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Mort aux criminels! Un slogan de campagne qui fait mouche aux Philippines

16 mars 2016, 12:04

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Mort aux criminels! Un slogan de campagne qui fait mouche aux Philippines

Rodrigo Duterte insulte la mère du pape et plaisante sur ses infidélités amoureuses, mais de nombreux Philippins veulent quand même l'élire président afin qu'il puisse honorer sa promesse de tuer des milliers de criminels.

Maire de longue date de la ville méridionale de Davao, Duterte mène une campagne spectaculaire, émaillée de grossieretés, se présentant comme un combattant impitoyable prêt défier la justice pour lutter contre le crime.

«Tuez les tous, ces enculés!», lançait récemment cet avocat de 70 ans lors d'une réunion publique à Lingayen, localité du nord de l'archipel, alors qu'il exposait ses projets pour éliminer les trafiquants de drogue.

«Lorsque je serai président, je donnerai l'ordre aux policiers et aux militaires de traquer ces gens et de les abattre».

Duterte est coutumier de ce type de sorties. A Lingayen, il a également conseillé à son auditoire de se lancer dans les pompes funèbres en prévision de sa victoire en mai. Elles «vont être pleines à craquer», a-t-il promis, «je fournirai les corps».

L'avocat a promis de tuer 100.000 criminels et de jeter tant de cadavres dans la baie de Manille que «les poissons vont s'engraisser».

Courage politique

Les enquêtes d'opinion montrent que cette stratégie est payante dans un pays miné par la criminalité, la corruption rampante dans les services de sécurité et une immense pauvreté.

C'est l'un des quatre candidats qui a une vraie chance de succéder au président Benigno Aquino.

Sa popularité ne fait qu'augmenter. Il s'est hissé à la deuxième place des intentions de vote, selon un dernier sondage publié par Pulse Asia.

«Duterte est un vrai phénomène. J'aime ce qu'il raconte», dit à l'AFP Clarita Carlos, politologue à l'Université des Philippines.

«J'aime qu'il ait le feu au ventre et qu'il soit courageux politiquement», poursuit-elle.

Courage politique singulier qui l'a vu insulter le pape François, personnage révéré dans l'archipel où 80% des habitants sont catholiques.

En lançant sa campagne fin 2015, il avait qualifié le pape de «fils de pute» pour avoir provoqué des embouteillages en visitant le pays.

Le maire de Davao, de longue date en couple avec la même compagne après avoir obtenu l'annulation d'un premier mariage, avait aussi reconnu avoir deux maîtresses.

Il a toutefois assuré les contribuables que ses infidélités ne leur coûtaient pas un sou puisqu'il ne dépensait que 1.500 pesos (28 euros) mensuels pour les loger.

Pour Mme Carlos, les électeurs sont prêts à ignorer ses frasques au profit de son bilan : Davao, jadis minée par le crime, est devenu, assure-t-il, un havre de paix.

«Ce n'est pas grave s'il jure beaucoup, si c'est un homme à femmes. Je ne pense pas que cela aura des conséquences sur son efficacité politique», dit-elle.

Rodrigo Duterte vit frugalement, vêtu la plupart du temps d'un simple jean, contrairement à de nombreux hommes politiques corrompus qui se servent de leurs fonctions pour s'enrichir.

Escadrons de la mort ?

Les défenseurs des droits de l'Homme ne sont guère enthousiasmés par la perspective d'une présidence Duterte, faisant valoir que son bilan conforte sa rhétorique.

Ils l'accusent d'organiser ou de tolérer des brigades ciblant les criminels et enfants des rues à Davao, faisant plus de mille morts depuis les années 1980.

Pendant longtemps, l'intéressé a démenti l'existence d'escadrons de la mort, qui seraient constitués de policiers, d'anciens rebelles communistes et de tueurs à gages.

Mais depuis quelques mois, il a reconnu y avoir joué un rôle, ajoutant même que les défenseurs des droits avaient sous-évalué les victimes.