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Enquête sur la NTA: veut-on freiner Hector Tuyau?

26 février 2016, 11:23

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Enquête sur la NTA: veut-on freiner Hector Tuyau?

 

 

Incompréhension, interrogations et allégations pleuvent après la décision de placer le surintendant de police Daniel Monvoisin à la tête de la division Port-Louis Nord, le mercredi 24 février. L’assistant surintendant de police (ASP) Hector Tuyau en est alors devenu le n°2. Lorsque l’on sait que c’est lui qui menait l’enquête sur le vaste trafic de certificats d’immatriculation falsifiés à la National Transport Authority  (NTA), celui des véhicules destinés à la casse (total loss) ou encore les nombreux cas de fraude et de corruption au sein de celle-ci, d’aucuns estiment que «Hector Tuyau aurait été ‘silenced’».

 

Une impression renforcée par le fait que cette décision a été prise au lendemain même de l’ouverture de l’enquête sur le ministre Ashit Gungah. Qui en veut à Hector Tuyau?

 

Dans la ligne de mire de l’ASP Tuyau et de son équipe, plus de 2 000 personnes qui seraient directement impliquées dans ce trafic de horsepower. Selon nos recoupements d’informations, parmi les lobbies qui se sont élevés contre le travail de fourmi de l’escouade de l’ASP Tuyau figure en premier lieu l’establishment de la NTA. D’autant plus que, jusqu’ici, cinq officiers de cet organisme (quatre Vehicle Examiners et un cadre administratif) ont été arrêtés. D’autres officiers pourraient être interpellés au fur et à mesure que progresse l’enquête.

 

Pourtant, après ces arrestations, la collaboration entre les officiers de la NTA et l’équipe d’Hector Tuyau avait grandement facilité l’émergence de nouvelles preuves. Cela, suivant une prise de conscience à la NTA que l’État perdait des dizaines de millions de roupies dans ce vaste trafic de sous-évaluation.

 

Sauf qu’il y a eu aussi un second lobby, venant des milieux politiques cette fois. «Tout le monde savait qu’avec Rs 200, on pouvait tout acheter à la NTA. Après les arrestations, il y a eu une frousse chez plusieurs personnes qui ont alors actionné des leviers pour ne pas être arrêtées», explique une source proche du dossier. L’on parle là de personnalités. Cette même source fait ressortir que «c’est pour cela que le Conseil des ministres s’en est mêlé. Un ministre a même dit qu’on ne peut pas arrêter 2 000 personnes». Aux Casernes, l’on a aussi mis en avant le fait qu’il n’y a pas de place pour le parking des voitures saisies.

 

Déjà, quelques jours à peine après qu’Hector Tuyau a initié l’enquête sur la NTA, des pressions auraient été exercées sur les Casernes centrales afin que celle-ci soit confiée au Central CID. Mais l’ASP Tuyau avait pu continuer son travail de limier.

 

Toutefois, l’ouverture du dossier d’Ashit Gungah a profondément bouleversé la hiérarchie des Casernes centrales. L’on n’approuvait pas une telle démarche de l’ASP Tuyau. Selon certaines sources, il aurait, du reste, fait entendre qu’il ne comptait pas fermer les yeux sur des personnalités politiques. D’ailleurs, le ministre devrait se présenter aux Casernes lundi.

 

Un autre lobby serait d’ordre maçonnique. À la suite de l’interpellation du grand maître de la Grande Loge de Maurice, Bruno Dumazel, dont le certificat d’immatriculation de sa Mercedes a été falsifié, l’ASP Tuyau aurait, selon une source bien informée, reçu «quelques appels de maçons bien placés» qui ont témoigné de leur indignation face au traitement infligé au président du board de l’Alliance française.

 

Démotiver l’enquêteur

 

Des agents d’assurances et des encanteurs peuvent aussi avoir intérêt à nuire à la progression de l’enquête. «Dans les cas de voitures déclarées total loss, l’enquête a démontré le mécanisme de la fraude qui implique des encanteurs et des agents d’assurances. D’ailleurs un encanteur et un agent d’assurances ont été épinglés jusqu’ici… » confie un enquêteur qui connaît bien le dossier.

 

Que pense le principal concerné dans toute cette polémique? «Je suis un policier et je fais mon travail et je continuerai à le faire», explique l’ASP Hector Tuyau. Il n’en dira pas plus.

 

Cependant, du côté de la police, l’on soutient qu’on ferait tout pour qu’Hector Tuyau soit poussé à la retraite en le démotivant. L’on fait ressortir qu’il a bien demandé à être épaulé dans le cadre de cette enquête. Mais qu’il s’agissait d’obtenir davantage de limiers sur le terrain. «C’est un électron libre. La hiérarchie est gênée par son travail parce qu’il est obstiné à aller vers la vérité peu importe ceux qui sont concernés, qu’ils soient politiciens ou autres», déclare un collègue d’Hector Tuyau.

 

«C’est dommage, selon un ACP, que le gouvernement ne l’encourage pas davantage. Il va faire rentrer beaucoup d’argent dans les caisses de l’État

 

Daniel Monvoisin : «Je suis les directives»

 

Le surintendant de police Daniel Monvoisin, affecté à la tête du Central Investigation Department (CID) de Port-Louis Nord, depuis le mercredi 24 février, est avare en commentaire sur sa nouvelle affectation. «Je suis les directives. Je vais là où l’on m’affecte», a-t-il souligné à l’express jeudi.

 

Au sujet de l’enquête sur le trafic de faux certificats d’immatriculation à la National Transport Authority, reprise de l’ASP Hector Tuyau, il dit ne pouvoir en parler. «Aucun commentaire à ce sujet», répond-il. Daniel Monvoisin était précédemment affecté à la CID de la division Ouest.

 

Le CP Mario Nobin : «Une décision stratégique pour épauler l’ASP Tuyau»

 

Contacté alors qu’il est en mission à Rodrigues, le commissaire de police Mario Nobin explique qu’il s’agit là d’une décision prise à la demande d’Hector Tuyau lui-même. Le but: lui donner du renfort dans le cadre de cette enquête vu que celle-ci prenait une ampleur nationale.

 

«L’enquête est toujours menée par l’ASP Tuyau. Mais vu l’ampleur de cette tâche, il m’a approché la semaine dernière pour être épaulé. Au fur et à mesure, je lui ai donné un effectif et à différents niveaux», explique Mario Nobin.

 

Le commissaire de police (CP) ajoute qu’il a placé plusieurs policiers de grades inférieurs dans l’équipe de l’ASP Tuyau, dans un premier temps, pour l’aider. «Mais j’ai pris la décision stratégique, en tant que commissaire de police, de placer également un limier plus rompu à la tâche pour épauler l’ASP vu que l’enquête prend cette ampleur», poursuit le CP Nobin. Il fait là référence au surintendant de police (SP) Daniel Monvoisin qui a quitté la CID de la division Ouest pour diriger celle de Port-Louis Nord.

 

Il rajoute qu’avant la demande de l’ASP Tuyau, il avait déjà rencontré les membres des CID de toutes les régions du pays pour leur demander de lui faire part de leurs difficultés. «À la lumière de cette rencontre, j’ai trouvé bon qu’il y ait un surintendant de police à la tête de chaque département. De ce fait, à la CID de Curepipe, il y a le SP Clifford Frichot, à la Western Division, le SP Bansoodeb. Dans le Nord, l’Est et à Port-Louis Sud ça n’a pas changé parce qu’il y a déjà un SP à la tête.»

 

Interrogé sur la perception qu’il y aurait eu des pressions politiques exercées sur la police dans le cadre de cette affaire, Mario Nobin affirme fermement: «Il n’y a rien d’obscur. Je maîtrise la situation et je suis l’enquête de près. Je ne travaille pas sous des pressions politiques. Les policiers sont des policiers et les politiciens, des politiciens.»