation.

«Ne dites pas que c’est une affaire de pardon: c’est une affaire de responsabilité. Lorsque le dommage est irréparable, il ne peut plus y avoir retour à l’activité», a lancé à ses paroissiens, fin avril, le père Christian Lancrey-Javal, curé de la paroisse Notre-Dame-de-Compassion à Paris.

Pour l’abbé blogueur Pierre-Hervé Grosjean, «les évêques sont partagés entre le souci de ne pas laisser tomber un prêtre qui s’est engagé et leur a été confié, et la prise de conscience que certains actes sont disqualifiants pour toujours». «Moi je pense qu’un prêtre qui a utilisé son sacerdoce, sa paternité spirituelle, pour abuser, est disqualifié», confie-t-il à l’AFP.

Certes, souligne l’essayiste catholique Jean-Pierre Denis, «dans le christianisme, le pardon est essentiel». «Mais dans le gouvernement de l’Eglise, il n’est pas tout. Comptent aussi la responsabilité vis-à-vis des parents et des enfants qui sont confiés, la charité vis-à-vis des victimes et la crédibilité de l’Eglise, sans laquelle aucune évangélisation n’est plus possible», explique ce journaliste «en colère».

- 'Brebis galeuses' -

«En bricolant, en donnant une deuxième chance, en voulant s’arranger avec quelques brebis galeuses, on est arrivé à une situation où, au fond, tout prêtre devient un suspect», s’irrite-t-il.

Or les affaires de pédophilie concernent entre 0,7% et 1,5% des prêtres dans le monde, selon les statistiques disponibles. En France, une enquête de la Conférence des évêques (CEF) avait fait état, en 2010, de 51 prêtres mis en examen pour des faits de pédophilie, neuf en prison et 45 ayant purgé leur peine, sur un total de 18.000 prêtres - ils sont environ 15.000 aujourd’hui.

Pour le porte-parole des évêques de France, Mgr Olivier Ribadeau Dumas, «la question est de savoir comment la réinsertion peut se faire sans qu’il y ait danger pour les victimes». Faut-il réduire certains prêtres fautifs à l’état laïc? «C’est une des solutions», estime-t-il, mais «si renvoyer de l’état clérical c’est permettre à un prédateur de continuer à agir, ce n’est certainement pas ce qu’il convient de faire. Et cela n’épuise pas la responsabilité de l’évêque».

«C’est en raison de la complexité de cette question que la CEF a institué la commission présidée par Alain Christnacht», fait valoir le secrétaire général de l’épiscopat.

L’ex-directeur de cabinet de Christiane Taubira au ministère de la Justice s’est vu confier en avril la présidence d’une «commission nationale d’expertise indépendante» que pourront saisir les évêques désireux de mieux gérer le parcours de prêtres mêlés à des dossiers d’abus sexuels.

«L’analyse chrétienne sur la force de la repentance n’est pas antipathique, elle a une part de vérité. Mais elle ne doit surtout pas être le seul déterminant face à des tendances lourdes, des pulsions difficiles à contrecarrer pour la personne», explique à l’AFP Alain Christnacht. Son instance, assure-t-il, abordera les dossiers en cherchant à être «aussi objectif que possible», et en construisant une «jurisprudence» pour tendre vers le «risque zéro» de récidive. Sans tarder, laisse-t-il entendre.