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Robinson 39 ANS, le pêcheur mène sa barque

16 janvier 2016, 13:51

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Robinson 39 ANS, le pêcheur mène sa barque

Il vit au jour le jour. Voyez-vous, quand on est pêcheur, on ne sait pas de quoi demain sera fait. Ni même l’après-midi, d’ailleurs. «Kan ou al lor dilo-la, pa koné sipa pou rétourné mem sa.» Mais ce n’est pas cette petite arête qui écaillera la passion de Robinson Marianne pour son métier. Les galères financières non plus. Rencontre avec le capitaine et sa pirogue.

Nous sommes arrivés à bon port, au débarcadère de Pointe-aux-Sables plus précisément. Sous les tambalacoques, entre les bancs, des bouteilles et des gobelets en plastique gâchent le paysage. Sea, sun et détritus ne font pas bon ménage. La main en visière, scrutant l’horizon : Robinson, 39 ans, et son paquet de cigarettes. «Ki ou lé mo dir ou ? Pli alé pli pé vinn difisil. Gagn enn ti lavi gras a sa travay-la mé kapav perdi lavi ousi.» Il repense, entre autres, à ses collègues qui ont disparu au large du Morne, il y a une semaine.

Sans parler du fait que les poissons ne courent plus les océans. Le temps où il avait ramené ce thon de 176 livres – sa plus belle prise à ce jour – est, semble-t-il, révolu. Aujourd’hui, il se contente de bien peu. Juste ce qu’il faut pour «manzé ek met lésans dan bato». Le budget pour les provisions ? Serré comme des sardines en boîte. «Mo pa fer rasion kouma tou dimounn, sak mwa. Kas ki gagné zordi, asté zafer ki bizin, apré gardé pou roul bato.» Pour pouvoir écumer les mers, il lui faut entre Rs 800 et Rs 1 500, dépendant des milles nautiques parcourus. «Parfwa bizin al ziska Trou-aux-Biches tou.»

Les journées de Robinson démarrent à 3 h 30 tapantes. À 4 heures, il côtoie les poissons. Dans son sac : sa ligne et ses hameçons, du pain ou des brioches ainsi qu’une Thermos de thé. «Samem mo pétrol sa.» Même si parfois il est au creux de la vague, quand il est en mer, il oublie tout. Rien de tel que la communion avec le grand bleu pour chasser le coup de blues.

À quoi pense-t-il dans ces moments-là ? «Mo priyé pou ki mo kapav rétourn sin é sof.» Les souvenirs coulent également à flots. Les moments passés avec sa petite famille l’aident à surmonter la solitude. Son épouse et ses trois enfants, Jean-Robin, Marie-Anaëlle et Jean-Wesley, âgés entre 9 et 17 ans, ont pris le large. «Zot an Angléter-la, mé nou an kontak toulézour. Mo pa tro anvi koz plis lorla.» Il a beau avoir le pied marin, Robinson n’en est pas moins quelqu’un de très terre à terre. Ses enfants, assure-t-il, ne seront pas pêcheurs comme lui. «Pa enn métié pou zot sa. Monn dir zot travay bien lékol pou zot rési tras enn lot larout.»

Prudence et intuition

 

Pour la petite histoire, l’habitant de Pointe-aux-Sables voulait, quant à lui, être fonctionnaire. «Mo ti anvi enn ti boulo dan gouvernman ki ti pou permet mwa gagn enn saler fix. Mé bon, pann rési.» Il est alors tombé dans la marmite – remplie de bouillon de poisson – quand il était jeune. «Mama ti péser, mo ser ek mo frer ousi.» Et c’est en 1998 qu’il a vraiment mordu à l’hameçon. «Monn anrézistré mwa ek gouverman, monn gagn mo kart péser.» Un document précieux qui lui permet d’obtenir une allocation quand c’est la météo qui fait la pluie et le beau temps pour le pêcheur.

Justement, se fie-t-il à la station de Vacoas pour savoir s’il doit sortir en mer ? «Inpé. Mé avek létan, ou fini par rékonet bann sign. Bizin gueté labriz kot baté. E kan léker dir pa alé, bizin pa alé.» Une prudence et une intuition qui lui ont permis, jusqu’ici, d’éviter les accidents et autres désagréments. Autre «bébet» qu’il ne faut pas déranger, selon Robinson : les cachalots. «Bizin évit zot. Zot fer gro vag ek zot laké, kapav fer pirog saviré.» Des géants de mer, il en a aperçus pas mal, ajoute-t-il, avec respect. «Gro gro zafer, gro gro rékin tou éna. Si ou pa amerd zot, zot pa amerd ou.»

Ce qui est plus «amerdan» par contre, ce sont les gros bateaux «ki ratis fon lamer ek filé. Kan ariv nou tour, res zis enn dé pwason». Découpés en tranches ou entiers, ceux-ci sont revendus au plus offrant, à l’ombre des banyans. Il faut aussi essayer de ne pas se faire griller par les camarades-concurrents.

Histoire de faire en sorte que le porte-monnaie ne boive pas la tasse.