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Yousuf Mohamed: «Il y aura une riposte, soyez-en sûr!»

29 novembre 2015, 07:51

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Yousuf Mohamed: «Il y aura une riposte, soyez-en sûr!»

Le père de Shakeel Mohamed n’a toujours pas digéré l’arrestation de son fils, lundi. Ses envies d’en découdre sont intactes : «Je sais qui est derrière tout ça, on se retrouvera en cour, je vais les déchirer.» Que cache cette menace? À qui s’adresset-elle ? Contre-interrogatoire sur un canapé de cuir rouge.

 

En forme ?

Je vais énormément bien (grand sourire). On a reçu un coup très dur, la famille a souffert. Mais nous résistons, nous sommes déterminés à nous battre. On sortira de cette affaire victorieux, sans taches, j’en suis persuadé. Et puis, ce n’est pas plus mal de crever l’abcès. L’ombre de Gorah Issac plane sur la tête de Shakeel depuis qu’il a quitté le MSM.

Vous en êtes où avec vos envies de «déchirage» ?

Tout ce que je fais est légal. Quand je dis «mo pou dessir certaines personnes», je ne parle pas de violence physique. Mes comptes, je les réglerai devant une cour de justice. Il y aura une riposte, soyez-en sûr ! «I’m going for everyone of you», a dit Shakeel. On ne prend personne en traître. On ne fera rien à la hâte. Ce plat-là se mange froid.

Vous avez faim de vengeance ?

Pas de vengeance. Je veux restaurer la réputation des Mohamed. Je serai patient, j’attendrai que la police termine son travail. Je ne veux pas que l’on puisse dire que Yousuf Mohamed a interféré dans l’enquête. Mais la vérité sortira, croyez-moi.

Quelle vérité ?

L’arrestation de Shakeel est le résultat d’une manipulation. Je sais qui est derrière tout ça, on se retrouvera en cour. Ils auront à répondre à mes questions, et là, je vais les déchirer.

On vous a connu plus en retenue…

Je me retiens, croyez-moi…

Vous visez qui au juste ?

Je ne peux pas vous donner de noms, c’est trop tôt. Je ne fais rien à la hâte, jamais. Je ne piège pas les gens non plus, ils sont prévenus.

Et si vous bluffiez ?

Ce serait de bonne guerre… (Droit dans les yeux) Je ne bluffe pas, Monsieur. J’ai passé l’âge.

 MM. Bhadin et Soodhun se sont désolidarisés de l’action de la police en dénonçant des méthodes «inacceptables». Qu’avez-vous pensé de leur sortie ?

J’épouse complètement leur point de vue. Ils savent de quoi ils parlent, eux-mêmes ont souffert, à une époque, des agissements intempestifs de la police.

Vous les sentez donc sincères ?

Non. S’ils avaient réagi plus tôt, j’y aurais cru. Mais là, ça sonnait faux. Ils ont vu la réaction du public, ils ont voulu faire retomber la pression. M. Bhadain a pris l’engagement de revoir la loi, j’attends des actes. Ils sont au pouvoir avec une majorité forte, qu’ils amendent le Criminal Evidence Bill. Qu’on arrête d’enfermer les gens sur la base d’une provisional information.

Mais l’ACP Jangi a dit que votre fils avait été arrêté sur la base de preuves.

Nous ne devons pas avoir la même définition du mot «preuve». La magistrate elle-même, dans son ruling, a dit que ces preuves n’étaient pas valables. De quoi parle-t-on ? De deux témoignages. Le premier est celui de Khadafi Oozeer. Non seulement cet homme s’est rétracté il y a 15 ans, mais il a redit, ces jours-ci dans la presse, que Shakeel n’avait rien à voir avec Gorah Issac. Donc, s’il y a une preuve, c’est bien celle de son innocence. Le second témoignage est celui de la veuve de Babal Joomun. Cette dame dit quoi ? Que son mari lui a raconté avoir eu un accrochage avec Shakeel pendant la campagne électorale. Cela prouve quoi ? C’est du vent !

Madame Joomun s’est dit «surprise que Shakeel Mohamed soit le premier convoqué». Ça vous inspire quel commentaire ?

Cette femme est épouvantable. Elle parle, elle parle… Elle dit n’importe quoi. Voyez cette histoire d’e-mail envoyé à Shakeel (NdlR, voir l’express de jeudi), on ne peut pas se fier à elle, la police se base sur les dires d’une affabulatrice. Elle ne sait rien, elle cherche, elle est prête à tout pour trouver. Qu’elle souffre de la perte de son mari, je le comprends parfaitement, mais cela ne lui donne pas tous les droits.

Qu’est-ce qui vous dit que la police se base uniquement sur ces deux témoignages ?

Parce que l’ASP Ruhomah, qui représentait la police lundi en cour, a dit exactement ça.

Vous dites quoi, que la police a bâclé le travail ?

Non Monsieur. Je dis que j’entends des choses qui me dérangent.

Quelles choses ?

Des rumeurs persistantes. J’ai des oreilles, j’écoute.

Et vous entendez quoi ?

J’entends que des conseillers du gouvernement, haut gradés, haut placés, tirent les ficelles dans cette affaire. Je vous laisse deviner ce que je veux dire.

Je ne suis pas venu ici pour jouer aux devinettes…

Des rumeurs circulent, je vous dis…

Le commissaire de police y a coupé court en affirmant que la police ne prend d’instructions de personnes…

À d’autres ! J’ai été au gouvernement, on ne me la fait pas. Tous les commissaires de police, je dis bien tous, se rendent régulièrement au bureau du ministre de l’Intérieur. Mais ça, jamais aucun CP ne le dira publiquement, et c’est bien normal.

Où voulez-vous en venir ?

(Longue expiration) Tellement de choses se passent en coulisse... Shakeel est perçu comme une menace.

Son goût des dossiers ?

Pardon ?

Puisque vous semblez aimer les rumeurs, on raconte que votre fils a compilé un dossier explosif sur un membre influent du gouvernement.

Ça, il faut lui poser la question, il ne me dit pas tout. Ce que je sais, c’est que Shakeel est devenu une cible politique. L’attaque de SAJ, je l’ai encore en travers de la gorge. Al okip zafer Gorah Issac, en plein Parlement, c’est digne d’un Premier ministre ça ? (NdlR, Une phrase prononcée le 10 novembre dernier en réponse à une question de Shakeel Mohamed sur les effectifs de police à Port-Louis). Ce Monsieur a accusé mon fils d’être impliqué dans une tuerie, comme ça, à la cantonade, protégé par l’immunité parlementaire. Ensuite, la police enquête. On en est là, ce pays marche à l’envers.

Vous évoquiez tout à l’heure le rôle des conseillers. Pourriez-vous être plus précis ?

Non, Monsieur, c’est trop tôt.

Faux, Monsieur, c’est trop tard.

(Il réfléchit longuement) Nous poursuivons en justice une Américaine, Kathi Lynn Austin, pour diffamation. Cette dame nous accuse, mes deux fils et moi, d’être des trafiquants d’armes. L’affaire est en Cour suprême, j’ai demandé à ce qu’elle soit appelée au plus vite mais cette dame n’est pas disponible pour venir à Maurice, bref... Il se trouve que son avocat et celui de Swaleha Joomun sont la même personne : Vikash Teeluckdharry, le frère du député MSM. C’est lui qui a accompagné Mme Joomun aux Casernes centrales le 9 novembre dernier. Le lendemain, il y a cette phrase d’Anerood Jugnauth au Parlement. Et deux semaines plus tard, Shakeel est arrêté. Mais tout cela n’est certainement qu’une série de coïncidences, n’est-ce pas ?

Il y a une autre chose que vous devez savoir. En avril 2012, au moment du Remake, Paul Bérenger donne un congrès à Roche-Bois. Il dit ceci (il lit un document qu’il présente comme une retranscription du discours) : «Mo warm Shakeel Mohamed. Na pa amerd dimounn tro bokou. Ena case kapav reouver. Ena case Gorah Issac. Anerood Jugnauth inn dir li konn sertenn kitzoz e li va koze pli divan.» J’ai poursuivi les deux en diffamation. Bérenger s’est excusé, n’en parlons plus. Jugnauth n’a pas encore donné sa défense. Va-t-il se servir des récents événements pour venir se justifier ?

Êtes-vous en train d’insinuer que l’arrestation de votre fils est liée à votre plainte ?

Peut-être. J’espère me tromper.

Auriez-vous aimé défendre votre fils en cour ?

Ce n’est pas possible. Et puis, j’ai défendu des gens de Cehl Meeah. Comme dans le passé j’ai défendu des gens du MMM. Comme j’ai pris l’affaire de M. Jugnauth, le Sun Trust, je lui ai fait obtenir Rs 45 millions du gouvernement travailliste. Comme j’ai pris l’affaire de M. Bhadain, quand il était à l’ICAC, je lui ai fait avoir 4,5 millions... (on coupe)

Une bande d’ingrats qui n’ont pas renvoyé l’ascenseur ?

Non, je ne parle pas d’ingratitude. Je parle de respect de l’État de droit. Dans quel pays voit-on un Premier ministre transformer le Parlement en tribunal expéditif, hein ? J’appelle cela de la persécution. Bizlall l’a bien dit: Jugnauth n’a pas d’adversaires, il n’a que des ennemis.

Méfiez-vous, le Premier ministre pourrait vous déchirer…

(Direct) Qu’il essaie pour voir. Je l’attends de pied ferme.

A 82 ans, où trouvez-vous cette énergie ?

Allah m’a béni. Je marche bien. Je travaille bien. Je communique bien. Et je ne porte pas de couche, moi.