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Journée mondiale du lymphœdème: Patricia part au combat

6 mars 2016, 10:30

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Journée mondiale du lymphœdème: Patricia part au combat

Patricia, 51 ans, n’a pas souhaité qu’on la prenne en photo. Mariée et mère de trois enfants adultes, elle a toujours été coquette et aime s’amuser. Il y a 11 ans, on lui découvre un cancer au sein gauche. La mastectomie (ablation) est inévitable. La réaction de son mari et en particulier celle de son fils qui l’exhorte en ces termes : «Mama fer sa pou nou. Nou pa bizin to sein mais nou bizin toi», l’encourage à lutter pour sa survie. Comparée à d’autres, on peut dire que Patricia est plutôt chanceuse. Son cancer ne nécessite pas de longs protocoles de chimiothérapie et de radiothérapie. Elle conserve ses cheveux et n’a que très peu d’effets secondaires.

Huit ans après cette intervention lourde, elle remarque que sa main et son bras gauche sont enflés. Ses doigts sont boudinés. Elle pense à une mauvaise circulation ou à une inflammation et fait de l’automédication. L’enflure ne diminue cependant pas. Elle a honte de ce bras et de cette main disproportionnés par rapport au reste de son corps. Et déprime parfois. «J’ai parfois été découragée. Je me disais : bondyé ounn deza donn mwa enn malad, zordi ou avoy mwa enn lot ! Si mo ti vinn gro lor tonkin, ti pou byen mé pa lor lamé ek lebra !»

À chacune de ses visites médicales à l’hôpital, elle en fait part au médecin de service. Et s’entend invariablement répondre que c’est une complication liée au cancer et qu’elle est irréversible. On lui conseille de vivre avec. Or, il est tout à fait possible de traiter cet état portant le nom de lymphœdème. En fréquentant l’organisation non gouvernementale Link To Life, qui l’a beaucoup soutenue durant sa maladie, Patricia apprend la venue prochaine de Nicole Pearce, thérapeute spécialisée dans le traitement d’appoint pour le lymphœdème et que Link to Life décide d’offrir gratuitement aux femmes qui en souffrent.

Patricia rencontre Nicole Pearce et celle-ci confirme qu’il s’agit bien d’un lymphœdème. La quinquagénaire est la première patiente de Link to Life à bénéficier du traitement décongestif combiné, le 24 janvier 2015. Nicole Pearce lui explique que chez toute personne normalement constituée, quatre litres de lymphe circulent quotidiennement dans son organisme, débarrassant ses cellules de leurs mauvaises protéines, graisses, bactéries et autres virus. La lymphe est drainée des tissus corporels, filtrée par les glandes lymphatiques et transportée jusqu’au coeur où elle réintègre la circulation sanguine. Lorsque le système lymphatique est endommagé, cette lymphe n’est pas éliminée et reste sous la peau, créant cette enflure chronique et progressive d’un membre.

Lorsque ce dommage au système lymphatique est de naissance, on l’appelle lymphœdème primaire. Mais la lymphe peut aussi être endommagée par une chirurgie, par la radiation lors du traitement du cancer ou lors d’accidents. On parle alors de lymphœdème secondaire. Elles sont 18 % de femmes malades du cancer dans le monde à avoir développé un lymphœdème secondaire, des années après avoir suivi une radiothérapie.

L’élément déclencheur peut être le soulèvement d’un objet lourd, le port d’un vêtement trop serré, une pression forte sur la peau comme une prise de tension artérielle mais le facteur aux répercussions les plus graves est une infection cutanée. «Si l’on ne traite pas l’enflure, elle progresse et sera irréversible. En trois mois, un lymphœdème non traité peut passer d’un stade un à un stade trois. On parle alors d’éléphantiasis, qui est incurable.»

Lorsque le lymphœdème est traitable, Nicole Pearce applique le traitement décongestif combiné qui consiste d’abord à enseigner aux malades à laver et prendre soin de leur peau afin d’éviter les infections cutanées. Elle pratique ensuite un drainage lymphatique par le biais d’un massage doux. «Si des glandes lymphatiques ont été enlevées, mettons sous le bras, le massage permettra à la lymphe de trouver un autre passage vers d’autres glandes encore fonctionnelles et de la diriger vers les organes excrétoires.»

La thérapeute applique ensuite un bandage sans élastique sur le membre affecté par l’enflure chronique et le malade doit le porter sans discontinuer de jour comme de nuit pendant sept jours. «Il faut que ce bandage comprime mais pas trop. Lorsque le malade bouge, il aura l’effet d’une pompe qui stimule le système lymphatique.»

«Je suis obligée de porter un vêtement de compression matin et soir.» 

Elle le retire et effectue le massage lymphatique sur le malade tous les jours pendant une semaine. Ce faisant, elle apprend au malade ou à un de ses proches à appliquer ce bandage de la même manière pour qu’il soit remis tous les jours à domicile pendant encore sept jours.

En soin d’entretien, le malade est appelé à porter un vêtement de compression recommandé par la thérapeute après que cette dernière ait régulièrement mesuré le bras qui finit par désenfler. Dans le cas de Patricia, cela a été un gant et une manche. «Ces vêtements de compression doivent être portés à vie mais sont annuellement changés.»

La désenflure ne sera jamais complète. Patricia a connu une amélioration du volume du bras qu’elle estime à 80%. «Je suis contente car on ne remarque plus que j’ai un bras et une main plus gros que l’autre. Cependant, je suis obligée de porter un vêtement de compression matin et soir.» Elle avoue en rigolant ‘oublier’ parfois de mettre son gant et sa manche de compression, surtout lorsqu’elle va à une soirée. «Ce vêtement détonne avec une jolie robe. Donc, je ne le porte pas mais dès le lendemain, je l’enfile à nouveau.»

Son conseil aux malades du cancer ayant subi une radiothérapie est d’observer leur corps. «À la moindre enflure d’un membre, consultez un thérapeute. Le plus tôt vous le faites, plus grandes sont vos chances d’avoir un membre qui retourne à la normale…»