Comme chaque année, nous sollicitons un auteur pour nous conter Noël. Cette fois, c’est Davina Ittoo, lauréate du prix Jean-Fanchette 2015 qui s’est laissée prendre au jeu. Elle nous raconte, à sa manière, la magie de Noël. Mais que se passe-t-il donc au royaume des chauves-souris ? Le père Noël les aurait-il oubliées ?

Là-bas, loin derrière les montagnes et les rivières, il y avait le royaume des chauves-souris. Ces petites créatures avaient trouvé refuge dans l’île depuis très longtemps. Elles étaient venues de très loin. Elles avaient décidé de traverser les océans et les continents pour construire leur demeure dans ce si beau pays. 

Jadis, leur vieux roi leur avait raconté que des petits fruits rouges poussaient abondamment sur cette île et qu’ils ressemblaient à des boules de Noël, accrochées aux arbres.

«Ces petites boules savoureuses et juteuses vous donneront la force de traverser les mers et les terres lorsque la saison des migrations débutera», leur avait dit Volanto, leur vieux monarque, avant qu’elles ne commencent leur grand voyage vers l’île. 

Cela faisait déjà quatre ans qu’elles y avaient établi leur royaume et qu’elles attendaient les deux derniers mois de l’année avec impatience afin de se nourrir des litchis. En effet, elles ne pouvaient s’empêcher de déployer leurs ailes et d’aller à la recherche de ces fruits sucrés, dès qu’ils apparaissaient sur les arbres.

Les litchis annonçaient la venue des grandes chaleurs et l’approche de la fête de Noël. Les habitants de l’île restaient jusqu’à fort tard sous leurs vérandas. Les enfants écrivaient de longues lettres au père Noël pour lui dire à quel point ils avaient été gentils durant toute l’année et que maintenant ils attendaient leur récompense. Les sapins inondaient les salons, les guirlandes multicolores étaient accrochées partout pour accueillir le père Noël.

La chair juteuse des letchis

Au royaume des chauves-souris, un air de fête régnait également. Elles se réjouissaient à l’idée de goûter enfin la chair juteuse des litchis. Le premier jour, elles eurent droit à un véritable festin. Il y eut même des cas d’indigestion et le vieux médecin du royaume, Guériros, eut fort à faire pour soulager les maux de ventre de ces nombreuses chauves-souris. 

La deuxième nuit, tout le royaume était désert. En effet, toutes les chauves-souris, alléchées par l’odeur des litchis, s’étaient joyeusement précipitées vers les arbres, remerciant le ciel de mettre à leur disposition une si succulente nourriture ! C’était leur récompense de Noël ! Leurs petits yeux s’allumaient de joie dans la nuit et leurs ailes taquinaient les feuilles des arbres, dans des grands cris de bonheur. Toute cette abondance, ce goût sucré, cette chair tendre. Elles étaient infiniment reconnaissantes au ciel de leur donner tant de fruits délicieux. Elles dansaient dans les arbres, buvaient le jus des litchis à grandes gorgées et pensaient même qu’elles auraient assez de force pour voler jusqu’aux étoiles !

Cependant, la troisième nuit, leurs cris de joie s’interrompirent brutalement. D’autres cris vinrent remplacer les chants heureux des chauves-souris. La colère grondait dans l’île. Les habitants commençaient à crier, à hurler, à menacer les petites créatures. Ils leur reprochaient de vouloir manger tous les litchis. Ils mettaient des filets sur les arbres. Ils traquaient les chauves-souris la nuit afin de les tuer. Les petites bêtes se retrouvaient prisonnières dans les mailles des grands filets. 

Elles demeuraient là, jusqu’au petit matin, en priant pour que le propriétaire de l’arbre ait assez de clémence pour les laisser partir. Qu’avaient-elles fait pour mériter un tel sort ? Elles n’avaient songé qu’à manger ces fruits que la Nature avait généreusement mis à leur disposition. Elles n’avaient jamais entendu dire que les litchis étaient exclusivement réservés aux humains !

Une île si belle ne peut abriter des habitants au cœur de pierre

Au fil des jours, le royaume des chauves-souris s’enfonçait dans une grande tristesse. Les vieux disaient aux jeunes de fuir l’île, de voler vers d’autres pays où les habitants seraient moins cruels. Mais comment quitter cette île qu’elles adoraient ? Comment oublier tous ces jeux au milieu des champs de canne, comment oublier ces grands vols au-dessus de la mer ? 

Non, elles ne partiraient pas. Elles croyaient à un miracle. Déjà, de nombreux habitants protestaient à travers l’île, contre le sort injuste, réservé aux chauves-souris. Non, une île si belle ne pouvait abriter des habitants au cœur de pierre.

«Lorsque la Nature donne, elle donne à tout le monde, aux bêtes, aux bestioles, aux humains.»

Noël approchait. La population des chauves-souris diminuait. Le cœur n’était pas à la fête. Un groupe de jeunes chauves-souris eut alors l’idée d’écrire une longue lettre au père Noël : «Cher père Noël, tu viendras bientôt sur l’île avec tes cadeaux et ta grande bonté. Nous, peuple des chauves-souris, nous ne te demandons qu’une seule chose. S’il te plaît, père Noël, parle aux habitants et dis-leur que nous ne leur voulons aucun mal et que nos cœurs saignent de voir tant de nos proches blessés et si malheureux.»

Les chauves-souris laissèrent la lettre au creux d’un arbre de filao, persuadées que le père Noël écouterait leurs prières. Le vent emporta la lettre jusqu’à la demeure du père Noël qui décida de mener son chariot jusqu’à la belle île. La veille de Noël, à minuit, alors que les cloches des églises carillonnaient joyeusement, le père Noël apparut dans les airs, sur un chariot éblouissant. Tous les habitants de l’île pouvaient le voir. Des cris de joie éclataient de partout. Les enfants, tout excités, tendaient leurs mains jusqu’au ciel, dans l’espoir que le père Noël toucherait leurs petits doigts.

L’appel du Père Noël

Il sourit à toute l’assemblée et leur parla d’une voix très douce : «Chers habitants de ce si beau pays, je suis venu vers vous pour combler votre cœur de joie. Mais je suis également là pour une autre mission. Je vais vous raconter une belle histoire. Jadis, un royaume s’étendait au-delà des montagnes et des rivières de cette île. Les habitants de ce royaume, qu’on appelait chauves-souris, étaient des petits êtres joyeux et gourmands. Ils avaient décidé de rester sur l’île car ils étaient tombés amoureux d’un petit fruit rouge, que l’on nomme litchi. 

Les chauves- souris raffolaient de ce fruit, ils pensaient qu’en le mangeant, ils auraient la force de voler jusqu’aux étoiles, jusqu’aux galaxies, jusqu’aux coins les plus reculés de l’univers ! Lorsque la Nature donne, elle donne à tout le monde, aux bêtes, aux bestioles, aux humains. Les litchis ne sont pas réservés uniquement aux humains, loin de là ! 

Alors, je vous en prie, arrêtez de chasser les chauves-souris, si elles ont choisi de venir jusqu’à votre île, c’est qu’elles pensaient y trouver bonté et abondance. Je vous demande de m’offrir un cadeau de Noël, je vous demande d’ouvrir vos yeux et de voir que ces petites créatures contribuent à l’équilibre de la Terre, qu’elles ont le droit de se nourrir comme vous, qu’elles ont le droit d’être libres et heureuses. Je vous demande de m’offrir ce cadeau de Noël, laissez-les vivre…