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Destruction de gandia : «Cannabi(c)ide» aux Casernes

20 février 2016, 20:57

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Destruction de gandia : «Cannabi(c)ide» aux  Casernes

Midi. Sous un soleil de plomb, voire pire. C’est la foule des grands jours. Journalistes, photographes et cameramen, une vingtaine au moins, sont massés dans l’enceinte des Casernes centrales, à Port-Louis. L’événement est de taille. Il intéresse visiblement plus que certaines conférences de presse de ministres, moins «nissa». Sont également présents à cette veillée funèbre – à laquelle les membres du public n’ont pas le droit d’assister, précise-t-on du côté de la police – des officiers de l’Anti-Drug Smuggling Unit, du Forensic Science Laboratory (pour l’autopsie, probablement) ainsi que ceux de la Mauritius Revenue Authority (pour voir si les millions partent bien en fumée, probablement).

 

12 h 15. En face de la Police Medical Unit. Les convois mortuaires, oui, parce qu’ils sontplusieurs, arrivent. Les cadavres sont enveloppés dansdes «bal» et transportés par Policiers & Sons. L’on anoté au marqueur, leurs lieux et leurs dates de naissance.Ceux qui sont à nos pieds, par exemple, ontainsi été déracinés à Montagne-Cocotte, apprend-on.Ils faisaient un mètre quand ils ont été fauchés par desfaucilles, dans la fleur de l’âge.

12 h 20. Briefing de la police, orchestré par l’ASP Imamboccus. La chemise est bien mise, la casquette aussi. Nous apprenons que nous allons assister à la crémation de 27 400 plants de gandia, déracinés alors qu’ils coulaient des jours heureux dans leurs forêts enchantées. Valeur totale de la marchandise : Rs 90 millions. S’ils sont détruits, c’est parce qu’ils ne serviront pas de pièces à conviction dans des procès. À noter que ce «cannabi(c)ide» a lieu tous les quatre mois environ, précise le policier.

 

 

12 h 21. Le ballet des «bal»-cercueils se poursuit. Celles qui gisent sur le bitume sont «re-jointes» par d’autres, on les roule par terre, on les malmène, on les compte, on vérifie, on contrevérifie. Nous restons plantés là.

 

12 h 25. On a le feu vert pour avancer, pour aller dire adieu aux défunts, leur rendre un dernier hommage (personne dans l’assistance n’a oublié que ces plantes nous ont quand même procuré de l’oxygène). Mais avant qu’on ne les passe au four, dernier contrôle. Les pompes à incendies sont en stand-by.

 

12 h 28. Nous sommes assez proches des victimes. Suffisamment pour voir leurs têtes. Et sentir leur parfum. Celui qui prédomine, c’est celui de la terre, des racines (NdlR, non pas que l’on sache, nous, innocents, ce qu’est l’odeur du gandia en temps normal).

12 h 30. Arrivée des bourreaux. Dernier sourire pour la photo souvenir. Certains enfilent leur masque d’autres sont plus téméraires. Les «bal» sont ouvertes, les plants pliés en deux, envoyés dans des boîtes en carton ou laissés tel quel. De toute façon, ils atterriront tous dans les flammes de la machine infernale, un croisement entre une douche à gaz et un four électrique. La porte de la chose s’ouvre. Les bourreaux balancent les cadavres à l’intérieur, sans ménagement. Le silence est pesant. Il cède la place à un bruit assourdissant, celui du four crématoire, qui ressemble à celui d’un générateur. La porte se referme.

 

12h40Tout le monde a les yeux – mais surtout le nez – rivés sur la cheminée. En attendant que de la fumée s’en échappe. Comme pour l’élection du pape. Quelques minutes après, c’est chose faite. La cheminée et le four fument en même temps. Une séance de sniffage intense permet de dire que l’odeur est celle de carton et de plastique. Rien qui ressemble à celle du gandia (NdlR, non que nous, innocents, ne sachions qu’elle odeur ça a en temps normal). Ça y est, on circule, il n’y a plus rien à voir. Le gandia est retourné chez lui, au royaume de Jah.