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Vient de paraître: Jean Lindsay Dhookit, cette brûlante envie de mentir

3 mai 2016, 09:30

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Vient de paraître: Jean Lindsay Dhookit, cette brûlante envie de mentir

Un ministre dont le nom n’est jamais cité. Un personnage aussi immonde, aussi bouffi d’orgueil et de mépris, mérite-t-il que l’histoire retienne son nom? Il est l’incarnation de tout ce qu’il y a de détestable chez le politicien. Surtout ceux de la race des «politichiens»: ivrogne, coureur, corrompu, menteur, etc.

L’intrigue de Cette brûlante envie de servir repose sur de gros clins d’œil à l’actualité. La pièce de Jean Lindsay Dhookit, qui lui a valu le prix Jean-Fanchette 2015, ex aequo, a été lancée lundi dernier.

Une pièce qui part avec un a priori positif. Comment peut-il en être autrement quand la qualité littéraire du texte a été signalée par Jean Marie Le Clézio, prix Nobel de littérature et président du jury du prix de la municipalité de Beau-Bassin-Rose-Hill?

Est-ce que Cette brûlante envie de servir est à la hauteur des espérances? Tant pis pour les amateurs de scènes d’action. Nous sommes dans l’espace restreint d’un paquebot. Le naufrage n’est pas celui du bateau, mais bien celui des personnages. Ils ne sont qu’au nombre de quatre: un ministre, Brinda son épouse, Alfred son conseiller obséquieux, qui se lâche sporadiquement, trahissant ce qu’il pense vraiment, et le ministre des Affaires culturelles.

La force de la pièce réside dans les dialogues qui révèlent les très nombreux travers de ce ministre qui «recommanderait bien (…) le grand musclé (…) qui a saccagé le quartier général des (…) adversaires pour un GOSK (Grand Officer of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean)». Ce ministre a tellement de défauts que c’en est presque trop pour un seul homme. Quand il se défoule, disant du mal de tous ceux qui l’entourent, le lecteur se défoule en pensant tout le mal possible des hommes politiques de son espèce.

TROUBLANTE CARICATURE

Une caricature qui rappelle de façon troublante des épisodes réels. «Collègues, tu dis? Mon œil! Tout le temps en train de comploter derrière votre dos, c’est ça leur principale préoccupation.» Plusieurs répliques plus loin: «Deviens un député emmerdant. Oui, emmerde-les sans répit avec tes questions afin de braquer l’attention sur toi, et tôt ou tard, tu finiras bien par être ministre.» Ou encore: «Je suis le ministre qui passe le plus à la télévision.»

Jouant l'effet miroir, un autre ministre entre en scène: celui de la Culture. Étant en bas de la hiérarchie ministérielle signifie qu’il hérite d’une cabine près de la chaudière du paquebot. Avec mépris, son collègue lance: «Qu’il est marrant, ce mec! Il se plaint qu’on le tient à l’écart des affaires importantes, qu’on le traite avec froideur…et maintenant il ose se plaindre de la chaleur!»

Si la pièce est construite sur des dialogues soignés, paradoxalement, le facteur déclencheur de l’intrigue est un cataclysme. «Insensé tout ça! Comment diantre nos volcans se sont réveillés? Et tous en même temps! Trou-aux-Cerfs, Trou Kanaka, Bassin-Blanc.» Tant pis pour le «diantre» d’une autre époque. Il rajoute au pédantisme du conseiller.

Rama Poonoosamy, directeur de l’agence Immedia, annonce que la pièce sera montée en février, en collaboration avec l’Institut français. Au nom de l’effet de surprise, il a omis de dire qui en sera le metteur en scène.