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Excédé par la crise et tenté par l'opposition, le Venezuela élit ses députés

6 décembre 2015, 07:36

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Excédé par la crise et tenté par l'opposition, le Venezuela élit ses députés

 

 

 

 

Quelque 19,5 millions d'électeurs sont appelés à désigner les 167 députés du Parlement monocaméral en se rendant dès 06h00 (10H30 GMT) dans les bureaux de vote du pays sud-américain, ouverts jusqu'à 18h00 (22H30 GMT). Les premiers résultats ne sont pas attendus avant 22H00 (02H30 GMT lundi).

 

"Nous vaincrons!", clamait jeudi le président Nicolas Maduro, 53 ans, dansant sur un air de salsa pour la clôture de campagne et qualifiant les membres de l'opposition de "paresseux et incapables", porteurs d'un "faux changement".

 

Au terme d'une campagne particulièrement agressive, son Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) n'a pourtant pas réussi à entamer la popularité de la Table de l'unité démocratique (MUD), coalition créditée de 14 à 35 points d'avance dans les sondages.

 

Même si M. Maduro assure qu'il sera "le premier à reconnaître les résultats", il précise qu'il "n'abandonner(a) jamais la révolution". De sa capacité à accepter son éventuelle défaite dépendra le risque de violences autour du scrutin, 18 mois après des manifestations ayant fait 43 morts officiellement.

 

Fatigués de patienter des heures devant les supermarchés pour trouver des produits aussi basiques que du riz ou du papier toilette, les Vénézuéliens se plaignent aussi d'une inflation dépassant les 200% selon les économistes et d'une insécurité alarmante, avec un taux d'homicides le deuxième plus élevé au monde après le Honduras, selon l'ONU.

 

Autrefois l'un des pays les plus fortunés d'Amérique latine, le Venezuela a vu son économie s'effondrer au même rythme que les cours du pétrole, quasiment son unique richesse. Vendredi, le brut vénézuélien atteignait son plus bas en sept ans, à 34,05 dollars le baril.

 

Brandissant un drapeau jaune du parti Primero justicia (La justice d'abord), Hortensia Padilla, 53 ans, votera pour l'opposition "pour avoir un meilleur Venezuela, pour le bien de mes petits-enfants", âgés de 3, 4 et 5 ans.

 

"Faire la queue mais pouvoir acheter des produits, je peux l'accepter, mais faire la queue et ne rien obtenir, ça non", confie-t-elle, lassée des rayons vides du supermarché. "Nous devons faire que cela change".

 

- Risque de 'paralysie politique' -

 

Euphorique, l'opposition promet de répondre à ce besoin de changement.

 

"Dimanche, nous allons écrire une nouvelle page dans l'histoire de notre pays", assure le député et candidat Miguel Pizarro.

 

Mais la MUD, coalition disparate d'une trentaine de partis de la gauche à la droite dure, ne repose que sur son rejet du chavisme, du nom de l'ancien président Hugo Chavez, décédé en 2013, auquel Nicolas Maduro a succédé. Elle est tiraillée entre une aile modérée, incarnée par l'ex-candidat à la présidentielle Henrique Capriles, et une radicale, dont le leader Leopoldo Lopez est emprisonné.

 

Et son programme ne propose aucune solution concrète à la crise.

 

En raison d'un découpage électoral favorable au chavisme, la MUD pourrait ne remporter qu'une majorité simple, suffisante pour faire amnistier les 75 prisonniers politiques qu'elle recense dans le pays, mais pas pour organiser un référendum révocatoire contre le président.

 

Autre écueil : dans ce système présidentialiste, Nicolas Maduro peut limiter les pouvoirs du Parlement si celui-ci change de majorité, en faisant adopter une loi par l'Assemblée sortante l'autorisant à gouverner directement par décret, même si cette option entraînerait de fortes protestations.

 

A la veille du scrutin, M. Maduro a semblé faire un pas vers l'opposition en autorisant Leopoldo Lopez et d'autres responsables incarcérés à voter, selon l'ex-président colombien Andrés Pastrana, une information non confirmée de source officielle.

 

En tout état de cause, malgré le triomphe annoncé pour l'opposition, "un grand changement de politique est improbable", résume Edward Glossop, analyste de Capital Economics. A l'inverse, "nous prévoyons que la crise sociale, politique et économique du pays s'intensifie".

 

Même pessimisme chez Diego Moya-Ocampos, expert du cabinet IHS, s'attendant à "une paralysie politique, une intensification des pénuries d'aliments et de biens, et une instabilité gouvernementale".

 

Car si le chavisme ne semble pas prêt à partager le pouvoir, il pourrait douter de son leader Nicolas Maduro et songer à le remplacer : "si c'est une lourde défaite en voix, au-delà du nombre de députés, cela ouvrira de sérieuses interrogations sur la conduite du parti", prédit Andrés Cañizalez, professeur à l'université Andrés Bello à Caracas.