Publicité

Courriel anonyme au PMO: «Kishan était avec moi au moment des faits», dit son amie

30 janvier 2016, 12:36

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Courriel anonyme au PMO: «Kishan était avec moi au moment des faits», dit son amie

L’arrestation de Kishan Sooklall, gérant du cybercafé Indra, suscite toujours des interrogations dans son entourage. Ses proches se demandent pourquoi il est détenu. Selon Tina Gokul, sa meilleure amie, il était ailleurs au moment de l’envoi du mail faisant mention de possible attaques terroristes au Prime Minister’s Office (PMO).

Le 20 janvier, jour où le mail a été envoyé, Tina indique que Kishan était en sa compagnie. «Ce n’est pas parce que d’aucuns soupçonnent que le mail aurait peut-être été envoyé du cybercafé qu’il gère qu’il est coupable !» lâche-t-elle. Elle retrace cette journée avec minutie mais les seules preuves qu’elle a sont les reçus attestant de leurs activités ce mercredi. Elle espère que «les caméras de surveillance des lieux où nous sommes allés constituent des preuves».

Ce jour-là, Kishan et Tina auraient quitté l’Espérance à 9 h 30 pour se rendre à Flacq. «Il m’a déposé à Super U à 10 heures et s’est rendu à son cours d’auto-école. À 11 h 13, il était déjà de retour.» La précision de l’heure provient, dit-elle, de son téléphone, car ils se sont appelés pour se retrouver. De 11 h 30 à 13 h 20, Tina soutient qu’ils déjeunaient. «Nous nous sommes rendus dans plusieurs magasins d’électroménagers. Je suis allée à la poste pour payer des factures. Nous avons ensuite pris la route pour Curepipe vers 14 heures.»

«Il n’est même pas intéressé par ce type d’organisations.»

D’ailleurs, la jeune femme dit ne pas comprendre pourquoi une employée du cybercafé a indiqué dans sa déposition que Kishan Sooklall était au cybercafé à 11 h 37. «Lorsque nous sommes arrivés à Indra vers 14 h 30, trois employées étaient sur place. Pourquoi la police n’a interrogé qu’une seule d’entre elles ?» se demande-t-elle.

Le frère de Kishan Sooklall, Loviraj, rejoint la jeune femme dans ses propos. Il explique que Kishan est quelqu’un de calme. «Il n’est même pas intéressé par ce type d’organisations. Ses centres d’intérêt sont tout autres.» Selon lui, jusqu’à présent, il n’y a rien de concret contre son frère.

La constitutionnalité de la charge provisoire contestée

Kishan Sooklall et l’informaticien Ish Sookun, qui est détenu depuis maintenant six nuits en cellule policière, sont provisoirement accusés sous le PoTA. Pourtant, plusieurs membres du barreau l’ont dit, l’élément de charge provisoire n’est inscrit nulle part dans les livres de loi. C’est ce qui pousse Me Shakeel Mohamed à dire que la police agit uniquement sur la base d’une procédure qui n’a rien de légal.

«C’est une création dans le système administratif légal pour faciliter le travail de la police mais la charge provisoire n’existe pas dans la loi», explique l’avocat, sollicité par l’express. Il a lui-même été inculpé sous une accusation provisoire de conspiracy to commit murder et giving instructions to commit murder dans l’affaire Gorah Issac en décembre avant que ces charges ne soient rayées. Pourtant, lui, c’est depuis 1992 qu’il dit avoir remarqué que cette procédure n’avait rien de «normal».

Shakeel Mohamed soutient que les procédures existantes permettent l’arrestation d’un suspect «on reasonable suspicion». «C’est là qu’il y a des abus. Les gens sont arrêtés sur la base du ouï-dire et non sur des faits et des preuves concrètes», martèle-t-il.

«Parfois il n’y a pas lieu d’arrêter les suspects»

 

Il affirme que la Cour suprême n’a jamais statué sur la constitutionnalité d’une charge provisoire. «On réduit la liberté d’une personne, qui est un droit constitutionnel, sur la base d’une procédure qui n’a jamais été votée à l’Assemblée nationale», remarque-t-il.

L’avocat d’Ish Sookun, Sanjeev Teeluckdharry, rejoint les points soulevés par Shakeel Mohamed. Cependant, il souligne que la police agirait sur la base de jurisprudence. «Pour arrêter une personne sur la base d’une charge provisoire, il faut se fonder sur des faits. En principe, c’est au magistrat de vérifier s’il y a des raisons valables pour arrêter une personne. Malheureusement, les magistrats ne le font pas toujours. En revanche, en Angleterre, avant de signer un mandat, la cour demande des raisons et si elles ne sont pas valables, elle rejette la demande de la police», explique l’avocat.

Sanjeev Teeluckdharry ajoute que c’est «souvent sur la base d’informations non fondées que la police procède à des arrestations». Alors pourquoi est-ce qu’aucun avocat n’est allé contester la charge provisoire en cour ? Selon l’homme de loi, lorsque quelqu’un est arrêté sous une charge provisoire, son avocat n’a qu’une priorité, celle d’avoir la libération sous caution. «La radiation des charges vient après. Cela peut prendre des années avant que l’affaire soit entendue», indique-t-il.

Du côté de la police, un des principaux enquêteurs nous affirme que «cette procédure est tout à fait légale et qu’elle n’a jamais été contestée, sans compter qu’elle a servi dans le passé». Or, il reconnaît que «parfois, il n’y a pas lieu d’arrêter des suspects mais la police le fait pour suivre la procédure habituelle. C’est un ordre établi. Il a l’avantage d’aider la police à empêcher qu’un suspect ne fasse pression sur des témoins ou n’essaie de détruire des preuves. En revanche, il y a des désavantages et il faut que les décideurs agissent et que la police exécute.»