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Syrie : suspense autour d'une proposition de cessez-le-feu russe à Munich

11 février 2016, 22:31

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Syrie : suspense autour d'une proposition de cessez-le-feu russe à Munich

 

La Russie a annoncé avoir fait une offre "concrète" de cessez-le-feu en Syrie et attendre la réponse de Washington avant de la mettre sur la table d'une réunion internationale cruciale pour l'avenir de ce pays jeudi soir à Munich.

"Nous avons fait des propositions sur un cessez-le-feu qui sont tout à fait concrètes", a déclaré le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov au début d'un entretien avec son homologue américain John Kerry dans la capitale bavaroise (sud de l'Allemagne).

"Nous attendons la réponse américaine avant de la soumettre à l'ISSG", le Groupe international de soutien à la Syrie qui réunira les principaux acteurs de la crise - dont l'Iran, l'Arabie saoudite et laTurquie - à 18H00 (17H00 GMT), a-t-il ajouté.

John Kerry n'a fait aucun commentaire sur la position américaine. "Nous voulons progresser sur les questions de l'accès humanitaire et du cessez-le-feu", a-t-il seulement souligné.

Les Occidentaux reprochent aux Russes d'avoir torpillé le processus de paix intersyrien en procédant à des raids aériens massifs contre les rebelles les plus modérés. L'opposition syrienne réclame un cessez-le-feu avant de reprendre les négociations à Genève.

Depuis le 1er février, le régime de Bachar al-Assad, appuyé par les bombardiers russes, mène une offensive contre la deuxième ville de Syrie, Alep (nord), qui a pris en étau les rebelles cantonnés dans les quartiers est.

- Scepticisme -

Quelque 51.000 personnes ont été déplacées par les combats, selon l'ONU, pour beaucoup vers la frontière turque, tandis que 350.000 civils restent bloqués aux côtés des rebelles.

Dans l'après-midi, les ministres de la Défense de la coalition militaire emmenée par les Etats-Unis se réunissent aussi à Bruxelles pour renforcer la lutte contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI), qui profite, selon Washington, de l'avancée du régime syrien face aux rebelles plus modérés.

Les négociations de Munich s'annoncent compliquées au regard de la complexité de la stratégie russe et de la faible marge de manoeuvre des Occidentaux.

Dans le camp occidental, beaucoup redoutent que Moscou ne dresse un rideau de fumée et que les Américains n'"achètent" leurs propositions, dans l'espoir de rapidement régler la crise.

Interrogé sur une éventuelle proposition d'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 1er mars, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, s'est refusé à tout commentaire. "Ne nous perdons pas en conjectures (...) une concertation est en cours", a-t-il dit.

Un tel délai permettrait à la Russie de consolider un peu plus le régime de Damas avant que les négociations de Genève ne débutent vraiment.

"Ce ne sera pas une réunion facile", a lâché la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, en arrivant à Munich. "L'avenir de la Syrie et des Syriens est dans nos mains", a-t-elle averti.

Sur le terrain, les forces du régime avançaient inexorablement jeudi vers Tall Rifaat, un des bastions les plus importants des insurgés dans la région d'Alep, au prix de féroces combats, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme.

- Pas de plan B -

La Russie a pour sa part annoncé avoir effectué 510 sorties aériennes pour frapper 1.888 "cibles terroristes" entre les 4 et 11 février, assurant notamment avoir tué deux commandants rebelles dans la province d'Alep.

Dans un tel contexte, "difficile d'avoir le mot "cessez-le-feu" à la bouche", a souligné le porte-parole de la diplomatie allemande, Martin Schäfer.

Pour le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, ce sont les Occidentaux qui doivent renoncer à leur politique "erronée" et certaines de leurs "conditions préalables", dans une allusion à la demande d'un départ de Bachar al-Assad.

Si le processus politique échoue, les Occidentaux n'ont guère de plan B à moins de prendre le risque de s'opposer frontalement aux Russes, ce qui semble très improbable.

Le président russe Vladimir Poutine "en joue" pour avancer ses pions, mettant les Occidentaux dos au mur, y compris sur la question des réfugiés, estime Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à Paris.

Les Occidentaux rechignent en outre à fournir des missiles sol-air aux rebelles modérés, de peur que ces armes ne tombent entre les mains de jihadistes d'Al-Qaïda et de l'EI.

Les Saoudiens ont bien proposé d'envoyer des troupes au sol. Mais beaucoup doutent qu'ils en aient la capacité militaire car ils sont déjà impliqués au Yémen.

Quant aux Turcs, ils reprochent aux Américains de trop soutenir les Kurdes dans le nord de la Syrie. Excédé aussi par les appels à ouvrir sa frontière aux réfugiés d'Alep, le président islamo-conservateur turc Recep Tayyip Erdogan a menacé jeudi de les envoyer en Europe.