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Reza Uteem: «Roshi Bhadain fait du Ponzi institutionnalisé»

13 mars 2016, 10:30

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Reza Uteem: «Roshi Bhadain fait du Ponzi institutionnalisé»

Il tombe les lunettes de soleil, avale son steak-ratatouille en quatrième vitesse et commande un jus papaye-pomme «excellent pour la digestion». Sauf que le deputy leader des Mauves, Reza Uteem, a encore faim. Un dessert? Soodhun et Bhadain feront l’affaire, mais croqués tout cru. Interview carnivore.

Qui, au MMM, est chargé des affaires islamiques ?

(Rire) Ça n’existe pas. Il y a des chargés d’affaires mauriciennes (il appuie le mot), on voit plus large que M. Soodhun.

Cela vous choque qu’il revendique ce titre ?

Non, cela fait longtemps que je ne prends plus M. Soodhun au sérieux. Ce qui me choque, c’est sa déclaration d’il y a trois semaines, «je suis mauricien mais musulman avant tout». C’est quand même hallucinant que le nº 3 du gouvernement, vice-Premier ministre qui plus est, place le débat à un niveau aussi bas. M. Soodhun est un opportuniste notoire, personne n’a oublié qu’il est le seul député musulman à avoir voté pour l’abolition de la Muslim Personal Law. Aujourd’hui, il pourrait au moins faire l’effort de se souvenir qu’il est supposé être le ministre de tous les Mauriciens, et pas seulement d’une communauté.

Après le Saudi Bashing, le Soodhun Bashing ?

Entendons-nous bien, je n’ai rien contre l’Arabie saoudite, son gouvernement ou la famille royale. Ce qui me dérange c’est l’opacité autour du financement de Heritage City. Qu’on nous dise ce qu’il y a derrière ce deal, ce qu’apporte le gouvernement saoudien, ce qu’il reçoit en échange. Ne soyons pas dupes, il y a toujours des contreparties.

Le Premier ministre malaisien a reçu des sommes colossales pour assurer sa réélection (NdlR, 681 millions de dollars, soit Rs 24 milliards, Ryad s’inquiétant de la montée en Malaisie d’un parti inspiré des Frères musulmans). On sait la contribution du gouvernement saoudien dans les affaires des Comores, du Liban, en Syrie, en Palestine. Je ne serais pas étonné qu’il y ait, chez nous aussi, des contreparties financières. Que M. Soodhun jure un affidavit, qu’il s’engage à refuser toute donation de la famille royale, sur son compte personnel ou celui de son parti, et n’en parlons plus.

C’est de la suspicion fondée ou juste un procès d’intention mal intentionnée ?

Le track record de l’Arabie saoudite au niveau du financement de partis politiques n’est plus un secret pour personne.

Sous prétexte que les Saoudiens ont facilement recours au carnet de chèques, il faudrait cesser de commercer avec eux ?

Encore une fois, je n’ai aucun problème avec les investisseurs du Golfe. Maurice a besoin de capitaux étrangers et le gouvernement a raison de prospecter auprès de ceux qui ont de l’argent. Le problème, c’est l’absence de transparence. Un journal saoudien a écrit que M. Soodhun s’est engagé à offrir des pas géométriques. Là, ça fait tiquer (NdlR, l’intéressé a démenti en précisant qu’il ne s’agit pas de cadeaux mais de ‘terres disponibles pour des projets de développement’). Comme je tique quand j’apprends qu’Emirates fait pression auprès du gouvernement pour être protégé.

Que voulez-vous dire ?

Je soulèverai ce point au Parlement.

La rumeur sur le non-renouvellement des droits de trafic de Turkish Airlines ?

Seulement une rumeur, vous croyez ? Je connais le mode d’opération d’Emirates, ils sont prêts à tout pour tenir la concurrence à distance. Qu’il s’agisse de Qatar Airways, Etihad ou Turkish Airlines (il mime une gorge tranchée).

Revenons aux investissements saoudiens. Roshi Bhadain a une question pour vous: «Si pa all pran kass ek l’Arabie, kouma pou fer devlopman?»

C’est de la pure démagogie. On n’a pas d’argent pour construire des drains et subitement on trouve Rs 28 milliards pour les nouveaux bureaux du Premier ministre et du ministre Bhadain, avec vue sur Bollywood (NdlR, allusion aux studios de cinéma intégrés au projet). On se croirait au temps des pharaons! Plutôt que de construire des pyramides, M. Bhadain serait mieux inspiré de se préoccuper des besoins du peuple. Sans compter qu’il a une définition bien à lui de la transparence et de la bonne gouvernance. Pour acheter un générateur il faut faire un appel d’offres, mais pas pour un projet de grande envergure. À la rentrée parlementaire, on ne les lâchera pas là-dessus. On saura aussi les déplacements de tous les ministres.

C’est-à-dire ?

Prenez M. Soodhun qui se rend en Arabie saoudite tous les quatre matins. Très bien. Mais pour quel résultat et à quel titre? Pour monter une ambassade? C’est le rôle du ministre des Affaires étrangères, il me semble. Pour trouver de l’emploi aux Mauriciens? C’est le job du ministre du Travail. Pour organiser le hadj? C’est la mission de l’Islamic Cultural Centre. Je n’arrive toujours pas à saisir où se situe le ministre des Terres et du logement dans l’organigramme du gouvernement. Si encore il obtenait des résultats, je veux bien. Jusqu’à présent, le seul élément concret est une distribution de briyani lors d’un déjeuner à sa gloire au Domaine Les Pailles.

En parlant du Domaine Les Pailles, vous avez longtemps côtoyé M. Lutchmeenaraidoo… (il coupe)

J’ai beaucoup de respect et d’amitié pour Vishnu et je lui souhaite un prompt rétablissement. Cela dit, il incarne la plus grande déception de l’alliance gouvernementale. Après un an, il a admis son incapacité à tenir ses engagements. Il a pris du temps à réaliser qu’il était en déphasage avec son temps. Est-ce une surprise? Non. Prenez des stars de foot des années 1980 – des Kevin Keegan, des Kenny Dalglish – et faites-les jouer en Premier League, vous serez déçus. Il arrive un moment dans la vie où il faut savoir passer le relais… (on coupe)

Est-ce un message pour M. Bérenger ?

M. Bérenger, au moins, a eu la sagesse de remettre en jeu son leadership. On ne peut pas en dire autant de Navin Ramgoolam et Pravind Jugnauth, malgré leurs démêlés avec la justice. Pour en revenir à Vishnu, je sais qu’il a été très affecté par la décision de l’ICAC d’ouvrir une enquête sur Yihai (NdlR, le groupe chinois qui compte investir dans la smart city du Domaine Les Pailles). Il pense que M. Bhadain n’y est pas étranger. N’oublions pas que le Domaine Les Pailles est géré par la State Investment Corporation, qui elle-même est dirigée par la soeur de M. Lutchmeenaraidoo. On a touché à sa famille, il l’a pris comme une attaque frontale. Le Vishnu que j’ai connu au MMM aurait déjà soumis sa démission. Non seulement du cabinet mais aussi comme député.

Pensez-vous que c’est ce qu’il va faire ?

Ça ne me surprendrait pas. S’il ne peut plus travailler, il claquera la porte.

Et les victimes du Super Cash Back Gold (SCBG) qui renouvellent leur confiance dans le gouvernement, cela vous surprend?

(Il croise les bras) Ça m’attriste profondément. Je suis peiné pour ces familles qui sont menées en bateau depuis des mois. C’est abject de jouer comme ça avec la faiblesse des gens. Jusqu’à la semaine dernière, ils pensaient pouvoir récupérer une partie de leur argent le 30 juin. Finalement, M. Bhadain est venu nous expliquer que l’injonction obtenue par Laina Rawat-Burns remettait tout en cause. C’est de la malhonnêteté intellectuelle. La vérité, c’est que les caisses du National Property Fund sont vides. Il n’y a pas d’argent parce que gouvernement n’a pas été fichu de vendre les actifs de la BAI alors qu’il avait des offres. Des Sud-Africains ont mis plus de Rs 4 milliards sur la table pour racheter Britam Kenya mais ça ne s’est pas fait. L’hôpital Apollo ou Courts, là encore il y avait des offres.

Si elles n’ont pas abouti, c’est certainement qu’il y avait une bonne raison.

Cette raison, c’est la mauvaise gestion du Special Administrator, de l’équipe de BDO derrière et de Roshi Bhadain. Mais il y a pire encore, et là, c’est l’avocat d’affaires qui vous parle. Comment M. Bhadain compte-t-il rembourser les détenteurs du SCBG? Avec les actifs de Bramer Bank. Les clients, les créanciers, les actionnaires, tout ça, ce n’est pas son problème. Il prend aux uns pour rembourser les autres. Vous savez comment ça s’appelle ? Un Ponzi. M. Bhadain nous fait du Ponzi institutionnalisé. (Il marque une pause) Si ça passe, c’est la fin de notre centre financier, la fin! Adieu l’État de droit, c’est l’Etat-Bhadain. Je vous le dis très franchement, je suis inquiet pour mon business. Le Conseil des ministres qui se substitue à la justice, il n’y a pas pire signal. Et vous voulez que les investisseurs aient confiance? S’ils n’ont pas la garantie que leur argent sera protégé, ils iront ailleurs, c’est tout.

Parlons de votre parti. La semaine dernière, le comité central a décidé que le MMM ira seul aux prochaines législatives. Si d’ici là M. Boolell détrônait M. Ramgoolam, cela changerait-il la donne?

(Sourire en coin) C’est du domaine spéculatif et moi je ne fais pas de politique-fiction.

Mais la langue de bois, ça vous faites…

Ce n’est pas d’actualité donc je n’ai aucun commentaire à faire.

Un attelage Bérenger-Boolell vous déplairait-il à ce point ?

Pas du tout, au contraire ! C’est toujours bien que des gens compétents travaillent ensemble.

Ont-ils commencé le travail ?

Je ne suis pas dans le secret des dieux…

Le lecteur est censé vous croire, là ?

(Ferme) S’il y avait des discussions, j’en aurais été informé. Ça vous va ?

OK. Sangeet Fowdar est-il le bienvenu au MMM ?

Sangeet a longtemps été au MMM, il a même été ministre (NdlR, de la Formation et des communications extérieures). Autant que je sache, il n’a pas pris contact avec nous. S’il demande son adhésion, on l’examinera. La porte n’est pas fermée.

Pour le 1er-Mai, «il y a plusieurs possibilités» a dit Paul Bérenger, sans préciser lesquelles…

Nous avons un choix à faire entre un meeting classique à Rose-Hill et une journée de réflexion, sur la nouvelle Constitution du parti notamment. La décision n’a pas encore été prise.

C’est le moment de faire fuiter la nouvelle Constitution…

(Rire) Je laisse la primeur à Steve Obeegadoo qui a présidé la task force. Il soumettra ses recommandations très bientôt.

Il paraît loin ce jour d’avril 2014 où vous étiez à deux doigts de quitter le MMM…

(Silence) La politique n’est pas statique, il faut savoir naviguer, s’adapter aux événements.

Pas de regret ?

Aucun. Après, je ne sais pas de quoi demain sera fait, peut-être que je me retrouverai dans la même position qu’il y a deux ans. Pour l’heure, je suis remonté à bloc. Après quatre mois de vacances forcées, j’attends avec une grande impatience la rentrée parlementaire.

Votre première question ?

Heritage City et son financement.