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Face au virus Zika, un conseil inédit : ne pas tomber enceinte en Amérique latine

26 janvier 2016, 16:36

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Face au virus Zika, un conseil inédit : ne pas tomber enceinte en Amérique latine

 

La Colombie, le Salvador, l'Equateur, le Brésil, la Jamaïque : face à l'épidémie du virus Zika, soupçonné de provoquer une malformation congénitale, plusieurs pays d'Amérique latine et des Caraïbes recommandent aux femmes de ne pas tomber enceintes, suscitant la dérision mais aussi les critiques.

"Ce n'est pas possible de faire des annonces folkloriques qui font rire, au lieu d'attaquer la maladie dans les foyers, les entreprises et les écoles", soupire, au Salvador, le secrétaire général du syndicat d'enseignants Simeduco, Francisco Zelada, après l'appel des autorités à éviter toute grossesse en 2016 et 2017.

En Colombie, le même conseil insolite, mais pour six mois, a été rapidement moqué dans les médias et sur les réseaux sociaux, un animateur radio rassurant ainsi ses auditeurs sur le fait que, non, les relations sexuelles n'étaient pas bannies.

Le virus Zika, transmis par le moustique tigre, provoque des symptômes grippaux bénins mais est soupçonné d'entraîner, quand il touche une femme enceinte, une grave malformation congénitale : la microcéphalie, réduisant la taille de la boîte crânienne du bébé et nuisant à son développement intellectuel.

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le virus, déjà présent dans 21 des 55 pays du continent américain, va continuer à s'étendre, "un sérieux sujet d'inquiétude, étant donné surtout le lien éventuel entre une infection pendant la grossesse et des bébés nés avec une petite tête", selon sa directrice générale Margaret Chan.

Le pays le plus touché est le Brésil, avec 3.893 cas de microcéphalie (dont 49 décès), contre seulement 147 sur tout 2014.

En Colombie, 13.531 personnes sont atteintes et une centaine de bébés présentent une microcéphalie. Le Salvador recense 5.397 malades, le Honduras 608, les autres pays quelques dizaines.

- 'Naïf' -

Mais, dans une région où l'avortement est encore parfois interdit et la contraception pas toujours accessible, comment empêcher les grossesses ?

La ministre salvadorienne de la Santé, Violeta Menjivar, a précisé que "l'Etat salvadorien ne fait pas de contrôle des naissances", se contentant par exemple de conseiller aux écolières de troquer la jupe pour le pantalon, afin d'éviter les piqûres du moustique.

Même flou en Colombie, qui ne propose pas de mesures concrètes pour accompagner son appel, ou en Equateur, où la ministre de la Santé Margarita Guevara "recommande aux femmes en âge de procréer et qui vivent en zones à risque du Zika de reporter leurs grossesses".

De quoi déclencher des critiques : "Dans un continent où les grossesses non désirées sont importantes, il est complètement naïf de penser à une recommandation aux femmes pour qu'elles reportent leur grossesse", déclare à l'AFP à Bogota Monica Roa, militante pro-avortement et vice-présidente de l'organisation Women's Link International.

"Pour les femmes déjà enceintes, il faut (une campagne d')information sur tous les risques et toutes les options" qui s'offrent à elles, dit-elle, estimant que cette crise sanitaire peut être une "tragédie" mais aussi une "opportunité" pour améliorer l'éducation sexuelle dans la région.

- Avortement interdit au Salvador -

Si, en Colombie et en Equateur, l'avortement est autorisé en cas de danger pour la santé de la mère, au Salvador il est puni par des peines allant jusqu'à 40 ans de prison : en novembre, Amnesty International avait dénoncé l'incarcération d'une vingtaine de femmes qui avaient avorté.

Selon le président du Collège des médecins du Salvador, le spécialiste en néonatologie Miguel Majano, on peut détecter par ultra-sons si un f?tus est atteint de microcéphalie. Mais cela n'autorise pas à mettre fin à la grossesse.

"La menace du Zika pour les grossesses crée un problème complexe : le nombre d'avortements clandestins va augmenter, mais aussi le nombre de femmes jugées et emprisonnées car ici (l'avortement) est considéré comme un délit", regrette Angela Rivas, du Groupement citoyen pour la dépénalisation de l'avortement thérapeutique, éthique et eugénique.

La sévérité de la législation salvadorienne avait connu un écho international en 2013 avec le cas de Beatriz, 22 ans, atteinte de lupus et qui n'avait pas été autorisée à avorter d'un f?tus dépourvu de cerveau.

Après une intervention de la Cour interaméricaine des droits de l'Homme, l'Etat avait autorisé une césarienne et le nouveau-né était décédé peu après.

"Une fois encore, il faut ouvrir le débat sur la dépénalisation de l'avortement", plaide Angela Rivas.