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Un important camp de Roms évacué à Paris

3 février 2016, 14:11

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Un important camp de Roms évacué à Paris

"On est Européens, pourquoi on n'a pas de droits ?". Comme Deniser Teglas, des dizaines de Roms ont été évacués mercredi matin d'un bidonville qui a compté jusqu'à 400 habitants, installés depuis des mois sur une voie de chemin de fer désaffectée dans le nord de Paris.

"Ici il y a des rats, mais c'est mieux qu'en Roumanie", considère Deniser, avant de grimper avec femme et enfant dans un des bus devant l'emmener dans un hôtel de Gennevilliers.

L'évacuation du camp installé sur la "Petite ceinture", entre les portes des Poissonniers et Clignancourt dans le 18e arrondissement de Paris, a débuté à 07H15. Elle s'est achevée une heure et demie plus tard, avec, selon la préfecture de la région Ile-de-France, 80 personnes conduites en bus vers des centres d'hébergement.

"Pourquoi j'ai fait 2.300 km ? pour manger!", lance un jeune en casquette. "Où dormir maintenant ? Dans la rue ? On a famille, enfants, femme", s'inquiète un homme barbu coiffé d'un bonnet, dans l'odeur âcre d'un poêle à bois.

Alors que le jour n'était pas encore levé, les occupants du bidonville, leurs maigres possessions sous le bras, montaient dans les bus. Beaucoup avaient déserté ces derniers jours les cabanons, faits de planches de bois et de matériaux de récupération, en apprenant la rumeur d'une évacuation imminente.

"Une grande partie des habitants sont partis pour mettre à l'abri leurs biens et reconstituer un nouveau campement. C'est un schéma habituel, c'est toujours plus facile d'expulser plutôt que de trouver des solutions durables. C'est l'expulsion qui pérennise les bidonvilles depuis 25 ans", considère Manon Fillonneau, du collectif RomEurope.

- Projet de logement -

Pour Amnesty international France, une expulsion est "coûteuse et inefficace", elle "se chiffre à plus d'une centaine de milliers d'euros, et entraîne systématiquement la création d'un nouveau bidonville par les personnes qui se retrouvent sans abri".

Elle "aggrave la santé et stigmatise les Roms", s'est insurgée l'association Médecins du Monde sur son compte twitter, qualifiant les pouvoirs publics d' "irresponsables".

Quelque 173 "personnes vulnérables" dont 8 enfants scolarisés avaient été recensées lors d'un diagnostic sanitaire la semaine dernière, selon la préfecture d'Ile-de-France, qui fait état de quatre cas de tuberculose.

L'évacuation fait suite à deux jugements du tribunal de grande instance de Paris, les 30 septembre et 28 octobre 2015, requérant "le concours de la force publique" pour évacuer les Roms du terrain, appartenant à SNCF-réseaux.

Pour la préfecture de police de Paris, il s'agit d'une "mise à l'abri des occupants d'un camp sauvage".

"Lors de leur récent passage sur le site, les services de police ont constaté l'implantation de 135 cabanons, au fort caractère d'insalubrité et des conditions d'hygiène particulièrement alarmantes, cumulées à une situation de danger avérée liée à l'utilisation de moyens de chauffage rudimentaires laissant craindre la survenance d'un incendie", a souligné la préfecture de police.

L'enclavement du camp, en contrebas de la rue, derrière de hautes grilles, et accessible par des rampes en bois branlantes, aurait compliqué l'intervention des pompiers en cas d'incendie.

Plusieurs représentants du campement ont soumis à la mi-janvier un projet de relogement à la Ville de Paris, pour 250 personnes environ, et pouvant prendre la forme "de maisonnettes sur sol ou roues" ou "de bâtiments modulaires à un étage".

A la Ville de Paris, on assure "étudier avec soin" ce projet, tout en soulignant "ne pas avoir la main" sur les questions de logement soulevées par ce campement, situé de plus sur un terrain privé.

Selon un récent rapport associatif, plus de 11.000 Roms ont été évacués de force de leurs campements en France en 2015, avec peu de solutions de relogement à la clé.

L'année 2015 a notamment été marquée par l'évacuation, en août, du bidonville du Samaritain (à La Courneuve, en Seine-Saint-Denis), l'un des plus anciens de France, où vivaient quelque 300 personnes. Cette opération avait suscité de vives critiques, depuis l'évêché jusqu'au Défenseur des droits en passant par les associations.